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La ZAD d’Agen pousse sur « des terres arables »

Une cinquantaine de personnes ont répondu à l’appel d’un agriculteur du Lot-et-Garonne et de l’association marseillaise Filière Paysanne pour créer une ZAD contre la ZAC (zone d’activité concertée) « Technopole Agen Garonne ». A son invitation, des zadistes ont commencé à s’installer sur la propriété de Joseph Bonotto à Sainte-Colombe-en-Bruilhois près d’Agen samedi 13 décembre. Eux viennent défendre des terres agricoles fertiles mais l’Agglomération d’Agen porteuse du projet accuse M. Bonotto de se servir des militants écologistes pour défendre son cas personnel.

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La ZAD d’Agen pousse sur « des terres arables »

Joseph Bonotto explique son appel à l'aide. A ses côtes, le conseiller régional EELV Bernard Péré et Christian Crouzet de la conféderation paysanne 47 (CB/Rue89 Bordeaux)
Joseph Bonotto explique son appel à l’aide. A ses côtes, le conseiller régional EELV Bernard Péré et Christian Crouzet de la conféderation paysanne 47 (CB/Rue89 Bordeaux)

« ZAD partout ! » clame Isabelle arrivée la veille à Sainte-Colombe-en-Bruilhois chez Joseph Bonotto. Originaire de Jurançon dans les Pyrénées Atlantiques, elle est passée par le Testet à Sivens et par Notre-Dame-des-Landes près de Nantes. Pourquoi venir ici en Lot-et-Garonne ?

« M. Bonotto a appelé à l’aide, il est menacé d’expropriation pour construire une zone économique de 200 hectares. C’est la terre de sa famille. Lui, il veut faire pousser des légumes. J’ai fait des recherches avant, on n’est pas des moutons, on se renseigne. »

Isabelle est accompagnée d’un groupe de militants, écologistes, alter mondialistes que l’on appelle désormais les zadistes. Ils ont crée un groupe Facebook « ZAD d’Agen 47 à Sainte-Colombe-en-Bruilhois » qui compte plus de 600 membres. « Tout ce qui peut ralentir la mondialisation est bénéfique » lance une jeune femme. « Je suis un simple citoyen qui intervient car j’en ai suffisamment ras-le-bol de ne pas exister » explique un autre militant installé depuis 19 ans dans le Tarn après avoir grandi dans une cité du 93 et fait cinq ans d’armée.

Qui sème le béton aura bientôt la dalle*

Dans cette froide matinée de décembre, d’autres personnes arrivent par petits groupes, des gens du coin, sympathisants venus en famille, d’autres zadistes qui apportent du matériel. Quelques personnes commencent à monter un tipi dans le champ en face de la maison de Joseph Bonotto. Dans un hangar attenant, on a installé une table avec du café et quelques petites choses à manger. Pendant ce temps là, le propriétaire des lieux est en pleine réunion avec une dizaine de personnes pour discuter de leur projet, clarifier le cadre et les objectifs de la ZAD.

Il y a là entre autres Jean-Christophe Robert, co-fondateur de l’association marseillaise Filière Paysanne, Bernard Péré, conseiller régional d’Aquitaine Europe-Ecologie-Les-Verts, Maryse Combres, membre de EELV, conseillère municipale d’opposition à Sainte-Colombe-en-Bruilhois, Christian Crouzet, agriculteur lot-et-garonnais secrétaire général régional de la Confédération Paysanne, un représentant du Modef (confédération syndicale agricole des exploitants familiaux)…

Tous sont opposés à la ligne à Grande Vitesse Bordeaux-Toulouse qui doit traverser le département et passer tout près d’ici. Ils sont aussi contre la zone d’activité économique baptisée « Technopôle Agen Garonne » imaginée par l’Agglomération d’Agen qui veut profiter de la LGV et attirer des entreprises pour développer l’emploi. « Ce ne sont pas les infrastructures qui créent l’activité » estime le conseiller régional EELV Bernard Péré, qui présentera une motion contre ce projet ce lundi 15 décembre à la Région. Avec le député européen José Bové, il également a envoyé un courrier au Ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll début décembre pour l’alerter sur ce « non sens économique ».

