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Le squat 12 expulsé, les Roms restent à Mérignac

Quatre expulsions en deux ans, les Roms voyagent un peu sous la contrainte à Bordeaux Métropole. Nouvel épisode ce mardi où ils ont été expulsés d’un terrain à Mérignac. Mairie, associations et collectifs s’indignent.

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Le squat 12 expulsé, les Roms restent à Mérignac

Les Roms ont dû chercher un nouveau terrain où dormir à Mérignac (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)
Les Roms ont dû chercher un nouveau terrain où dormir à Mérignac (XR/Rue89 Bordeaux)

On pourrait croire que le sport préféré des Roms est le saut de puce. Expulsable depuis le 6 septembre dernier, les familles installées à Mérignac près de la sortie 12 de la rocade ont passé leur mardi à déménager leurs affaires allant de lieu en lieu. Tout ça sous quelques gouttes :

« C’est trop difficile, peste Gaucho l’homme charismatique de la communauté, ils font toujours ça quand il y a de la pluie et personne n’a réfléchi que des enfants devaient aller à l’école. »

La préfecture de Gironde a commandité cette procédure dans le cadre d’une expulsion d’un « campement illicite de gens du voyage », installé depuis mars dernier. Ainsi, les caravanes sont prises en compte, pas la scolarisation des enfants. Morgan Garcia, membre de Médecins du Monde, accuse :

« C’est une stratégie utilisée depuis quelques temps par la préfecture qui leur permet de ne proposer aucun hébergement alors qu’il ne s’agit pas de gens du voyage. Tout le monde est au courant, ce sont les mêmes qui ont déjà occupé des squats. Ce ne sont pas des nomades, ce sont des sédentaires. La caravane c’est parce qu’ils sont contraints, ce n’est pas une culture. »

Police « bienveillante », mairie « bouleversée », Roms déplacés

Il ajoute que la trêve hivernale qui empêche toute expulsion « ne s’applique qu’à ceux qui ont un bail. Les plus vulnérables en sont donc exclus ». Il est atterré de savoir qu’un couple avec un enfant d’un an et qu’un homme en chaise roulante se retrouvent sans relogement possible.

L’adjointe à la mairie de Mérignac en charge de l’action sociale, Sylvie Cassous-Schotte ne dit pas mieux :

« Je suis bouleversée par cette expulsion. Ça ne mène à rien si ce n’est mettre des gens et des enfants en plus grande difficulté. Ce matin, il y avait de la rage exprimée par les femmes. J’ai vu des personnes anéanties par ce qui se passe. »

L’évacuation est la conséquence de la décision de justice prononcée en juillet dernier par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux. Il n’accordait qu’un sursis aux habitants que Bordeaux Métropole voulait expulser.

Ce squat était jusqu’alors coincé entre le crématorium, le cimetière et la rocade. Ce mardi à l’aube vers 7h30, les policiers arrivent. Les Roms sont au courant qu’ils doivent partir. Aucune résistance n’est opposée. Aucun incident n’est signalé par la préfecture.

« On a presque de la chance, positive Jean-Pierre Melgar membre du collectif de soutien Chakaraka, la police a été bienveillante et est passée la veille pour nous prévenir. La mairie est intervenue, mais globalement cette évacuation est dommageable. »

« Pas de diagnostic social »

Médecins du Monde se montre plus sévère :

« Le terrain appartient à Bordeaux Métropole et l’expulsion fait suite à la requête de la collectivité territoriale alors qu’il n’y a aucun projet, déplore Morgan Garcia. Or des gens vont dormir dehors sans toit. Demain, des enfants n’iront pas à l’école [quatre sont en primaire, deux en maternelle, NDLR]. Pour certains, le suivi médical et les traitements seront interrompus. Lors de l’expulsion, il n’y avait aucun représentant de la cohésion sociale ni de la Mous (maîtrise d’œuvre urbaine et sociale). Encore une fois, la circulaire interministérielle du 26 août 2012 n’est pas respectée, alors qu’elle enjoint les préfets à se rapprocher des acteurs avant les expulsion pour effectuer des diagnostics sociaux. »

Or les Roms ne sont pas inactifs. En septembre, plusieurs personnes ont par exemple participé aux vendanges du château Bireau dans l’Entre-deux-Mers. Le groupe de musique Chakaraka tourne à travers le département, et les musiciens sont accompagnées dans leur insertion, rappelle Sylvie Cassous-Schotte, qui ne veut pas non plus dresser un tableau idyllique :

« Il y a un processus d’intégration rendu difficile par la barrière de la langue. Il y a aussi une forme de délinquance alimentaire (sic). De la prostitution a été repérée, mais se poursuit-elle ? Je ne sais pas. »

Le squat de la sortie 12 a été laissé à l'abandon. (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)
Le squat de la sortie 12 a été laissé à l’abandon (XR/Rue89 Bordeaux)

Sur place, trois cabanes, quatre voitures inutilisables et quelques détritus sont abandonnés dans le départ. Mais les caravanes et leurs chauffeurs ne vont pas bien loin. Le temps de trouver un nouvel asile, la majorité des familles s’installent à l’entrée du cimetière.

Court répit

En milieu d’après-midi, les choses s’accélèrent. Les moteurs vrombissent à nouveau. Direction… deux ronds-points plus loin. Toujours à Mérignac. Ils espèrent trouver refuge sur le terrain d’un ancien garagiste, chemin de Pagneau à Beutre, autrement dit en pleine zone résidentielle.

Le répit ne durera qu’une petite heure quand déjà la police toque à nouveau à leurs portes. Les agents relèvent les plaques d’immatriculation mais ne leur demandent pas de partir raconte Jean-Pierre Melgar. Le conducteur d’engin claironne d’ailleurs toujours :

« Ils ne demandent pas la charité. Ils cherchent du travail et un lieu pour habiter tranquillement. Ils veulent payer l’eau et l’électricité. »

Une autre partie des caravanes s’est dirigée au Haillan où un autre squat était déjà ouvert. Médecins du Monde craint que la taille du groupe devienne trop importante pour la municipalité pourtant disposer à apporter de l’aide.

Évoquant une autre expulsion en octobre à Floirac, Morgan Garcia regrette qu’il n’y ait pas de négociation politique à l’échelle de la métropole. Membre « optimiste » de la commission sur le parcours d’insertion dans le logement à Bordeaux Métropole, Sylvie Cassous-Schotte assure que les solutions sont recherchées. Mais elle ne sait pas quand elles seront trouvées, faute de logements sociaux en nombre suffisant.


#Chakaraka

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