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Les universités de Bordeaux face au harcèlement sexuel

En 2013, les langues se déliaient : on a découvert que le harcèlement sexuel des étudiantes à Bordeaux était une réalité, dans les rues, les cités universitaires ou dans les bureaux des professeurs d’université. Certains, depuis, ont été sanctionnés. Deux ans après, c’est une révolution tranquille qui est en train de s’opérer, à l’initiative des universités elles-mêmes, sous le regard vigilant des associations féministes.

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Les universités de Bordeaux face au harcèlement sexuel

Début 2015, une campagne de communication est lancée par l’Espace Santé Etudiants de l’université de Bordeaux : "Pas de relations sexuelles sans consentement" (DR)
Début 2015, une campagne de communication est lancée par l’Espace Santé Etudiants de l’université de Bordeaux : « Pas de relations sexuelles sans consentement » (DR)

En 2011, la condamnation à 8 mois de prison avec sursis d’un professeur d’université bordelais (pour agression sexuelle sur une étudiante en situation de vulnérabilité) avait fait l’effet d’un choc pour la communauté universitaire. Plus révoltant encore, il avait été réintégré sur son poste après 3 mois de suspension : deux ans de procédures contradictoires devant les instances universitaires ont été nécessaires pour qu’enfin une sanction administrative, lui soit appliquée, lui permettant de garder son activité de recherche et un demi-traitement !

Cette affaire, peu médiatisée sur la place bordelaise, est semblable à bien d’autres sur toute la France et a permis que les langues se délient : mais comment prouver des faits qui se passent le plus souvent entre deux personnes majeures, sans témoins ? A-t-on idée du parcours d’obstacle que représente une plainte contre un professeur qui a le soutien de son institution et sera cru lorsqu’il niera les faits, plaidera le consentement de l’étudiante, voire le harcèlement dont il a été lui-même l’objet ?

D’autres affaires connues dans les universités bordelaise (agressions sexuelles, voyeurisme, exhibitionnisme) ne sont pas arrivées jusqu’à la justice mais auraient mérité des sanctions, aussi bien au pénal que dans les administrations concernées ; mais, stupeur, les conseils de discipline des universités ne jugent que les cas d’étudiants, très rarement des personnels techniques et jamais les cas d’enseignants chercheurs !

Des cellules de veille contre le harcèlement sexuel à l’université

A Lille, à la suite à de faits graves et répétés, des doctorantes exaspérées par ces pratiques d’un autre âge créent l’association CLASHES pour lutter contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur. Des affaires éclatent entre 2007 et 2012 à Paris, Toulouse, Bordeaux, Angers (une à l’université catholique et une à l’université publique). Lassées d’être la proie d’enseignants peu scrupuleux qui monnaient contre des services sexuels des bourses de master, de doctorat ou des publications dans des revues scientifiques (nécessaires pour leur carrière), les étudiantes s’organisent dans des collectifs.

En 2012, la Conférence des Présidents d’Université et la Conférence des Directeurs de Grandes Ecoles se saisissent enfin de la question, traitée depuis longtemps dans les grandes universités étrangères (Etats-Unis, Angleterre, pays du Nord de l’Europe). Elles ont compris que lever le tabou ne ternirait pas la réputation de leur université mais participerait, au contraire, à rassurer les étudiantes et leurs familles.

En janvier 2014, une feuille de route est envoyée aux universités par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche incluant la création de dispositifs pour lutter contre le fléau du harcèlement sexuel à l’université.

Bordeaux, plutôt bon élève

Longtemps ces questions sont restées taboues à Bordeaux. Les harceleurs à haut niveau d’études bénéficiaient d’une certaine indulgence dans un climat étudiant relâché : bizutages à connotation sexuelle, soirées sexy organisées par des associations étudiantes soutenues par leurs universités, folklore paillard des carabins ou des équipes de sport universitaire. Le harcèlement sexuel ne concerne pas que les professeurs, il sévit également entre étudiants, dans les amphis et les cités universitaires, ce que rapportent régulièrement les étudiantes aux médiateurs et médiatrices du service de santé universitaire, aux assistantes sociales, aux infirmières universitaires, mais aussi les associations féministes, mobilisées de longue date sur ce sujet.

En janvier 2013, l’Université Bordeaux Montaigne s’engage la première en créant un poste de chargé de mission, puis la première cellule de veille contre les violences sexistes et homophobes. Il s’agit d’un comité paritaire (enseignants, personnel, étudiants), animé par l’infirmière universitaire. Un numéro de téléphone dédié et une adresse mail permettent aux étudiantes de se confier, en toute confidentialité, si elles se sentent victimes de harcèlement ou ont subi des violences. En septembre 2014 un poste de chargée de mission égalité femmes hommes est créé à l’Université de Bordeaux, précédant de peu (septembre 2015) la création d’une cellule de veille, en lien avec le groupe « Harcèlement sexuel » de la Conférence National des Chargé.e.s de Mission Egalité Diversité (CPED).

Le harcèlement des étudiantes à Bordeaux

Ces avancées nécessaires n’auraient pas été possibles sans l’engagement des étudiantes elles-mêmes, regroupées dans des associations telles que le Comité de Lutte des Etudiantes Féministes (CLEF). Les syndicats et les associations étudiantes, le plus souvent menés par les garçons, ne sont pas toujours les moteurs de ces combats. Une charte antisexiste proposée par les syndicats (UNEF, SUD) achoppe sur la question des soirées étudiantes et de leur affichage sexy, défendu au nom de la tradition par les étudiants en médecine. Pourtant de nombreux faits enregistrés par les médiateurs de la santé universitaire révèlent que ces soirées, enchaînant le cycle fête, alcool et sexe finissent mal pour des étudiantes victimes d’agressions sexuelles ou de viol, et qu’elles sont peu à déposer plainte.

Hors de l’université le CLEF pose la question de la sécurité des étudiantes à Bordeaux. Là encore, en avance sur l’agenda national, elles dénoncent lors de spectaculaires marches de nuit le harcèlement de rue et les inégalités entre femmes et hommes dans la ville, en particulier dès que la nuit tombe. Parce que ces revendications sont celles de toutes les femmes face à une ville qui leur apparaît comme sexiste, le CLEF s’associe avec les associations féministes bordelaises, telles que le Planning Familial, regroupées dans un collectif féministe. En 2015, année ou paraît le premier rapport du Haut Conseil à l’Egalité Femmes Hommes sur le harcèlement sexuel dans les transports, les associations féministes sont bien décidées à jouer leur rôle pour promouvoir une ville plus égalitaire, mais aussi plus accueillante et bienveillante pour les dizaine de milliers d’étudiantes françaises et étrangères qui viennent à Bordeaux, avant tout, pour réussir leurs études.


#agression sexuelle

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