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Floirac, quatre choix pour le second tour

Socialiste depuis 1945, Floirac n’avait pas connu de second tour aux municipales depuis 1995… Fait inédit : dimanche prochain, le maire sortant, Jean-Jacques Puyobrau, aura trois adversaires, dont le Front national Gérard Belloc. Reportage chez des Floiracais en quête de repères.

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Floirac, quatre choix pour le second tour

Quatre prétendants pour la mairie de Floirac (DR)
Quatre prétendants pour la mairie de Floirac (DR)

Le mercredi c’est, paraît-il, jour de marché à Floirac. Mais Place Hilaire Saura, seuls quatre étals et autant d’acheteurs se disputent le bitume.

« Il n’y a pas de vrai centre à Floirac, c’est pour ça qu’il n’y a pas de vrai marché, comme à Cenon, par exemple », explique un policier municipal.

Pas de vrai centre donc dans cette ville que beaucoup qualifient de « cité-dortoir où il ne se passe plus rien ».

Les élections municipales ne semblent guère passionner les habitants, malgré une configuration inédite au deuxième tour – quatre listes encore en lice. Il est vrai qu’avec un taux de chômage à 18%, un revenu fiscal net par foyer de 18 855 euros (la moyenne nationale est de 23782 euros) en 2010, 42% de logements sociaux et une opération de rénovation urbaine qui devraient drainer 5000 habitants de plus d’ici 15 ans et faire grimper les loyers, beaucoup de Floiracais se sentent abandonnés.

De nombreuses personnes interrogées confient même ne pas avoir voté. « Pourquoi ? », soupire Eric, la cinquantaine. « Je n’ai plus confiance en personne », avoue Josette, jeune retraité de 62 ans. « Les politiques, ils me perdent », s’agace Pascale, bientôt 30 ans. « Je n’avais pas reçu les programmes, je ne savais pas pour qui voter », explique Baiya, 33 ans.

Contre « l’autocratisme de la mairie socialiste »

Pas le temps. Pas envie. Le refrain devient leitmotiv : « Ça ne m’intéresse pas ». Et parmi les rares votants rencontrés, très peu savent ce que leur réserve le second tour.

« Ah, il y aura encore quatre listes ? Je croyais que seul le maire sortant et son opposant de droite se maintenaient », s’étonne Geneviève, la soixantaine, qui a voté pour la Liste d’union de la gauche.

Cette quadrangulaire est en effet une surprise dans une ville qui n’avait pas connu de second tour en 2001 et en 2008 et qui vote socialiste depuis 1945.

Pour le maire sortant, Jean-Jacques Puyobrau, qui arrive en première position avec 38,8% des voix, soit près de 20 point de moins que Conchita Lacuey, la candidate socialiste de 2008 qu’il avait remplacée en cours de mandat, le coup est dur. D’autant que le candidat Front de gauche Miguel Menendez, en se maintenant au second tour grâce à ses 11,44%, signe clairement la rupture.

« Je ne pensais vraiment pas faire plus de 10%. Pourquoi devrais-je me désister ? », explique Miguel Menendez, qui prétend lutter contre l’autocratisme socialiste – la mairie impose selon lui ses projets sans participation citoyenne.  « Et puis, je ne me fais aucune inquiétude pour le maire. Il sera réélu. Mais je veux que nous ayons des élus au sein du conseil municipal. Nous voulons représenter les Floiracais qui aspirent à une gestion moins autocratique de leur commune ».

En effet, Jean-Jacques Puyobrau relativise :

« J’aurais préféré que le Front de Gauche se désiste… Mais je respecte leur choix, la démocratie respire… »

« Ils ne comprennent pas que ce parti profite de leur détresse »

C’est surtout le score du Front National, arrivé en troisième position au premier tour, qui inquiète le maire. Certes, la commune avait déjà senti le vote Front National prendre de l’ampleur ces dernières années : aux législatives de 2007, le candidat Front National obtenait 3,92% des suffrages. En 2012, il parvenait à 14,5 %. Mais il s’agissait jusqu’alors d’élections nationales. Et non d’une élection municipale à laquelle se présentait pour la première fois un candidat frontiste…

« Ça ne me rassure pas, en convient le maire. Mais je ne veux pas stigmatiser ce vote. J’entends bien là le malaise des Floiracais ».

D’autant que c’est dans les bureaux de vote situés dans les quartiers les plus pauvres de Floirac que Gérard Belloc, le candidat FN a fait ses plus gros scores, avec une pointe à 27% dans le quartier de la cité du Midi, notamment…

Les réactions des Floiracais interrogés sur le sujet par Rue89 Bordeaux, se suivent et se ressemblent : « Ça ne m’étonne pas » ; « Il fallait s’en douter » ; « Les gens en ont marre »… Seul, Eric, la soixantaine, enrage, écœuré :

« Ça me fait mal au cœur de voir les gens d’ici voter pour des populistes ! Pour des fascistes ! Ils ne comprennent donc pas que ce parti profite de leur détresse ! »

« Premier conseiller municipal FN de Floirac, c’est important dans un CV »

Philippe, directeur commercial de 52 ans, rencontré devant le centre commercial de Dravemont dans le Haut-Floirac, a, quant à lui, fait son choix et assume : abstentionniste au premier tour, il ira voter FN dimanche. Le programme de Gérard Belloc ? Il ne le connaît pas :

« C’est un vote protestataire : je veux envoyer un message aux hommes politiques de droite et de gauche. C’est ma manière de leur dire : Remettez-vous en cause ! »

Croit-il vraiment que son message sera entendu ? Pense-t-il aux conséquences locales, pour lui comme pour ses concitoyens d’un tel vote ? Non, et il s’en fiche… Comme si au fond la politique était déconnectée de la réalité.

Porté par ce très bon résultat, Gérard Belloc ne cache pas sa satisfaction. Même s’il sait qu’il ne sera pas élu maire… Aux Floiracais, il promet aussi bien de réduire la fiscalité qu’une police municipale travaillant 24h sur 24h et 7 jours sur 7, sans en dire davantage sur le financement de tels projets… En outre, il ne cache pas ses visées carriéristes :

« Je serai le premier conseiller municipal Font National de Floirac, c’est très important dans un CV ».

A l’arrivée, cette drôle de quadrangulaire ne devrait pas mobiliser davantage les électeurs qu’au premier tour (49,8% d’abstention). S’il est quasi certain que Jean-Jacques Puyobrau regagnera son fauteuil de maire, reste à savoir comment la future équipe municipale parviendra à mener une politique locale capable de redonner confiance à des citoyens déboussolés. Et s’il faut craindre un véritable enracinement local du vote Front National.


#élections municipales

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