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Bordeaux : ces demandeurs d’asile sans droit à un toit

Une centaine de demandeurs d’asile Sahraouis squattent des bâtiments de la rive droite, dans des conditions précaires. Le collectif qui les soutient dénonce l’inaction de l’Etat, qui ne leur propose pas de solution d’hébergement, comme la loi l’oblige.

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Bordeaux : ces demandeurs d’asile sans droit à un toit

Plus de cent réfugiés Sahraouis vivent dans le squat du quai Deschamps, à Bordeaux (SB/Rue89 Bordeaux)
Plus de cent réfugiés Sahraouis vivent dans le squat du quai Deschamps, à Bordeaux (SB/Rue89 Bordeaux)

La pluie coule à verse à travers le toit du hangar, dont le sol est parsemé de flaques d’eau, et un des côtés occupé par un monceau de déchets. Du linge est étendu entre les tentes montées dans le bâtiment, un des trois de ce site du quai Deschamps, squatté depuis l‘évacuation du bidonville du pont Saint-Jean, tout près de là.

Quatre réfugiés Sahraouis ont installé leur chambre dans une cabane de planche. A l’intérieur, il y fait bon : des plaques électriques leur permettent de préparer le thé et de se réchauffer, du moins quand il n’y a pas de coupures de courants. Et même si ils déplorent l’absence d’eau et de toilettes dans ce squat , sur la rive droite de Bordeaux, les jeunes hommes préfèrent être ici que d’aller au centre d’hébergement de Pessac :

« C’est très loin, et on doit en partir le matin pour n’y revenir que le soir », le foyer n’étant ouvert que de 18h à 9h, explique l’un des Sahraouis, qui tient à rester anonyme.

Une liste d’invités à Pessac

Quand bien même ils accepteraient cette solution proposée par la préfecture de Gironde, le foyer géré par Emmaüs ne peut accueillir que 60 personnes. Or ils sont 100 à 200 quai Deschamps, essentiellement des hommes seuls, sur les quelques 300 demandeurs d’asile sahraouis vivant dans l’agglomération bordelaise.

Ne sont de surcroît acceptés à Pessac que les réfugiés recensés par la préfecture lors de l’évacuation du squat du pont Saint-Jean, en octobre dernier, affirme Jean-Claude Guicheney, de la Ligue des Droits de l’Homme :

« Nous n’avons jamais eu cette liste nominative de 20 à 30 noms, mais celle-ci conditionne l’accès à un hébergement à Pessac, et certains réfugiés on été refoulés parce qu’ils n’y figuraient pas. Cela permet à la préfecture d’arguer que le centre n’est pas complet et qu’il n’est donc pas question d’envisager une solution alternative. »

Contactée par Rue89 Bordeaux, la préfecture affirme que la possibilité d’accueil a été élargie à tous les demandeurs d’asile. Malgré cela, le centre de Pessac serait occupé tous les soirs par 25 à 30 personnes, pour 60 places disponibles. Pas question donc pour l’Etat d’ouvrir un nouveau lieu tant que ce site n’est pas « optimisé ». La préfecture assure par ailleurs que les conditions d’accueil ont été améliorées, avec un repas chaud servi gratuitement le soir aux Sahraouis hébergés.

« Pas de volonté politique »

Le collectif de soutien aux demandeurs d’asile sahraouis de Bordeaux déplore néanmoins le silence du Préfet de la Gironde, qui n’a pas encore répondu à leur courrier, envoyé il y a quinze jours. Les associations dénoncent « l’absence d’avancée significative sur les problèmes persistants d’hébergement rencontrés, (…)  malgré des engagements pris lors d’une réunion qui s’est tenue le 15 octobre dernier entre le collectif et les représentants institutionnels. »

« Nous ne voyons pas pourquoi on n’arrive pas à répondre au besoin de logement de ces demandeurs d’asile, qui est aussi un droit garanti par les conventions internationales, poursuit Jean-Claude Guicheney. Si la volonté politique était là, on trouverait des solutions. Bordeaux Métropole s’est notamment dite prête à mettre à la disposition des réfugiés, à titre provisoire, une trentaine de bâtiments disponibles sur l’agglomération. »

Au squat du quai Deschamps (SB/Rue89 Bordeaux)
Au squat du quai Deschamps (SB/Rue89 Bordeaux)

Mais la compétence d’hébergement des demandeurs d’asile est du ressort de l’Etat. Or il y a urgence : d’un côté, les offres d’hébergements de fortune se réduisent, notamment depuis l’évacuation récente du squat de la rue Barbey, et la probable prochaine expulsion des bâtiments du quai Deschamps, qui fait aussi l’objet d’une procédure – le site figure dans la zone d’aménagement d’Euratlantique.

De l’autre, souligne Jean-Claude Guicheney, de la LDH, « il va falloir anticiper l’arrivée de gens du site de Calais », si une partie de la jungle est détruite, et celle de réfugiés syriens. Sans compter que les nouveaux demandeurs d’asile doivent prendre leur mal en patience pour leurs démarches administratives, ajoute Jean-Paul Guicheney :

« La situation est particulière en Gironde puisqu’en 2015, le transfert de la gestion de la plateforme des demandeurs d’asile (PADA), désormais pilotée par France Terre d’Asile, a généré des retards dans les traitements de ces demandes. Il faut parfois 3 semaines pour obtenir un rendez-vous ».

Au squat du quai Deschamps, beaucoup ne croient plus à l’idée de se voir proposer un toit :

« C’est mort, lâche Sam, un réfugié de 28 ans. Je suis né dans un camp (de réfugiés Sahraouis) en Algérie et je suis venu en France pour faire une demande d’asile. Cela fait 11 mois que je suis ici. Je ne pense pas qu’on aura d’hébergement, que notre demande soit acceptée ou pas, il n’y aura pas d’hébergement. Le seul espoir, c’est l’obtention du statut de réfugié avec une carte de résident».

Dignité

Pour Morgan Garcia, coordinateur de la mission squats à Médecins du Monde, « notre droit prévoit pourtant un accueil en CADA (centre d’accueil des demandeurs d’asile) » :

« Ce droit à la dignité et à l’hébergement est aujourd’hui bafoué. Nous voyons une résurgence des bidonvilles que la France a connu dans les années 50 et 60, et dont on ne s’est débarrassé qu’à la suite de l’intervention des pouvoirs publics. »

Pour sensibiliser les Bordelais à la situation des Sahraouis, ceux-ci organisent ce samedi 27 février, de 15 h à 22 h, une journée festive dans la salle Son Tay, près de la gare. Objectif : célébrer les 40 ans de la République Arabe Sahraouie Démocratique, pays sans Etat ni territoire, ce dernier étant occupé par le Maroc…

« Cela fait 40 ans qu’on leur promet un référendum pour l’autodétermination du Sahara Occidental, et qu’il ne se passe rien », rappelle Jean-Paul Guicheney.


#CADA

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