Ecolo, vraiment, Bordeaux ? La présentation du rapport 2014 sur le développement durable a été l’occasion d’une passe d’arme au dernier conseil municipal entre les élus d’opposition et la mairie. Celle-ci, par les voix d’Alain Juppé et de son adjointe Anne Walryck, se délivre un satisfecit : elle souligne que 260 mesures sont expérimentées depuis 2008, déclinées dans l’Agenda 21 et le Plan Climat Energie Territorial (PCET), de la distribution des composteurs au zéro produit phytosanitaire dans les parcs et jardins.
Bordeaux consacre désormais au développement durable 31% de son budget d’investissement, contre 20% en 2010, notamment utilisé pour la rénovation thermique des bâtiments municipaux, le développement des réseaux de chaleur dans les nouveaux quartiers, ou le développement des transports collectifs et modes doux au détriment de la voiture en ville.
Cela a permis notamment d’atteindre une part de 23% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie des bâtiments municipaux, contre 6% en 2007, grâce notamment à l’installation des panneaux photovoltaïques sur les ombrières du Parc des expositions. Le Plan climat vise lui un objectif plus modeste à l’échelle du territoire de la Ville, passer à 10% d’énergies renouvelables en 2016 (contre 8 à 9% actuellement).
Frileuse sur le solaire
Ces efforts se sont traduits par un « infléchissement notable » des émissions de gaz à effet de serre (GES), alors qu’elles augmentaient de 0,1% à 0,3% par an jusqu’en 2007. Anne Walryck a pu souligner qu’avec 5,3 tonnes équivalent CO2 par habitants et par an, Bordeaux était en dessous des 6 tonnes par habitant émis en moyenne dans un panel de 8 villes (outre la capitale girondine, il comprend Toulouse, Montpellier, Lille, Rennes, Nantes, Strasbourg et Grenoble).
« On ne peut pas s’en contenter car nous en sommes pas au rendez-vous des ambitions prises par la ville et par notre pays (division par 4 des émissions d’ici 2050), a déclaré Pierre Hurmic, conseiller municipal EELV (Europe écologie-Les Verts). Est ce que Bordeaux s’inscrit sérieusement dans une trajectoire de transition énergétique ? La réponse est nuancée, voire négative. Les efforts conséquents sur les bâtiments municipaux ne représentent que 1,2% des émissions du territoire. Et la comparaison – de qualité, j’en félicite la ville – effectuée par le rapport entre Bordeaux et un panel de 8 villes ne plaide pas du tout, à mon sens, en notre faveur comme ville pilote du développement durable. Des progrès ont été réalisés mais si on reste sur ce braquet on ne sera pas aux rendez-vous ».
L’élu écologiste a cité quelques chiffres du rapport qui ne place pas la capitale girondine parmi les plus vertueuses : avec 8% de consommation d’énergies renouvelables, elle se retrouve derrière la moyenne des 8 villes (10%), et ses objectifs font selon lui pâle figure à côté des 30% en 2020 du Plan climat de Paris.
« Alors que nous disposons de gisements important, la part de la géothermie n’a pas progressé entre 2009 et 2013. Et chaque fois que la ville a une occasion de promouvoir le solaire, elle renonce à installer des panneaux, comme sur le toit du gymnase Virginia ou sur celui du Parc des expos. »
58 jours d’air médiocre à très mauvais par an
Pierre Hurmic a en outre mentionné d’autres chiffres plaçant Bordeaux en retrait : sur la qualité de l’air, la ville enregistre 58 jours par an où l’indice ATMO est entre 6 et 10 (médiocre à très mauvais, mais aucun jour d’alerte en 2013 et 2014), contre 49 jours pour le reste du panel ; elle n’a par ailleurs que 20 m2 d’espaces verts et par habitant, contre 29 pour le panel. Le port de la lune est même carrément en retard sur les jardins partagés et familiaux (20 m2 pour 100 habitants, contre 62 m2).
Inversement, Bordeaux est plutôt mieux positionné sur les critères de qualité de l’eau (8,8 milligrammes de nitrates par litre d’eau, contre 11 mg), de part du bio dans la restauration collective (28% contre 17,5%) ou de collecte annuelle de textiles par le Relais (2,78 kilos par habitant contre 0,9).
Au rayon mobilité, le rapport signale qu’entre 1998 et 2009, « la voiture est en recul de 12 points au profit du vélo (multiplié par 3), des transports en commun et de la marche ».
Des chiffres vélo regonflés
Mais les écologistes ont relevé une erreur significative : le document affirme que la part modale du vélo (nombre de déplacements par rapport à d’autres moyens de transport) est désormais de 11% à Bordeaux, alors qu’elle n’était que de 6,5% en 2012.
Or selon Delphine Jamet, conseillère municipale EELV, ce bond spectaculaire est dû à « une erreur d’interprétation des statistiques de l’Insee et de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), d’après lesquelles il s’agit de 11% de la population active et des étudiants, ne portant au mieux que sur 129000 personnes ». Et non de la population totale, pour laquelle la part modale réelle se situerait autour de 8%, encore assez loin donc de l’objectif que s’est donné Bordeaux en adhérant à la Charte de Bruxelles.
En matière de deux-roues, la ville et la Cub font toutefois des efforts pour rattraper leur retard sur Strasbourg, comme en atteste le kilométrage d’aménagements cyclables dans l’agglomération (750 km contre 512 pour la moyenne du panel), dont 50 km en double sens cyclable. Une politique saluée cette année par le Guidon d’or de la Fédération des usagers de la bicyclette, qui récompensait le développement des « cédez le passage cycliste au feu ».
« Il est clair que dans le périmètre de la ville nous ne sommes pas toujours exemplaires mais les résultats sont très bons, a plaidé Alain Juppé. Il nous reste beaucoup à faire sur les deux principales sources d’émissions de gaz à effet de serre que sont l’habitat et les déplacements. Ce sont deux dossiers sur lesquels l’Etat et la Cub sont en première ligne, via notamment les aides à la pierre. Les intentions sont bonnes, mais nous sommes très loin des objectifs car il est difficile de rénover les bâtiments existants. Et le schéma de déplacement de l’agglomération est en panne du fait de la décision du tribunal administratif » sur la ligne D du tram et le tram-train du Médoc.
Une décision qui ne semble pas pour l’heure pousser la CUB à remettre à plat ses projets de mobilité, malgré les remarques récentes d’un rapport de la Chambre régionale des comptes, alertant notamment sur les coûts du tram par rapport aux bus à haut niveau de service.
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