La campagne officielle pour les élections départementales des 22 et 29 mars démarrait ce lundi. Candidat sous l’étiquette Gironde Positive, Yves d’Amécourt espère ravir le fauteuil de Philippe Madrelle. Élu depuis 10 ans au conseil général, où ce viticulteur de l’Entre-deux-Mers est entré via le syndicalisme agricole, il préside depuis 2008 le groupe Gironde Avenir, qui fédère l’opposition UMP-UDI-Modem.
Maire (UMP) de Sauveterre-de-Guyenne et père de 6 enfants, il est parvenu à rassembler les forces de la droite et du centre, ce qui est selon lui une clé de l’alternance. Contre le Front national, ce descendant de résistant défend une ligne sans ambiguïté, et assure qu’il refusera toute alliance dans l’hémicycle avec d’éventuels élus FN. Si Gironde Positive devient majoritaire, Yves d’Amécourt, formé à l’école des mines d’Alès, propose la construction d’un pont sur l’estuaire, et de sérieuses économies budgétaires.
Rue89 Bordeaux : Vous jugez la victoire aux élections départementales possible en Gironde, alors que la marche est haute : la droite n’a que 13 élus sortants, contre 50 à la gauche. Qu’est ce qui vous rend optimiste ?
Yves d’Amécourt : D’abord, les résultats des élections partielles ont montré que le Parti socialiste s’effondre de 5 à 10 points. Or on observe qu’une telle baisse ferait basculer un certain nombre de cantons. Ensuite, la montée du Front national et le seuil nécessaire pour figurer au deuxième tour de 12,5% des inscrits vont créer une mort subite au premier tour.
Comme la droite et le centre (UMP, UDI et Modem) partent unis, notre première victoire sera je pense d’être qualifiés partout au 2e tour. En revanche, la gauche pourrait être éliminée dans 4 à 10 cantons, probablement dans le Médoc, la presqu’île, le Libournais et le Blayais. Il est aussi possible qu’elle paye ses divisions, notamment dans le Sud-Gironde, où le socialiste Jean-Luc Gleyze affronte Pierre Augey, député sortant communiste, élu dans le Langonnais avec 70% des suffrages.
Si vos candidats sont éliminés, appellerez vous à faire barrage au FN ?
Tous les candidats de Gironde Positive, et c’est un des points qui nous unissent, ont signé une charte précisant que nous voterons contre le FN et que nous ne ferons pas d’alliance avec les élus FN dans l’hémicycle, y compris pour l’élection du président du conseil départemental. J’ai précisé qu’en cas de deuxième tour, nous appellerions même à voter pour un communiste. Le PC et les gaullistes ont en effet une histoire commune, celle de la guerre et de la Résistance, et je ne mettrai pas une pince à linge sur le nez pour voter communiste. Président du conseil général du Doubs, mon arrière-grand-père, Léonel de Moustier, fait partie des députés élus qui ont voté contre les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, puis il a résisté et a fini mort en déportation.
Or si le FN tente de banaliser son discours, je n’ai jamais entendu Marine Le Pen s’excuser pour les propos de son père sur Oradour-sur-Glane ou sur les chambres à gaz. C’est un parti dangereux, xénophobe et haineux, dont le programme n’a aucune consistance. Et ses candidats sont d’ailleurs comme des palombes : on les voit passer au moment des élections, puis ils s’envolent. Nous avons au contraire des candidats de talent, ancrés sur le territoire, dont beaucoup de nouveaux maires. C’est un antidote au FN. L’autre, c’est l’union de la droite et du centre.
« Les ruraux vont se retrouver APOIL »
Lors du dernier conseil, vous avez rendu un hommage à Philippe Madrelle, qui se retire, sans cesser de critiquer la « madrellie » et son clientélisme. N’est-ce pas paradoxal ?
Philippe Madrelle a été président pendant 36 ans, et représentant des Girondins sur cette période par choix du peuple. Cet hommage était la moindre des choses et s’il est une qualité qu’on me reconnaît, c’est la courtoisie. Pourtant, Dieu sait que je n’ai pas été ménagé : il m’a attaqué sur mon nom de famille. Oui, je suis issu d’une famille d’aristocrates, on me le reproche assez souvent, y compris des gens de gauche qui d’un côté manifestent contre le racisme et de l’autre attaquent quelqu’un à cause de ses origines, parce qu’il porte un nom à particule.
Je ne suis pas revanchard, je demande simplement : où sont les grands projets depuis 36 ans ? Il n’y en a pas. Faute de respiration démocratique, l’assemblée s’est endormie, ses élus ont moins de pouvoirs que les directeurs généraux. Le Conseil général a surtout été utilisé à des fins partisanes. Même la ruralité a servi à des fins politique : cela remonte à la cohabitation avec Hugues Martin, en 1993, lorsque Madrelle, pour garder la présidence alors qu’il n’avait pas la majorité, a divisé ruraux et urbains en prétendant que les premiers allaient financer le métro de Bordeaux si l’adjoint de Chaban était élu. Il en a ensuite fait un slogan de campagne, la Gironde à deux vitesses.
Mais Madrelle a tué la ruralité, en se présentant comme un berger dans les campagnes, et en se comportant en mouton au Sénat, où on a redécoupé de grands cantons qui n’ont aucun sens, voté pour des communautés de communes à 20 000 habitants impossibles dans des zones rurales, dans nos zones rurales de grandes régions, comme Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, plus grande et peuplée que la Finlande ou l’Autriche ! APOIL, ce sont les ruraux qui vont s’y retrouver.
