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Darwin contre-attaque, le ton s’envenime avec BMA

La médiation sur l’avenir de la caserne Niel bloque toujours sur plusieurs sujets, annonce Darwin, qui lance un comité de soutien et une pétition pour sauver l’éco-système, #laissonspasbeton. Bordeaux Métropole Aménagement, en charge de la ZAC Bastide-Niel, répond à ses accusations et se dit toujours ouvert à la négociation.

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Darwin contre-attaque, le ton s’envenime avec BMA

Un « sentiment d’enlisement ». C’est ainsi que Jean-Marc Gancille, cofondateur de Darwin décrit l’état des discussions dans lesquelles sont engagés son groupe, Evolution, et les associations de la caserne Niel, avec la mairie de Bordeaux et BMA (Bordeaux Métropole Aménagement).

Les différentes parties ont entamé en janvier une médiation sur l’avenir des associations actives sur la friche de la rive droite. Elle visait à résoudre le conflit déclenché par la volonté de BMA de lancer les travaux de la ZAC Bastide-Niel sur les 2 hectares occupés par l’écosystème.

Mais cette médiation tarde à donner des résultats. Avec un long texte diffusé ce mercredi, « Du rififi à la Caserne Niel », les darwiniens entendent médiatiser à nouveau l’affaire, lançant à cette occasion un comité de soutien et une pétition.

« Rien n’est joué »

L’article commence par saluer « quelques avancées » de la médiation : le suivi par le CCAS des bénéficiaires du village d’hébergement d’urgence en vue de leur relogement, la proposition de prolonger l’autorisation d’occupation du Skatepark jusqu’en 2020 ou encore « l’acceptation (toujours tacite à ce jour) du maintien des associations sportives et sociales (Bike-Polo, Emmaus…) dans le bâtiment situé en face du Skatepark pour 12 à 18 mois supplémentaires ».

Toutefois, « la pérennisation de ces dernières activités en ces lieux est subordonnée aux discussions avec la société Domofrance (un des associés de la SAS Bastide-Niel) qui doit théoriquement construire un immeuble à cet emplacement. Rien n’est donc joué. (…) Plus inquiétant, l’avenir de la ZAUE (Zone d’Agriculture Urbaine Expérimentale) n’a pas encore pu faire l’objet de solutions. Une réunion ad-hoc reste à caler. La question est sensible, tant ces activités sont très identitaires de Darwin. »

Si ses fondateurs saluent « la bienveillance de plusieurs élus comme Elizabeth Touton et Nicolas Florian », les adjoints d’Alain Juppé, ainsi que le soutien de nombreux élus de gauche comme de droite, ils estiment être devenus une cible de BMA.

« En plus de vouloir casser la dynamique associative de Darwin, il y  la volonté de nous attaquer au portefeuille », pense Philippe Barre.

Les Chantiers de la Garonne en danger

Le créateur du groupe Evolution pointe deux dossiers « très structurants pour le développement de l’écosystème », mais actuellement « bloqués », ce qui « place Darwin dans une situation d’incertitude préjudiciable à son développement »: les Magasins Généreux et les Chantiers de la Garonne.

D’abord, le groupe Evolution attend depuis un an la validation officielle de son autorisation d’occupation temporaire des Chantiers de la Garonne, « du fait d’erreurs incombant à l’administration ».

Initialement conclue avec la Ville, et validée par le conseil municipal, cette AOT avait été annulée, l’Etat propriétaire du domaine fluvial estimant qu’il devait y être associé. Ayant la garantie que cet accord tripartite ne serait qu’une formalité, Darwin a investi sur ses fonds propres 3 millions d’euros pour faire un brasserie de ce lieu, investi avec les Marins de la Lune.

Malgré le vote (à l’unanimité) du conseil municipal le 6 mars dernier, Les Chantiers de la Garonne n’ont pas encore reçu la convention rectifiée qui, selon Philippe Barre, serait « partie dans les méandres des administrations, entre la Ville et le port autonome de Bordeaux ».

« Nous sommes dans une espèce de vide juridique car on ne sait pas si on peut ou pas démarrer l’exploitation, sans document autre que le PV du conseil municipal. Nous ne pouvons pas apporter la preuve de la mauvaises volonté d’un tel ou un tel, mais on peut être légitimement inquiets que certaines personnes puissent mettre un dossier sous la pile, ou l’envoyer se perdre dans telle ou telle administration. Cela devient très tendu car aujourd’hui on nous coupe ainsi de la possibilité de continuer à être financés par des modes très conventionnels, sans subvention publique. »

Les Magasins Généreux en stand by

Autre dossier chaud : les Magasins Généreux. Il y a presque trois ans, Darwin remportait un concours pour rénover cet ilot de la caserne. Le projet est « toujours en stand by du fait de l’attente interminable du protocole de promesse de vente qui aurait dû être effectif depuis juin 2016 ». BMA ne l’a pas encore ratifié, déplore Philippe Barre :

