Je m’appelle Ariane, je vis à Bordeaux, j’ai 17 ans et je viens de finir mon année de Terminale, en section Littéraire.
Qui dit Terminale L dit grande découverte : celle de la philo ! Quelle ne fut pas ma joie à la rentrée de me voir remettre un épais manuel de philosophie, présage d’une initiation intense à l’exercice de la pensée et aux combats des préjugés. J’ouvre le livre et je tombe sur la liste des auteurs au programme où étaient réunis tous les plus grands penseurs que j’avais hâte de découvrir : Platon, Épicure, Descartes, Pascal, Kant, Nietzsche, Foucault…
Mais au fur et à mesure de ma lecture de cette liste, ma joie retombe : en effet, la liste est pleine des plus grands penseurs et auteurs depuis l’Antiquité. Et, perdue parmi eux, une femme : Hannah Arendt. Innocemment, je pensais aussi explorer la pensée de Simone de Beauvoir, Anne Conway, Simone Weil, Catherine Kintzler, Elisabeth Badinter. Visiblement, aucune d’entre elles n’a sa place dans un manuel de philo.
L’homme prend la place de l’humain
Ce constat amer a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Déjà en primaire, le masculin l’emportait sur le féminin. Au collège, on nous exposait la vie et l’œuvre des grands hommes de l’histoire.
En première, en cours de Français, on ne nous parlait de George Sand que pour parler de sa liaison avec Alfred de Musset, et on nous faisait travailler « la question de l’homme ». Non, ce n’est pas s’attacher à un détail que de demander qu’on utilise le terme « humain », qui aux dernières nouvelles fait aussi partie de la langue française.
Et cette année, on me demande de rester stoïque face à la domination masculine du cours auquel les Terminales L assistent pendant 8 à 9 heures par semaine.
Le sexisme ambiant de notre culture
Et quelle ironie que le problème se pose en cours de philosophie ! Ce cours où les professeurs nous expliquent comment combattre les opinions toutes faites et les préjugés ! Ce cours où les élèves sont appelés à réfléchir sur la morale et la tolérance, sur la société et l’égalité ! Ce cours où l’on nous affirme que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée » !
C’est un vrai problème de société. Si l’école a aujourd’hui la vocation de former autant des citoyennes et des citoyens que des esprits – comme le témoigne par exemple l’enseignement d’éducation civique –, qu’elle montre l’exemple vers une société égalitaire. Actuellement, elle ne fait que refléter le sexisme toujours ambiant de notre culture.
Lutter pour lire, écrire, publier et étudier
C’est aussi extrêmement dérangeant et démoralisant pour les femmes de mon âge.
Imaginez assister au spectacle de la marginalisation des intellectuelles, des politiciennes, à l’âge où vous-même essayez de trouver votre place entre les poupées Barbie des magazines féminins et les commentaires que l’on reçoit si l’on sort un peu trop tard avec une jupe un peu trop courte !
Donnez-nous des modèles, inspirez-nous avec l’histoire de Louise Michel, des suffragettes, de Virginia Woolf !
Oui, les femmes ont dû lutter pour lire, écrire, publier et étudier. Mais aujourd’hui, quand, en France en tout cas, les choses sont plus faciles, pourquoi continuer à les exclure, au lieu de montrer à quel point leurs luttes furent tout aussi – voire plus – courageuses encore que celles des hommes ?
Une place pour la femme dans les manuels scolaires
Le choix de faire enseigner des œuvres telles que Les Mains libres, qui brandit une image de la femme-objet uniquement définie dans son pouvoir érotique, n’arrange rien. Un dessin de Man Ray sur deux, dans cet ouvrage mis au programme de Terminale L, représente une femme nue dans une pose suggestive. Pour vous donner une idée, admirez ci-contre le très éloquent « Pouvoir »… Zazie dans le métro était un choix bien plus féministe !
Alors que vous soyez une femme ou un homme, élève, étudiant ou chômeur, je vous appelle à soutenir cette cause qui j’espère vous interpelle. Une pétition en ligne a été rédigée pour demander au Ministre de l’Éducation Nationale, Benoît Hamon, de donner une place aux femmes dans les programmes scolaires, pour que les prochaines générations d’élèves ne soit pas exposées ainsi à du pur et simple sexisme.
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