On a beau faire, on a beau dire, quel ennui. Lorsque la charnière grince, rien ne va.
Comment peut-on se passer de Trinh-Duc, de Para ? Le déni de Trinh-Duc illustre une vieille antienne du rugby français : la crainte du risque, de l’audace. On ne retient de son jeu que ses inévitables déchets sans jamais les mettre en balance avec ses incontestables apports : lancement du jeu, passes millimétrées, au cordeau. Et quelle défense.
Quant à Para, c’est un meneur de jeu. Et un sacré buteur. Quelle étrange idée, d’ailleurs, que de se passer d’un tel buteur à ce niveau ! Las un coup de boule vient d’en décider autrement.
J’en conviens, ce n’est pas qu’une histoire de charnière. Comme on dit, ils n’y étaient pas. La tête ailleurs et le corps sans âme.
Comment ne pas être grincheux ! Et reconnaître aux Gallois de mériter leur victoire. Il y a une justice. Adieu le grand chelem et nos vaines illusions. Mais si, au moins, nous avions tenté le diable. L’eden est, peut-être, à ce prix. Pas de diable, pas de salut. Arm’s’Park morne plaine.
Bien sûr, on soulignera l’absurdité de notre calendrier. L’incapacité de la Ligue et de la Fédération à convenir d’un temps propice à la préparation de l’équipe de France. On pestera contre les doublons, les internationaux qui ne sont pas au repos. Et les accrocs faits à une convention qui n’a de convention que le nom. Toutes choses qui n’expliquent pas la pauvreté de notre jeu.
J’imagine que rien ne changera, que l’on tirera un trait sur ce malheureux épisode qui n’est, après tout, que le prolongement des épisodes précédents. Ce conservatisme de l’à peu près, cette persistance dans le vague navrent les amoureux de ce sport qui n’ont jamais cessé de porter aux nues leurs Bleus désormais si pâles. Las, les résultats sont là, avec ses pauvres manières et ces bleus à l’âme.
On asticote d’autant plus l’encadrement du XV de France que l’on a le sentiment qu’il dispose de bons joueurs. Le lien ne fonctionne pas. Pas de projet de jeu. Une vision pragmatique qui n’accorde au réel que d’être efficace. Rien de plus. On voit où cela nous mène depuis des lustres. Les Blacks, les Gallois, eux, suivent un projet de jeu qui appartient à leur culture. Nous avons quitté la nôtre. Pas étonnant que les joueurs soient perdus et sans repères. « On ne brode pas dans le brouillard » écrivait René Char.
J’ai toujours été convaincu qu’il n’y avait qu’un entraîneur pour nous remettre sur le bon chemin : Fabien Galthier. On voit le travail qu’il accomplit à Montpellier autour d’une vision du rugby à laquelle il ne déroge pas. Les vrais fondamentaux sont là. La Fédération dira que ce sont là des propos de rêveur. N’importe. La Fédération ne fait plus rêver personne, une vieille maison coupée du monde, obsolète.
Allez, je serai quand même supporter de nos frenchies lors du prochain match. En espérant bougonner un peu moins et voir Trinh-Duc à l’ouverture. Et du jeu bon sang, du jeu ! C’est notre seule planche de salut.
Heureusement, il y eut cet Angleterre-Irlande de haut vol. Où M. Joubert montra qu’il n’est vraiment pas le meilleur arbitre du monde. N’importe, quel match. Non, le beau rugby n’est pas mort. Un sport de combat où l’inattendu tord le cou aux vains calculs de boutiquier.
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