« Nous avons du déjà investir près d’un million d’euros dans les études car le projet a subi des modifications qui n’étaient pas de notre volonté, notamment le fait que la Fabrique Pola n’en ferait finalement pas partie. On subit aujourd’hui des tergiversations tatillonnes, et c’est inadmissible car on devrait déjà être installés dedans. »

Joint par Rue89 Bordeaux, Pascal Gerasimo, directeur général de BMA, réplique qu’il ne « peut pas signer de chèque en blanc » à la place de la métropole :

« Je suis prêt à signer à condition de connaître le programme, mais il n’y en a pas. Il n’y a plus de Pola, plus de logement social, plus de campus numérique. Or dans le cadre d’une ZAC (zone d’aménagement concertée), on est obligés de d’avoir un cahier des charges pour pouvoir céder un terrain. »

Le patron de la société d’aménagement publique, qui a lu « Du rififi à la caserne Niel » déplore « un texte assez mensonger », traduisant le « durcissement » des positions de Darwin. Il signale notamment avoir lui-même accordé une autorisation temporaire pour la ZAUE, et proposé à l’été dernier le prolongement de l’AOT pour le Skatepark jusqu’en 2020 :

« Le skatepark existe, il marche bien sûr qu’on ne va pas le fermer. On ne donne pas un chèque en blanc pour 50 ans, mais on ne le fermera pas non plus en 2020 si ça marche toujours, on ne peut pas virer des occupants sans lieu ni titre. »

De même, Pascal Gerasimo ne ferme pas à porte au maintien d’autres associations, ou à leur accueil dans des futurs locaux de la ZAC, en pied d’immeuble, si « elles sont utiles et compatibles avec le projet ».

« C’est l’objet de la médiation en cours. On ne pourra sans doute pas reloger tout le monde mais nous avons la volonté de le faire, pourquoi on ne s’entendrait pas ? »

Bouc émissaire ?

L’aménageur conteste les reproches sur l’absence de concertation. Jean-Marc Gancille et Philippe Barre déplorent par exemple d’avoir appris par la presse un projet de centre de loisir porté par Cantona, tout près de Darwin, ou d’entendre des rumeurs sur le démarrage de travaux de réseaux dans l’allée centrale de la caserne :

« Nous leur avons dit qu’on voulait démarrer ces travaux d’ici fin 2017, mais c’est encore incertain car nous n’avons pas l’autorisation de fonçage, permettant de passer sous les voies de la SNCF, répond Pascal Gerasimo. Nous serons alors obligés de suivre le fil de l’eau, qui va de l’avenue Thiers au quai de Queyries. Bien entendu, nous discuterons alors avec les gens qui travaillent sur place. »

Le directeur de BMA estime passer pour le bouc émissaire des difficultés de l’écosystème :

« Je n’ai jamais travaillé dans un esprit de polémique ni dans l’idéologie, je suis un technicien, j’exécute le contrat que m’ont donné les élus, et cela m’afflige d’être cité à comparaitre. Philippe Barre est un garçon super intelligent qui a de bonnes idées, mais Darwin n’est pas un service public. La ville a besoin de logements et d’installer de nouveaux habitants. La concertation a déjà eu lieu dans les années 2012-2014, et à l’époque tout le monde était d’accord avec le projet de Winy Maas. Et Alain Juppé a récemment sifflé la fin de la récréation. »

Démarrer les travaux

Pour faire avancer ce projet, Pascal Gerasimo n’envisage pas de stratégie consistant à épargner l’emprise occupée par les associations de Darwin, comme celles-ci le souhaitent.

« Pourquoi commencer une ZAC de 34 hectares précisément sur les seuls 2 petits hectares où ont lieu des activités ? s’interroge ainsi les responsables de l’écosystème. Démarrer l’aménagement au seul endroit susceptible de générer des difficultés, là où germent précisément des activités populaires et avant-gardistes qui profitent au futur quartier, n’est-ce pas se tirer une balle dans le pied ? »

Réponses de BMA :

« Partout où on peut démarrer des travaux, on démarre. Et on a commencé ailleurs : un premier permis de construire a été déposé sur l’avenue Thiers, un deuxième sur l’avenue Abadie, d’autres concernent des sites proches de Darwin. Nous sommes obligés de travailler à proximité de la ville existante et de ses réseaux. Par ailleurs, si la ZAC fait 35 hectares, nous en restituons 15 d’espaces publics (voiries, parcs). Il nous n’en reste que 20 à commercialiser, ce qui remet les choses en perspectives. C’est une chance d’avoir Darwin, et ils savent bien de leur côté qu’ils ne doivent pas rester tout seuls pour développer leurs activités, notamment d’entertainment. »

Encore faudrait-il que tout le monde veuille bien se parler.


#Cauchemar de Darwin

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