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L’accueil citoyen des réfugiés au milieu du gué

Deux mois après la mobilisation en faveur des réfugiés syriens, et la mise en place de services pour la coordination des initiatives citoyennes, où en sont les offres de dons et d’hébergements ? Au delà des effets d’annonces, les résultats sont modestes, mais la solidarité demeure.

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L’accueil citoyen des réfugiés au milieu du gué

Les militants de Syrie Démocratie 33 (WS/Rue89 Bordeaux)
Les militants de Syrie Démocratie 33 lors du rassemblement sur la Parvis des droits de l’homme à Bordeaux (WS/Rue89 Bordeaux)

Le 2 septembre dernier, le jour de la rentrée scolaire, le corps sans vie d’un enfant de 3 ans est retrouvé sur une plage turque. Il est syrien et s’appelle Alyan Kurdi. Lui, son frère de 5 ans, et leur mère, sont morts noyés après le naufrage de leur embarcation qui faisait cap vers l’île grecque de Kos.

Les photos de ce drame humain ont fait le tour du monde. L’Europe est secouée. Partout en France, comme à Bordeaux, des rassemblements ont été organisés en solidarité avec les migrants et réfugiés. Les initiatives pour les accueillir se multiplient. Nombreux sont les citoyens qui proposent des hébergements et des dons. Les collectivités s’empressent de recueillir ces initiatives : la mairie de Bordeaux met en place un numéro vert, le Conseil départemental un site internet.

La Préfecture est missionnée pour coordonner l’action des services de l’Etat, en liaison avec les collectivités et les associations, pour organiser dans les meilleures conditions l’accueil des réfugiés dans le département.

800 réfugiés en Gironde dans le plan de l’État, et les autres

Lors de sa conférence de presse de rentrée qui s’est tenue lundi 7 septembre à l’Élysée, le président de la république, François Hollande, annonce que la France accueillera 24 000 réfugiés. Environ 800 sont attendus Gironde.

Mais en dehors du plan mis en place par l’État, des réfugiés arrivent à Bordeaux autrement assure Maya Safadi, présidente de Syrie Démocratie 33 :

« Il y a des réfugiés qui quittent la Syrie jusqu’à la Turquie et qui prennent ensuite l’avion après avoir obtenu un visa. Ils viennent à Bordeaux parce qu’ils ont de la famille, ou une connaissance, ou pas (une ligne aérienne directe existe entre Istanbul et Bordeaux, NDLR). Il y en a d’autres qui arrivent en train après une entrée légale ou non en France. Ils arrivent à la gare avec leurs affaires et ne savent pas où aller. Certains d’entre eux prennent contact avec notre association après en avoir entendu parler ou sur les conseils d’autres syriens. D’autres errent en ville quelques jours. Nous avons écrit à Alain Juppé pour avoir un local afin de créer un point de repère pour ces personnes, nous n’avons pas eu de réponse. »

Un témoignage qui laisse penser qu’il est assez difficile d’établir un chiffre exacte du nombre des réfugiés syriens dans la métropole bordelaise.

Les initiatives citoyennes : dons, hébergements et bénévolat

« Ce n’était pas un feu de paille, assure Maya Safadi. Beaucoup de personnes nous ont proposé des hébergements. Des familles syriennes déjà installées dans la région sont prêtes à héberger leurs compatriotes fuyant la guerre – et c’est déjà le cas à Pessac – mais des familles françaises sont également prêtes à le faire. Nous avons 3 propositions sérieuses. Le problème est que l’afflux va devenir de plus en plus important tant que la guerre continue et que les civils ne sont pas en sécurité. »

Du côté de la mairie de Bordeaux, le numéro vert a enregistré 49 appels dont 13 propositions de logements :

« La question est complexe, commente Alexandra Siarri, adjointe en charge de la cohésion sociale et territoriale à la ville de Bordeaux. Cette part d’empathie et de fraternité républicaine demande aussi un travail de préparation et d’explication. On remercie bien entendu les citoyens d’avoir téléphoné, mais on leur explique aussi comment les choses vont se mettre en place, et dans quel délai. On explique dans quel cadre l’accueil des réfugiés est possible et on s’assure qu’ils veulent aller au bout de la démarche. »

