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La faïencerie Vieillard dans tous ses éclats

Dans le cadre des invitations aux collectionneurs, le Musée des arts décoratifs et du design de Bordeaux accueille Jacques et Laurence Darrigade pour présenter un ensemble de céramiques de la Manufacture Vieillard, une des principale industrie de Bordeaux au XIXe siècle très active dans la création artistique.

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La faïencerie Vieillard dans tous ses éclats

Vue de l'exposition "De David Johnston à Jules Vieillard - L'ivresse Darrigade" (photo Frédéric Deval, Musée des Arts décoratifs et du Design, Bordeaux)
Vue de l’exposition « De David Johnston à Jules Vieillard – L’ivresse Darrigade » (photo Frédéric Deval, Musée des arts décoratifs et du design, Bordeaux)

Depuis près de vingt-cinq ans, Laurence et Jacques Darrigade collectionnent faïences fines et porcelaines de la manufacture Vieillard. Les deux collectionneurs sont invités pour l’exposition « De David Johnston à Jules Vieillard – L’ivresse Darrigade ». L’impressionnant ensemble de la collection illustre la production riche et l’activité artistique de cette entreprise unique du XIXe siècle, aussi bien au niveau local que national.

La faïencerie, qui a vécu des débuts hésitants, a connu un essor grâce à l’arrivée de Jules Vieillard aux commandes, suivis de ses deux enfants. Elle offre, à son apogée, un emploi pour 1300 ouvriers.

David Johnston, maire de Bordeaux et premier patron de l’usine

Une première faïencerie se crée à Bordeaux dès 1829 sous l’impulsion de deux négociants industriels Lahens et Rateau, avec l’aide d’un céramiste de génie venu d’Agen, Pierre Honoré Boudon de Saint-Amans. Une fois l’installation mise en place, la production sera de courte durée, et la manufacture fermera ses portes 4 ans plus tard en raison de la mésentente du céramiste agenais et des directeurs.

En 1834, un futur maire de Bordeaux, l’Irlandais David Johnston, établit une importante usine dans les anciens moulins de Teynac à Bacalan. Dans son entreprise, ce notable protestant met en place une société de secours mutuels, un système de retraite, et il rend obligatoire l’instruction des enfants qui travaillaient dans les ateliers.

Issu du milieu négociant, ouvert et très entreprenant, David Johnston apportera sa fortune sans être un homme du métier. Son usine va compter jusqu’à 700 ouvriers et fait venir d’Angleterre combustible et matières premières, profitant du transit régulier des navires chargés de vin à destination de l’Angleterre. La production est alors industrielle et se contente, sans effort d’originalité, de décors aux motifs et couleurs variées et aux bordures ondulées ou mouvementées. En plus des imitations anglaises, le peintre Pierre Lacour fils offre ses services pour composer des modèles d’inspiration néoclassique où se côtoient turqueries et vignettes régionales.

De Vieillard à la Manufacture Vieillard et Cie

Dans cette affaire, les coûts de fabrication restent élevés, David Johnston ne tarde pas à se ruiner. Son directeur technique venu de Paris, Jules Vieillard, la reprend en 1845 et la fait aussitôt prospérer. En plus des pièces de vaisselle blanche et des verreries, il lance des séries d’assiettes à histoires qui trouveront preneurs pour le plaisir d’animer les fins de repas.

Son premier coup de maître sonne à l’occasion de l’Exposition universelle de 1855 où le classement officiel des grands crus conforte l’emploi du mot château. Les propriétaires et négociants tirent aussitôt profit de cette appellation flatteuse qui se retrouve rapidement sur leurs étiquettes. A la manufacture Vieillard, un dessinateur nommé Lequet s’inspire du travail de Gustave de Galard illustrant les châteaux du Médoc et crée des vignettes qui seront transposés en céramique avec des délicats encadrements de pampres qui ourlent l’aile des assiettes. Cette série connaît un succès commercial.

A sa disparition en 1868, ses deux fils Charles et Albert lui succèdent et développent la fabrication grâce à un haut niveau technique et esthétique. La Manufacture Vieillard et Cie fait appel à des décorateurs et des dessinateurs en vogue comme Eugène Millet qui signe un service à décor d’animaux dit « Décor japonais ». Le service connait un succès retentissant ; il sera réédité par Longwy après la fermeture de la manufacture.

La fantaisie d’Amédée de Caranza

A partir de l’Exposition universelle de 1878, la manufacture Vieillard est en mesure de proposer des pièces spectaculaires : grande fontaine mauresque, vases monumentaux, pendules ornées de dragons ou d’éléphants, ibis porte-parapluies, ou Noire grandeur nature portant sur la tête une vasque… Les émaux en relief apparaissent sur les céramiques et de nouvelles couleurs aux nombreuses teintes limpides dessinent des motifs floraux, des chiens de Fô, des dragons, des portiques de temple, des visages de geisha, des carpes, des têtes d’éléphant, des gongs, des bambous, des pommiers en fleurs, des perroquets, des coqs, des paons et autres paysages du bout du monde comme le mont Fuji,

Ces exploits techniques tiennent au recrutement d’un certain Amédée de Caranza. Ce nouveau chef d’atelier apporte à l’entreprise ses compétences et son imagination artistique. Connaissant les faïences islamiques aussi bien que l’art japonais, il affine l’orientalisme de Vieillard et donne à la création un nouveau souffle plein de fantaisie.

Ainsi, avec Amédée de Caranza, le Bordeaux des débuts des années 1880 n’est plus synonyme de classicisme. La ville voit son nom lié à une fantasmagorie orientale allant de La Perse au Japon. En plein essor, la collaboration de Caranza avec les frères Vieillard se brouille pour une affaire de poudre d’or. Il quittera les ateliers non sans avoir laissé une influence tellement discrète que sa signature n’apparaît presque jamais sur les productions.

La disparition d’une industrie bordelaise

Aux portes de l’Art nouveau, la manufacture ferme ses portes en 1895 après la mort des Vieillard faute de successeurs. Les ateliers qui produisaient plus de 70 000 pièces par semaine disparaissent du paysage industriel bordelais après en avoir été l’un des fleurons.

En un demi-siècle, Johnston et Vieillard auront livré une abondante production où se reflètent les goûts et les modes du temps, du genre anglais aux turqueries, des assiettes humoristiques aux pompeux pastiches de la Renaissance, de la série des châteaux inspirés de Gustave de Galard à la série des bêtes humanisées inspirées de Grandville, des créatures de Hokusai aux grands paysages de l’art japonais qui a renouvelé l’art occidental…

De cette page de l’histoire bordelaise, de cette réussite artistique et industrielle, 650 pièces de la collection Darrigade sont exposées au Musée des arts décoratifs et du design de Bordeaux jusqu’au 21 septembre 2015.


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