
Jeudi 25 septembre, de 10h à 18h, Pôle Emploi Aquitaine et l’association des commerçants Bordelais « La Ronde des Quartiers » organisaient, en partenariat avec la Ville, un forum où étaient proposées des offres d’emploi dans le commerce et l’artisanat. Chef d’entreprise, Franck Neuvillers y était pour recruter. Il raconte.
9h30, place Pey Berland. La cafetière de Pôle Emploi tourne à plein régime pour accueillir les quelques dizaines de recruteurs présents pour ce forum de l’emploi.
Tentes individuelles, tables, chaises, petites bouteilles d’eau ; la panoplie complète du recruteur est prête. C’est parti ! Sous mon auvent, je reçois les candidats à la chaine, sans réelle présélection. Mon questionnaire initial se voit raccourci tant la file d’attente grossit :
« Bonjour. Merci pour votre patience… Vous avez votre CV ? »
Je repère un visage au hasard au bout de la queue ; il mettra une heure et vingt minutes avant de s’assoir face à moi. Entre temps, j’ai vu des personnes défiler, avec leurs cortèges de misère parfois, de vies cabossées souvent, et d’espoir… tout le temps.
La journée va être longue pour ceux qui veulent postuler à plusieurs stands.
Mes phrases s’enchainent, mécaniques. Ritournelle bien rodée à force de répétitions. Les heures défilent et pas mal d’a priori volent en éclats.
L’indécence politique
Milieu d’après midi, un peu de brouhaha : un petit groupe passe entre les tentes et les files suivi de quelques photographes sous le nez des postulants. Un politicien tout sourire vient se montrer.
Indécent.
« Prends ma place 5 minutes Guignol, et viens écouter ces gamins qui galèrent et viennent parfois jusqu’à quêter un job à 25 heures par semaines avec des bacs +2 ou +4.
Viens écouter ces femmes qui se retrouvent seules sans rien avec des gosses et vendent avec beaucoup de dignité leur maigres expériences pour “un emploi, n’importe lequel mais du travail”.
Viens écouter ces jeunes qui arrêtent leurs études, parce qu’ils n’ont plus les moyens de les continuer.
Viens patienter une heure dans une file en espérant que le mec au bout de la ligne te trouve bien et te donne ta chance…
Je verrai alors si tu continues à sourire ! »
Les chiffres du chômage tombent
17h30. On informe les candidats de que c’est fini. Certains patientaient depuis un bon moment juste pour ces quelques minutes face à moi… On me donnera leurs CV. Dommage.
Hier, j’ai croisé avec trop peu de temps, beaucoup de belles personnes. Toutes différentes, avec des parcours inégaux certes, mais animées par la même envie d’avancer. Bien loin les convictions sur les gens qui ne veulent rien foutre et vivre d’assistanat, j’ai vu des gens debout, malgré leurs difficultés.
Je pense à ma journée de demain. 4 personnes recevront un appel téléphonique pour un deuxième entretien. 49 autres recevront un mail pour une autre file d’attente.
20h. Le journal annonce les chiffres du chômage pour le mois d’août. 20 000 chômeurs de plus. Les files n’ont pas fini de s’allonger.
Franck Neuvillers
Chef d’entreprise et propriétaire de franchises de grandes enseignes
Mais même votre témoignage n'enrayera pas la belle entreprise de communication de nos élus (locaux ou pas).
Moi aussi je suis de l'autre côté de la file et dans mes recherches je tombe tous les jours sur des annonces à 16h par semaine, véhicule obligatoire, au SMIC horaire ; des boulots de nuit où deux langues étrangères couramment parlées sont exigées (en plus du véhicule obligatoire déjà mentionné) payés au SMIC horaire (sans parler des 3 ou 4 ans d'expérience exigés) ; des kilomètres de boulots précaires en horaires décalés sans aucune contrepartie (à te regarder -façon de parler- tes enfants s’habitueront, j'imagine...)
Mais Gattaz continue de pleurnicher dans les médias respectables sur le "pacte de compétitivité" qui ne serait pas encore assez favorable au développement des entreprises françaises.
Des crétins vivant grassement de leur mandat électifs et/ou de leurs jetons de présence dans un conseil d'administration quelconque se font un plaisir de fustiger "l’assistanat" ou le manque d'entrain de gens à genoux pourtant déjà prêts à presque toutes les compromissions pour sortir de la misère, mais ce n'est pas encore assez :
regardons le "bon peuple" se faire morigéner quand il finit par se désintéresser de la chose publique ou qu'il exprime un tant soit peu de ressentiment quant à la façon dont cette machine fonctionne.
Heureusement, on pourra encore se réjouir que Calmels file 15 000 € d'argent public à Jobi-joba pour personnaliser son interface aux couleurs de la mairie de Bordeaux.
Nous sommes sauvés.
Après, il y a peu de chance d'obtenir une société pacifiée et harmonieuse sous cette pluie de crachats.
Mais certains ont de beaux parapluies.
Jusqu'à quand ?
Un recruteur, contrairement à ce que l'on peut lire ne regardera jamais votre origine, milieu social, ou autre critère différenciant.
On apprécie votre dynamisme, votre élocution, et votre envie, surtout votre envie.
Bien sur c'est toujours inégal, mais il ne faut jamais baisser les bras.
Un entretien se prépare, quel que soit le poste recherché. Surtout dans ce genre de rencontres qui est une sorte de speed-dating.
On ne fait pas de politique, de syndicalisme ou autre...ce n'est pas notre métier;
n'oubliez pas que l'on doit donner le meilleur de soi-même en 5 minutes; c'est peu... un sourire peut parfois faire toute la différence.