Dès les premiers pas de la manifestation, sa tête voit rouge. La banderole intersyndicale et celle d’un groupe autonome « Il n’y aura pas de présidentielle » se disputent le haut de pavé. Des étudiants et lycéens contestent à la CGT la tête du cortège. A l’approche de la place Gambetta, la police intervient pour séparer les deux parties et interpeller au moins une personne.
Entre 2000 et 5000 personnes ont fait le déplacement pour ce sixième jour de mobilisation nationale. Le chiffre reste bien en-deçà des attentes de l’intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Unl, Fidl) qui, contre le projet de loi Travail, clame « Amplifions la mobilisation ! » – dans le cortège, certains étaient déjà dans les deux blocages opérés cette nuit.
Et de nombreux manifestants quittent progressivement le cortège lorsque la situation se tend avec les forces de l’ordre. Cours Victor Hugo, des œufs sont lancés sur le siège d’InCité, et sur les policiers casqués et munis de boucliers. Certains mettent les jeunes en joue avec leurs flash-balls, s’attirant les quolibets de la foule.
Manif sauvage
Place de la Victoire, les camions des syndicats s’arrêtent. Leurs enceintes crachent « Faut que ça cesse » pendant qu’une petite moitié du cortège continue sa marche. Devenue sauvage, la manifestation parcourt le quartier Saint-Michel passant de rues en ruelles sous le regard des policiers en civils qui les suivent.
Les plus jeunes sont là et quelques syndicalistes sont restés, comme pour les fois précédentes. Sur les quais, la situation s’envenime devant le conservatoire. Aux coups de matraques répondent des jets d’œufs et de melons pourris.
Un membre de la CGT calme le jeu et écarte les deux parties. Le chemin reprend vers le Pont de Pierre avec une banderole bien tendue : « La gazeuse ça m’émeute » (sic) et un message crié : « Non violence, on avance ». Effectivement, la police recule. Acte salué par des « La police avec nous ! »
La petite foule s’engouffre à nouveau vers Saint-Michel, les Capus, la Victoire et se retrouve dans le gouffre de la rue Sainte-Catherine. A nouveau, au croisement de la rue Victor-Hugo, les policiers attendent et chargent. Les manifestants s’enfuient par la rue du Grand-Rabin-Cohen et se dirigent vers le Tribunal et donc le Palais Rohan.
Mettre son drapeau dans sa poche
Rue du Maréchal-Joffre , il reste moins d’une centaine de personnes. Depuis la place Pey Berland, des camions de police déboulent, les hommes en bleus sortent, se positionnent en ligne. Des contrôles de sac sont effectués. Rue89 Bordeaux y a droit.
« Ce n’est pas parce que vous êtes de la presse, qu’on ne va pas regarder dans votre sac », nous lance-t-on.
Un autre en civil critique le « parti pris » de notre récit de la manifestation du 12 avril, parce qu’il a omis de parler des « Tout le monde déteste la police » scandés. Slogan également crié lors de la manif du jour, au même titre que sa version détournée : « Tout le monde veut prendre l’apéro ». Pendant ce temps, les Jeunes Communistes se font saisir leurs drapeaux. Pourquoi s’interrogent les trois JC assis sur un bord de fenêtre après avoir été contrôlés ? Réponse :
« Quand on a des panneaux, c’est qu’on manifeste, or là, vous êtes complètement illégal (sic). Donc vous dégagez ! Vous dégagez tout de suite ! »
Pour les convaincre, les policiers remontent la rue au son des matraques frappant leur bouclier. La place de la République devient la terre d’asile des manifestants pour la fin d’après-midi.
Dans un communiqué, la Coordination lycéenne de Bordeaux a regretté les violences avec les forces de polices « injustifiées eu égard aux actes de manifestants » (des jets d’œufs remplis de peinture). L’organisation dénonce « des tirs de flash-ball sur de très courtes distances (ce qui est illégal et peut causer de graves blessures) », déplorant une mâchoire fracturée et 5 arrestations.
La prochaine manifestation aura lieu jeudi, départ à 11h place de la République.
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