Après deux heures de réunion, la ZAD d’Agen est officiellement déclarée ouverte sous les applaudissements.

« Je me sentais seul et perdu face à cette grosse machine, la mairie de Sainte-Colombe, l’Agglo d’Agen et c’est pour cela que j’ai lancé un appel à l’aide pour me soutenir et mettre un frein à cette Technopole Agen Garonne », commence Joseph Bonotto.

 

« Nous appelons les différents acteurs du territoire de l’agenais à soutenir l’occupation légale, collective et pacifique des terres de Joseph Bonotto pour demander l’annulation du projet », déclare solennellement Jean-Christophe Robert de Filière Paysanne.

Une charte commune doit maintenant être élaborée afin de relayer davantage l’information dans les réseaux militants.

Combat écolo ou surenchère ?

« Je suis persuadé que ces gens se font manipuler. M Bonotto mène un combat personnel. Il veut valoriser sa propriété et voudrait être lui-même aménageur d’une partie de ses terres pour son propre compte, ce qui n’est pas possible », déclare Henri Tandonnet, le premier vice-président de l’Agglomération d’Agen qui porte le projet de la ZAC Technopole Agen Garonne depuis deux ans.

Ce sénateur UDI de Lot et Garonne est maire de Moirax depuis 1983. Il préside le SCOT (schéma de cohérence territoriale) du Pays de l’Agenais ainsi que l’EPFL, l’établissement public foncier local chargé d’acquérir les terres en vue de la création de la ZAC. Plus de la moitié des 200 hectares ont déjà été rachetés, indique-t-il. Le prix proposé est d’environ 30 000 euros l’hectare soit trois fois le prix d’une terre agricole dans cette zone qui se négocie généralement entre 7500 euros et 12 000 euros.

Henri Tandonnet confirme que les discussions n’ont pas abouti avec Joseph Bonotto qui serait le « seul » propriétaire récalcitrant. Problème, ses 11 hectares de terre et ses 5 maisons se situent dans la première tranche de la ZAC, 40 hectares de surfaces à commercialiser et 20 hectares d’infrastructures à construire d’ici le premier semestre 2016.

« Non seulement nous rachetons à trois fois le prix de la terre, mais nous proposons aussi des compensations. Nous avons un portefeuille de 70 hectares à lui proposer, des terrains tout près de chez lui », ajoute l’élu qui se donne encore six mois pour discuter avant de passer à une éventuelle expropriation.

« Eux peuvent bâtir chez moi, mais moi je ne peux pas. »

De son côté, Joseph Bonotto, se défend de toute incohérence

« Oui, en 1997, j’ai voulu construire des logements sociaux sur mes terrains. On me l’a toujours refusé. Je me suis donc dit que l’on ne pouvait pas bâtir ici et je suis passé à autre chose. En 2010, j’ai appris par la presse qu’ils allaient bâtir sur mes propres terres. C’est quand même dur à avaler ! Eux peuvent bâtir chez moi, mais moi je ne peux pas. Je leur dis depuis toujours, si vous avez l’autorisation d’utilité publique pour faire de l’emploi, je suis capable de faire la même chose. J’ai toujours voulu conserver 6-7 hectares en culture. Je suis en droite ligne avec ce que j’ai toujours dit. Le farfelu, c’est surtout pas moi ! Je me suis toujours défendu tout seul. Je suis un vulgaire immigré italien qui est venu sans rien, qui a obtenu cette petite propriété et qui veut la garder. »

Il y a six mois, Joseph Bonotto a engagé avec son avocat une procédure pour faire annuler la déclaration d’utilité publique de la ZAC. Avec l’association Très Grande Vigilance en Bruilhois qu’il préside, des recours ont été lancés il y a plusieurs mois conte les modifications du plan local d’urbanisme de Sainte-Colombe. Certains contestataires locaux soupçonnent des élus également propriétaires d’avoir vendu des terres non pas trois fois mais trente fois le prix après classement opportun en zone constructible.

* : Titre d’un livre en cours de rédaction par Jean-Christophe Robert, co-fondateur de Filière Paysanne

L’auteur a souhaité signer son article C.B.


#Bernard Péré

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