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A Bordeaux, la culture s’offre un conseil d’amis

45 personnes issues de la culture sont réunies par la Ville pour former un Conseil culturel de Bordeaux. Regards croisés sur la mission qui leur est confiée avec son initiateur et quatre de ses membres.

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A Bordeaux, la culture s’offre un conseil d’amis

De gauche à droite : Nadia Russell (photo Elise Argien), Béatrice Aspart et Philippe Barre (photo Isabelle Camus) font partie du Conseil culturel de Bordeaux.
De gauche à droite : Nadia Russell (photo Elise Argien), Béatrice Aspart et Philippe Barre (photos Isabelle Camus) font partie du Conseil culturel de Bordeaux.

Ils sont 45 sur 46 à avoir répondu à l’invitation de la mairie pour la création d’un Conseil culturel de Bordeaux.

« Le 46e n’a pas dit non, affirme Fabien Robert, l’adjoint à la culture. Il n’a pas encore répondu. »

Mais déjà l’initiative dépote. Elle inscrit la culture municipale dans l’ère de l’hyperactivité, après une traversée du désert où elle était cantonnée à la gestion des affaires courantes.

Un conseil ouvert mais pas métropolitain

Le Conseil aura la tâche d’accompagner et d’enrichir le Document d’orientation culturelle (DOC) récemment dévoilé. Sa composition réserve quelques surprises, et ne se limite pas à des têtes d’affiches.

« Il n’y a pas que les directeurs des structures culturelles, nous avons fait appel à des adjoints, à des consultants, à des universitaires… dans l’idée de constituer une certaine cohérence. D’ailleurs, ça nous a valu pas mal de réflexions ! » déclare Fabien Robert.

La liste comprend des incontournables comme Sylvie Violan (Le Carré/Les Colonnes) récemment nommée à la tête de Novart, Catherine Marnas (TNBA) ou Denis Mollat (librairie du même nom), mais aussi des personnalités moins attendues, comme Philippe Barre (Darwin) ou Nadia Russell (L’Agence Créative).

Autre particularité, la présence d’acteurs venant des communes voisines, comme Marie-Michèle Delprat (Théâtre des Quatre-Saisons à Gradignan) ou Patrick Duval (le Rocher de Palmer à Cenon), donne au Conseil une allure métropolitaine.

« Il n’y a pas de confusion, c’est un projet pour la commune de Bordeaux avant tout, précise toutefois Fabien Robert. La ville concentre l’offre culturelle et les acteurs des communes voisines interviennent sur beaucoup de projets, comme par exemple Patrick Duval de Musiques de nuit qui pilote le carnaval à Bordeaux… »

Si la dimension métropolitaine n’est peut-être pas officiellement à l’ordre du jour, elle semble dans les cartons : une des thématiques proposées à l’étude par le conseil est axée sur la naissance d’une culture métropolitaine ! Difficile donc de ne pas croire à la naissance d’un Conseil de la métropole, amorce d’une véritable politique culturelle à l’échelle communautaire.

Les signes d’une ouverture politique ?

Enfin, on ne peut pas s’empêcher de noter la présence de quelques personnalités marquées à gauche. C’est le cas de Béatrice Aspart, colistière de Vincent Feltesse pendant les municipales. Les signes d’une ouverture politique ?

« Nous n’avons pas raisonné sur les tendances politiques, se défend l’adjoint à la culture. Nous avons d’abord établi les composantes nécessaires à la constitution du groupe : combien d’institutions ? Combien d’universitaires ? Combien d’acteurs ? Et ensuite nous avons mis des noms sur chaque profil. »

Pour Béatrice Aspart, la campagne des municipales est derrière et les Bordelais ont élu Alain Juppé. Point. La fondatrice du Garage Moderne reconnaît la qualité du DOC et rappelle qu’il a été fait grâce à « des gens de gauche et de droite ». Elle voit dans la création du Conseil une réelle perspective culturelle :

