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LGV, lignes de failles politiques en Aquitaine

En donnant son feu vert aux LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, le gouvernement s’assoit sur les avis négatifs rendus contre ce grand projet ferroviaire du Sud Ouest (GPSO). Mais à la veille des régionales, ces lignes divisent à gauche et à droite.

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LGV, lignes de failles politiques en Aquitaine

Bifurcation de la Couronne sur la LGV Tours-Bordeaux (Patrick Janicek/flickr/CC)
Bifurcation de la Couronne sur la LGV Tours-Bordeaux (Patrick Janicek/flickr/CC)

« Ni les questions d’environnement ni les questions financières ne sont réglées. La LGV Poitiers-Limoges a elle aussi obtenu une déclaration d’utilité publique, mais je crains que ce projet ne voit jamais le jour ».

L’auteur de ces déclarations pessimistes quant au devenir des LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, n’est pas une militante écologiste ou une vigneronne du Sauternais. Il s’agit de Virginie Calmels : en plein conseil municipal de Bordeaux, lundi dernier, l’adjointe d’Alain Juppé, lui-même très pro-GPSO (grand projet ferroviaire du Sud-Ouest), a fait un genre de coming-out, ralliant ceux que ces deux lignes à grande vitesse laissent sceptiques – à commencer par la commission d’enquête publique ou la Cour des comptes, dont le gouvernement semble avoir ignoré les conclusions assassines.

Il est vrai que l’ancienne patronne d’Endemol portera en décembre aux élections régionales les couleurs de la droite et du centre contre le premier supporter du GPSO, Alain Rousset.

« Tout sauf Rousset »

Et si Virginie Calmels dénonce dans le feu vert du gouvernement à la déclaration d’utilité publique, une « promesse électorale » et coup de pouce au président de la région Aquitaine, elle sait que cette option est à double tranchant. Tout comme Denise Cassou, porte-parole de la Coordination vigilance LGV :

« Cette décision, annoncée à une fête du PS au démarrage de la campagne pour les régionales, risque d’être contreproductive. Je suis moi-même étonnée de l’ampleur du dégoût et de l’indignation, alors que l’enquête publique avait reçu 15000 contributions, pour la plupart hostiles au projet. Dans le sud Gironde, notamment, les gens se sentent méprisés, piétinés. J’entends dire : “Je voterai tout sauf Rousset”, “J’ai déchiré ma carte du PS”, “On va faire une ZAD” (zone à défendre)… Ce choix lamentable, uniquement fondé sur le lobbying d’Alain Rousset et du BTP, va nourrir l’abstention ou le vote protestataire. »

« Erreurs stratégiques »

Politiquement, c’est d’abord une épine de plus dans le pied de l’union de la gauche pour les régionales, référendum fruits et légumes ou pas.

Olivier Dartigolles (tête de liste Front de gauche) a dénoncé un « passage en force », déclarant que « les futurs  élus Front de Gauche n’accepteront pas que le modèle du tout LGV, et son mode de financement, soit réalisé au détriment des lignes ferroviaires de proximité et inter régionales » (Intercités, TER…).

« La convergence entre la destruction, organisée, des TET (trains d’équilibre du territoire) et la libéralisation du transport de voyageurs par autobus (loi Macron) témoigne de la volonté évidente de mettre fin au service public ferroviaire de la part des différentes parties », estime l’élu palois, et porte-parole du Parti communiste.

Tête de liste EELV (Europe écologie-Les Verts) aux élections régionales, Françoise Coutant a également mis en demeure la future région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, de « laisser à l’État la responsabilité de ses erreurs stratégiques en matière de transport ferroviaire » et de ne pas participer au financement de ces projets :

« Pourquoi donner la priorité à des projets qui engloutiront plus de 8 milliards d’euros, ne seront jamais rentables en fonctionnement – comme on l’a constaté avec la LGV Tours-Bordeaux – et qui ne concerneront qu’une minorité de voyageurs en capacité de payer cher leurs billets de train ? Cette décision ne répondra pas aux besoins et aux priorités des citoyen-ne-s qui plébiscitent les TER comme moyen de transport pour leur déplacement du quotidien et souhaitent l’amélioration de ce service en terme de fréquence et de ponctualité. »

Pas de PPP

Une position que partagent des poids lourds locaux du Parti socialiste comme le député de Gironde Gilles Savary, opposant résolu au GPSO, ou le président du conseil départemental Jean-Luc Gleyze. L’ex maire de Captieux redoute les impacts économique et écologique de la LGV sur le sud Gironde, où doivent se séparer les lignes vers Dax et vers Toulouse. Et il a rapidement prévenu que le département ne mettrait cette fois pas au pot commun pour financer le projet – « ce serait hors-la-loi », explique-t-il.

Pas question non plus de refaire un partenariat public-privé, étant donné le casse-tête de la ligne Tours-Bordeaux, affirme par ailleurs Alain Juppé (au diapason sur ce point avec Olivier Dartigolles !). Souhaitant que Bordeaux soit pour les TGV « un carrefour, pas un cul-de-sac », le maire en appelle comme Alain Rousset à l’Europe via le plan Juncker (315 milliards d’euros dédiés aux projets d’infrastructures) et à la SNCF.

Mais celle-ci, dont le déficit pourrait largement dépasser les 44 milliards d’euros actuels une fois la LGV Tours-Bordeaux ouverte, a d’autres chats à fouetter, comme l’a dit à Sud Ouest son patron Guillaume Pépy.

Front Bové-Calmels

Finalement, les caisses vides paraissent être le meilleur allié des anti LGV. Et c’est là que José Bové rejoint Virginie Calmels. A la question de création de collectifs de zadistes contre les travaux, le député européen répond à Public Sénat qu’ « on est loin d’être là » :

« L’expropriation peut être longue et ça peut être la guérilla juridique. Mais ça ne se fera pas. On fera tout pour que ça ne se fasse pas. (…) Au mieux, ça se fera dans 30 ans. Et dans 30 ans, on pensera que c’est idiot. »

D’ici là, dans 3 mois, pro et anti LGV se compteront dans la nouvelle majorité de l’hôtel de région. Et sauront (peut-être) si le GPSO a obtenu ou pas l’aval du Conseil d’Etat, préalable indispensable à la signature de la déclaration d’utilité publique.


#Alain Rousset

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