En revanche, le site internet mis en place par le conseil départemental de la Gironde a joué un rôle de plateforme de mise en lien. Les initiatives et les besoins se côtoient d’une part venant des citoyens, des entreprises et des collectivités, et d’autre part des collectivités et des associations :

« Le 2 octobre, Jean-Luc Gleyze a réuni les 36 associations qui se sont manifestées via le site, explique Martine Jardiné, vice-présidente du Conseil départemental chargée de l’habitat, du logement et du développement social. Cette réunion a été l’occasion de mettre à plat les propositions et de les orienter selon les besoins. Les particuliers sont mis en relation avec les associations qui s’assurent que les propositions sont valables et si elles sont toujours maintenues. On répertorie les propositions, on identifie les dons. Quand une association a besoin de couvertures par exemple, on regarde lesquelles en proposent des couvertures et on les met en contact. »

Ainsi 1044 initiatives avec 180 propositions d’hébergements ont été recensées sur le site du Conseil départemental. « L’enjeu est que cet élan de solidarité ne tombe pas à plat » soutient Martine Jardiné.

« Nous préférons aider nos SDF »

Dès les premiers rassemblements de solidarité avec les réfugiés syriens, des commentaires sur les réseaux sociaux sont apparus pour critiquer « un élan solidaire superficiel » motivé par les médias. Nombreux sont qui s’étonnent de voir une telle mobilisation ; « mais nous, nous préférons aider nos SDF » écrivait un lecteur à propos d’un de nos articles.

« Nous avons reçu des appels de personnes outrées que l’on aide des étrangers, signale Alexandra Siarri, mais ce n’est pas représentatif d’un mouvement massif. »

Noël Mamère, maire de Bègles, rappelle clairement les obligations portées par la convention de Genève sur l’accueil des réfugiés. Bien que sa mairie ait reçu des lettres de Béglais qui ne comprennent pas cette mobilisation alors que plusieurs d’entre eux sont en attente de logements, le maire assure que le dispositif mis en place pour les réfugiés « n’est pas pris sur le quota des logements sociaux ».

« On essaie d’informer et on fait en sorte de dépasser les inquiétudes, ajoute Martine Jardiné. Nous avons un travail à faire et personnellement je m’y emploie. »

L’accueil dans les communes

Parallèlement aux initiatives des particuliers, plusieurs communes de la Gironde ont proposé des logements. Il y a une dizaine de jours, la première famille syrienne de la plateforme d’accueil gérée par l’État est arrivée sur le département, reçue par la ville de Bègles :

« Un jeune couple d’une trentaine d’années et leurs 3 enfants ont intégré un logement de fonction qui n’était plus utilisé, précise Noël Mamère. Les enfants ont été inscrits à l’école la semaine dernière. Un autre logement va pouvoir accueillir une deuxième famille prochainement. »

La commune de Parempuyre, inscrite dans le réseau des villes solidaires, met également à disposition de la préfecture deux chalets T3 en bois, inaugurés le 16 octobre. Le maire Béatrice de Françoise les avait proposés dès le 18 septembre à l’issue du Conseil municipal :

« Notre devoir est d’accueillir ces réfugiés (…). On ne peut pas ne rien faire. Ici, on ne laisse jamais personne à la rue. D’autre part, en tant que présidente d’Aquitanis, j’ai demandé une mise à disposition de logements sociaux. »

Les deux chalets font partie d’un programme d’hébergement d’urgence orchestré par Emmaüs et soutenu par le Département. Pascal Lafargue, président d’Emmaüs Gironde se félicite de l’efficacité d’une « plateforme interrégionale très mobilisée » et d’ « une vraie volonté politique ». Par ailleurs, une résidence hôtelière à Carcans est pressentie pour l’accueil des réfugiés.

Contactée pour plus d’informations, la Préfecture d’Aquitaine estime qu’il est encore prématuré d’apporter des précisions sur ces questions. Elle est censée centralisée les initiatives des communes, et aiguiller vers elles les réfugiés.


#Alexandra Siarri

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