Vos adversaires estiment que si vous remportez le département, il deviendra le tiroir-caisse de Bordeaux Métropole ?
Je suis maire d’une petite commune, Sauveterre-de-Guyenne, et on ne peut pas me soupçonner de défendre la métropole. Je ne crois pas qu’Alain Juppé aurait une tutelle sur le département. Mais un des grands enjeux de ce mandat sera en effet de réaliser des accords gagnant-gagnant : faisons des économies, et on les investira dans la métropole sans déshabiller le monde rural. Pourquoi par exemple ne pas simplifier la vie des usagers en mutualisant les CCAS (centre communaux d’action sociale), gérés par les villes, et les MDSI (maisons départementales de la solidarité et de l’insertion) : actuellement, on envoie dans les premières les personnes sans enfant, et dans les deuxièmes celles qui en ont.
« Faire des économies en interne »
Vous proposez de ne pas remplacer 650 départs à la retraite d’agents du département, soit 10% des effectifs. Est-ce crédible ?
Les dotations de l’État vont baisser de 85 millions d’euros en trois ans, et on veut tenir notre engagement de ne pas augmenter les impôts, et même de revenir sur l’augmentation de la fiscalité programmée par les socialistes, soit 12 millions d’euros prélevés sur le foncier bâti. On ne veut pas non plus toucher à l’investissement, aux aides aux communes et aux associations, qui ont un rôle déterminant dans le développement de la culture et du sport.
Ces économies, nous voulons les faire en interne, en supprimant des tâches administratives qui occupent nos services. A-t-on par exemple besoin que la PMI (centre de protection maternelle et infantile) fasse une visite pour poser les mêmes questions que le pédiatre après une naissance ? Ou lorsqu’une personne devient dépendante, d’avoir le même audit fait par le Conseil général, puis par la Carsat (caisse d’assurance retraite) et la Caf ou la MSA ?
Auriez-vous financé des infrastructures bordelaises comme le nouveau stade, ce à quoi Philippe Madrelle s’était refusé ?
Cela n’a aucun sens que le conseil général ne participe pas à son financement. Où pourraient mieux se rejoindre les Girondins de Bordeaux et les Girondins de Gironde que dans ce nouveau stade ? On ne se pose pas la question pour la Cité des civilisations du vin, où sera présenté le travail des viticulteurs qui travaillent pour la plupart en dehors de la métropole. Quant au financement en partenariat public-privé, je n’ai aucun dogme, et les socialistes ne sont eux-mêmes pas clairs sur le sujet : le département a lui-même recours à des PPP pour construire des MDSI ou le collège de Branne.
« Le département est sclérosé »
Le projet phare de Gironde Positive, c’est la construction d’un pont sur l’estuaire, entre le Blayais et le Médoc. A quel prix, et imaginez vous un partenariat public-privé pour le réaliser ?
Un PPP pourrait être une solution, en effet. Nous avons pris pour modèle le pont de Normandie, qui coûterait aujourd’hui 497 millions d’euros. Il fait 2 kilomètres de long, contre 4 pour traverser la Gironde, mais avec 4 voies quand nous n’en prévoyons que deux. Les écologistes nous font le coup des voies d’accès, mais ce ne sera pas une autoroute, ou un ersatz de grand contournement : à raison de seulement 5000 véhicules par jour, contre 10 000 par heure sur la rocade, nous estimons qu’un péage de 9 euros permettrait de le financer en 50 ans. Et on pense que 10 000 à 20 000 véhicules/jour pourraient l’emprunter, contribuant au développement économique et touristique du Médoc.
Aujourd’hui, la traversée en bac coûte 30 euros au Verdon, et 17 à Blaye, et il faut compter au moins une heure et demi pour faire le tour en voiture en passant par Bordeaux. Le département est sclérosé ! Pour fluidifier les transports, notamment entre sous-préfectures, nous voulons une autorité organisatrice des transports qui unifiera Transgironde, TBC et TER.
Êtes-vous favorable aux lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne, et à leur financement par le Conseil général ?
Le Conseil général avait donné sa participation à condition que les dessertes de Libourne soient maintenues sur la ligne Tours-Bordeaux, et que sur Bordeaux-Bayonne les TGV puissent s’arrêter à Captieux. Cet engagement n’a pas été respecté, je suis donc d’accord avec la suspension des financements décidée par le Conseil général. À partir de là, il faut discuter. Je suis en outre favorable à un trajet qui desserve au moins une des trois capitales du Sud-Gironde, Bazas, Langon ou La Réole, ce serait un gâchis de créer une quatrième gare.
Quelle serait votre politique dans le domaine social, qui, du fait de la gestion du RSA ou de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), représente l’essentiel des compétences du Conseil général ?
…Et 800 millions d’euros, plus de la moitié du budget. Or nous avons un problème d’investissements, on manque de lits en maisons de retraite ou de familles d’accueil, alors que la Gironde continue à accueillir beaucoup de seniors. Le RSA représente lui 197 millions d’euros. Pour faire reculer le RSA, la seule façon que je conçois, c’est l’emploi. Or les premiers donneurs d’ordre ce sont les collectivités locales. Pour faire baisser le chômage de longue durée et la précarité, nous proposons un Small Business Act girondin, qui favoriserait les PME locales. Un passeport leur permettrait de mutualiser leurs réponses aux appels d’offres, en faisant un devis une fois pour toutes, cela fonctionne déjà à Nice et à Toulouse. Pour citer Pierre Dac, mieux vaut penser le changement que changer le pansement.
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