Il aura fallu un mois aux services du parquet pour examiner la plainte envoyée le 25 août par Annie Bey, conseillère d’opposition divers droite à Arcachon. Suite aux révélations de Médiapart, plusieurs soupçons planaient au-dessus d’un meeting des « Amis de Nicolas Sarkozy », organisé à Arcachon en septembre 2013. La Ville dirigée par Yves Foulon (UMP) aurait notamment contribué au financement de cet événement.
Aujourd’hui, la procureur de Bordeaux Marie-Madeleine Alliot annonce avoir ouvert une enquête préliminaire sur la base de la plainte d’Annie Bey. C’est la DIPJ (direction interrégionale de la police judiciaire) qui est chargée des investigations.
« L’enquête préliminaire cherchera à savoir si les éléments allégués ont un fondement réel », font savoir les services du parquet.
D’autres sources précisent à Rue89 Bordeaux qu’à ce stade de l’enquête, « il est prématuré de parler d’auditions, puisque les policiers vont chercher des preuves pour vérifier les accusations. Mais il n’est pas exclu que les protagonistes soient auditionnés dans une phase plus avancée de l’enquête préliminaire ».
Principal mis en cause par les éléments de Médiapart, Yves Foulon indique ne pas vouloir faire de commentaire au moment où l’enquête débute. Anny Bey précise de son côté « être disponible pour coopérer avec les enquêteurs » sur ce dossier qu’elle estime « très grave pour la gestion financière de la commune et des pratiques révélées ».
Les amis de Sarkozy à Arcachon
Les 1er et 2 septembre 2013, la station balnéaire reçoit plusieurs ténors de l’ancienne majorité : Nadine Morano, Christian Estrosi, Brice Hortefeux, Jean-François Copé (à l’époque président de l’UMP) ou encore Alain Juppé. L’appel vient des Amis de Nicolas Sarkozy, une association fondée en 2012, dans le but de soutenir et préparer la reconquête de l’ancien président.
2 000 sympathisants et militants s’étaient joint à la fête organisée dans un endroit du bassin où Nicolas Sarkozy a l’habitude de venir en séjour estival. Yves Foulon est d’ailleurs réputé être un « sarkozyste » proche de l’ex président.
Les faits dont les enquêteurs sont saisis aujourd’hui n’ont été dévoilés qu’en janvier dernier. Médiapart s’interrogeait sur l’appui logistique de la ville d’Arcachon à l’association.
« Les services municipaux ont été mobilisés du vendredi 27 au dimanche 29 août », assure Anny Bey, s’appuyant sur les éléments du journal en ligne.
D’autres interrogations demeurent sur certaines factures, notamment des frais d’hôtel et de taxis, qui auraient été pris en charge par la municipalité.
« Il faut également ajouter à cela la mise à disposition du Tir au pigeon, une salle de la mairie, qui a pour habitude d’être louée, mais jamais à titre gracieux. Devant l’accumulation des infractions, j’ai transmis ces éléments au procureur dans la plainte envoyée lundi matin », explique l’élue d’opposition.
Une dissidente « sous la dune du Pilat »
L’ancienne déléguée UMP de la 8e circonscription de la Gironde a conscience de mener un combat difficile.
« On m’a même promis de finir sous la dune du Pilat. »
Car Anny Bey est jugée comme « une dissidente » dans son propre parti. Elle avait refusé de faire campagne pour la réélection du député-maire Yves Foulon aux législatives de 2012. Jean-François Copé lui avait signifié son exclusion de l’UMP au début de l’été 2013.
Avec cette plainte, Anny Bey appuie des accusations graves, pour lesquelles Yves Foulon apparaîtrait comme organisateur d’une manifestation politique financée par le contribuable. Le maire d’Arcachon avait pourtant balayé cette hypothèse dans l’article de Médiapart.
« Les employés municipaux ont travaillé en amont et en aval sur le site, mais jamais pendant l’événement lui-même. »
Manière de reconnaître un travail des équipes municipales pour monter les tentes, sans qu’ils soient toutefois présents pendant la manifestation politique. Interrogé à nouveau par Sud Ouest, Yves Foulon expliquait que « pour des raisons de sécurité, seuls nos agents sont habilités à manipuler ce matériel ». Contacté par Rue89 Bordeaux, le service de presse d’Yves Foulon indique que le le député-maire ne souhaite pas apporter d’autres explications.
Un commerce de figurines à l’effigie de Nicolas Sarkozy
Anny Bey a « réuni un faisceau de preuves » et étayé la liste des infractions qui entourent la réunion de septembre 2013.
« On n’a jamais vu les tentes mises à disposition gratuitement pour les mariages, pas plus que des employés municipaux mis à contribution. Quant à la location de la salle, les seuls associations à en bénéficier gratuitement deux fois par an sont les structures arcachonnaises, ainsi que les sections locales des parties politiques. »
D’autres points restent en suspens, notamment le défaut d’assurance. Un autre point concerne la vente de figurines à l’effigie de Nicolas Sarkozy : la convention de mise à disposition prévoyait qu’aucune utilisation commerciale ne devait être faite. Autant d’éléments soumis au procureur.
« J’ai confiance en la justice. Elle fera son travail, j’en suis sûr. »
Bien sûr, Anny Bey s’attend à affronter les accusations de « revanche » dirigées contre elle.
« Mais ma démarche est purement déontologique. A un moment, il faut dire stop devant ces pratiques qui mettent en cause la gestion de l’argent public. »
Une enquête préliminaire à l’issue incertaine
Pourtant, l’issue de la procédure n’est pas sûre. Médiapart avait révélé une affaire similaire impliquant Christian Estrosi. Le député-maire de Nice avait fait payer l’Assemblée nationale pour des courriers de remerciement pour sa réélection. Mais un bulletin d’adhésion à l’Association des amis de Nicolas Sarkozy avait été joint au pli. Selon les calculs de Médiapart, 32 000 euros de frais postaux auraient ainsi été payés par le contribuable pour promouvoir une association à but politique. L’affaire avait été classée sans suite.
Pour l’heure, aucune donnée ne permet de savoir si l’affaire girondine connaîtra un autre sort.
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