« Après tout, c’est le Garage Moderne qui est appelé à rejoindre le Conseil. C’est donc des salariés et plus de 6000 adhérents de tous bords. Sans oublier que la mairie est aujourd’hui la propriétaire des lieux et son acquisition nous a aidés puisqu’on est passé d’un loyer de 3650€ à une redevance de 1000€. »

Pour Jean-Michel Lucas, ancien directeur régionale des affaires culturelles en Aquitaine, et universitaire engagé dans la défense des droits culturels des personnes, les clivages politiques n’ont plus lieu d’être dans la gestion de la culture :

« C’est la fin de la politique culturelle telle qu’on l’a pratiquée à Bordeaux et même ailleurs en France. C’est le moment de repenser les enjeux politiques et de réfléchir la culture comme une émancipation des personnes. On ne considère plus la culture comme un simple moyen de distraction. Elle est actuellement la capacité des uns et des autres à faire humanité ensemble, et la ville de Bordeaux peut être motrice sur cette vision. »

L’ancien conseiller au cabinet du ministre de la Culture, Jack Lang, avait déjà réagi à la publication du DOC :

« Il ne fallait plus réfléchir la culture à l’ancienne. Il y a d’autres façons de prendre la parole et de parler de la culture. Fabien Robert a été attentif à mes remarques, ce qui a motivé mon choix de rejoindre le Conseil. »

« La culture loin de la politique du secret »

Jean-Michel Lucas est très clair sur la liberté d’action et se défend de rejoindre un groupe « qui suivra à quatre pattes » les volontés de la ville :

« On n’est plus dans la politique du secret. La création d’un Conseil culturel est très courageuse et permettra à la Ville d’être transparente sur les décisions à prendre. Si certaines décisions ne conviennent pas, on a l’occasion de le dire et on le dira. Cette initiative va dans le sens de l’amendement 614 adopté par le Sénat, que je défends encore, sur les droits culturels des citoyens garantis notamment par les collectivités territoriales. »

La créatrice de la Tinbox, Nadia Russell, estime aussi que cela va dans le bon sens :

« Alain Juppé n’a pas choisi Fabien Robert pour rien, il sait que c’est un homme de terrain et qu’il y a sur le secteur culturel beaucoup à faire. Inviter tout le monde autour de la table est très positif. Pendant tellement d’années, on se plaignait du manque de concertation, nous y voilà ! A côté des thématiques qui sont déjà proposées, on a aussi la liberté d’en proposer d’autres, inspirées du terrain. »

Mettre les acteurs culturels en contact

C’est aussi une occasion « pour être avec les autres » s’enthousiasme Philippe Barre :

« Nous sommes reconnus à Darwin pour être un lieu où se croisent de nombreuses cultures : urbaines, artistiques, graphiques, entrepreneuriales, écologiques et citoyennes. Se connaître entre nous peut engendrer un projet commun dont la ville a grandement besoin. »

Béatrice Aspart salue également ses rencontres possibles avec des responsables travaillant sur d’autres disciplines :

« C’est la vraie nouveauté : mettre ensemble des acteurs pour réfléchir sur leur travail et se fédérer. Cette démarche donne de la transparence aux décisions et coupe l’herbe sous les pieds de la critique. »

C’est bon signe quand on sait que le projet d’un événement culturel majeur est l’un des premiers chantiers. Les états généraux de la nuit et la transmission des savoirs et des cultures sont également au programme des thématiques proposées lors de la première séance plénière. Au cœur du Conseil, plusieurs groupes seront constitués pour se concerter sur ces sujets de manière autonome sur un délai de six à huit mois et « rendre un plan d’action opérationnel », précise Fabien Robert.

Les conclusions du Conseil culturel seront toutefois consultatives, les décisions et l’affectation des budgets seront bien sûr toujours du ressort du Conseil municipal. Il faudra de toute évidence avoir de la suite dans les idées.


#Document d'orientation culturel

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