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Privée ou publique, malaise dans la Santé à Bordeaux

Le monde de la santé a multiplié les contestations ces derniers mois. Ce jeudi, la grève a la polyclinique s’est terminée mais elle continue à la Tour de Gassies et au centre hospitalier Charles-Perrens depuis plus d’un mois et demi.

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Privée ou publique, malaise dans la Santé à Bordeaux

Polyclinique Bordeaux Rive Droite en grève (DR)
Polyclinique Bordeaux Rive Droite en grève (DR)

« Ils sont tombés sur un os ! » Lourdès De Souza, membre CGT du comité d’entreprise de la Polyclinique Bordeaux rive droite à Lormont est encore chargée d’émotions ce vendredi matin. Avec ses collègues, elle a mis fin jeudi soir à 9 jours de grève.

Leur colère vient d’un tout petit pourcentage : 0,4% de revalorisation salariale leur était prévue pour 2017 par la direction. Avec une première négociation, il grimpe à 0,6 % soit une hausse mensuelle de 6 à 11 euros jugée bien insuffisante. Surtout pour les salariés alors que la clinique affiche un résultat net de deux millions d’euros. Pas de quoi s’enflammer pour le directeur Franck Chassagnac :

« Le résultat des entreprises n’est pas fait pour augmenter les salaires mais pour entretenir la vitalité de l’entreprise, investir dans des projets immobiliers, constituer des réserves. On ne peut pas faire comme une cigale et distribuer tout l’argent qu’on a gagné. »

11 euros au lieu de 50

La grève débute le mercredi 29 juin. Sur les 315 équivalents temps plein, 180 se mobilisent au plus fort du mouvement et 125 ces derniers jours dont 80% de femmes. Elles demandent 50 euros net, puis réduisent à 30 euros net.

Mercredi dernier, après 7 jours de grève, la déléguée du personnel CGT Sandrine Payen Freitas nous confiait :

« On essaie de tenir. »

Les grévistes vivent leur premier mouvement social, première négociation et premier affrontement avec certains collègues, raconte Lourdès de Souza :

« On a entendu des phrases ignobles, qu’on était prêts à laisser mourir des gens pour 50 euros. »

Leur ténacité paie. La direction cède en partie. Certaines catégories (soins généraux, administratifs) obtiennent une hausse de 30 euros brut. Ce sera 15 euros brut pour les autres (services de dialyse, bloc, pharmacie). Une victoire chargée aussi d’amertume pour l’élue au CE qui fait partie de la deuxième catégorie :

« J’ai le sentiment de valoir 11 euros net alors que j’ai perdu la moitié d’un salaire. »

Une prime, un jour de grève payé et des intéressements à négocier leurs sont aussi accordés. Cerise du la gâteau, elles font condamner la préfecture pour une réquisition abusive de personnel au service de la dialyse.

Gagner une dignité

Les soutiens ont été nombreux pendant le combat : des riverains et usagers alimentent le pot de grève (1255 euros récoltés), le collectif de lutte 33 et l’ouvrier NPA Philippe Poutou sont passés. L’élu communiste Max Guichard a aussi tenu à leur rendre hommage ce vendredi matin en pleine séance du conseil de Bordeaux Métropole :

« Au-delà des aspects financiers obtenus, elles auront gagné leur dignité. »

Lourdès De Souza sourit :

« On n’a pas gagné que 15 euros. Certains services, comme la dialyse et le bloc, étaient très isolés géographiquement et on se connaissait peu. On se connaît très bien maintenant. Ils ont beaucoup plus perdu qu’ils ne le pensent, car dans ce qu’on a gagné, certaines choses ne sont pas quantifiables. »

Après 44 jours de lutte, les grévistes montent dans la Tour

Les réunions s’enchaînent pour les grévistes de la Tour de Gassies. Mercredi, ils ont rencontré l’agence régional de santé. Le lendemain, ils se sont rendus au siège parisien de l’Ugecam. Pour autant, selon l’infirmière Agnès Vayssette :

« Au niveau des négociations, on a avancé sur rien ! »

Ce vendredi, en assemblée générale, la grève a été reconduite dans le centre de rééducation et de soins pour personnes handicapées, nous indique cette déléguée syndicale de Force Ouvrière. Ce jeudi, en montant dans le train la ramenant à Bordeaux, elle nous avoue :

« On est tous un peu à bout ! »

Mais pas question de baisser les bras. Elle nous raconte les plans de retour à l’équilibre qui se succèdent depuis 8 ans, les efforts faits par le personnel, la réduction d’effectif depuis 5 ans pour une activité identique.

« Vous voyez, on est même long à la détente ! »

Des négociations qui patinent

Les grévistes demandent de meilleures conditions de travail pour une meilleure prise en charge des patients. Ils ne veulent plus de ces soins jugés a minima :

« On ne donne des douches qu’une fois par semaine à des patients lourds tétraplégiques. Il arrive que le personnel soignant n’ait pas le temps de déjeuner. On laisse attendre des patients souillés. On veut pouvoir les changer, avoir un personnel compétent et formé au quotidien. »

Depuis un mois et demi, ils souhaitent deux choses : un arrêt des seuils de remplacement qui engendre trois jours de carence avant que le salarié soit remplacé et la création d’une équipe de remplacement à la place du recours à une agence d’intérim.

Jusqu’à 56% du personnel s’est mis en grève mais, devant les négociations qui patinent, la mobilisation menace de s’essouffler : un roulement est mis en place pour assurer le mouvement dans la durée, ponctué aussi par des débrayages plus ou moins longs et des points forts.

C’est le cas ce mardi midi où un rassemblement est prévu devant le siège de l’Ugecam où se tiendra une nouvelle rencontre avec la direction – que nous n’avons pas réussi à joindre. La détermination d’Agnès Vayssette semble intacte :

« J’ai fait pratiquement un mois de grève avec des débrayages tous les jours. Ça ne nous fait pas plaisir de mener une grève depuis 45 jours. Ça ne s’est jamais vu. Mais on nous a demandé de faire le deuil du meilleur soin et ça on ne peut pas l’entendre. »

Un « système complètement fou » à Charles-Perrens

Histoire de se faire entendre, les salariés du centre hospitalier en charge de la maladie mentale Charles-Perrens ont tout tenté : un préavis de grève illimitée lancé le 15 mars, des assemblées générales, le boycott des instances par l’intersyndicale FO-CGT-Sud, l’envahissement du conseil de surveillance en présence le 23 juin de Michèle Delaunay…

« On a utilisé tous les moyens à notre disposition en restant dans un cadre légal » explique le psychologue Denis Grabot.

Le délégué Sud Santé Sociaux s’oppose avec d’autres salariés à l’arrêt d’un protocole d’accord sur les 35h datant 2002. La volonté de la direction – qui n’a pas donné suite à nos sollicitations – est de réduire pour 2017 le temps quotidien de travail de 8h à 7h32.

Ce qui ne colle pas pour les salariés, c’est que l’activité reste aussi importante, que 8 jours de repos disparaissent et plus largement que l’économie générée créerait de nouveaux emplois sans à alléger le travail. Le syndicaliste psy s’explique :

« Ça va générer des emplois supplémentaires mais au lieu qu’ils aident les unités existantes, ils vont créer de nouvelles équipes. Résultat, il y aura une personne en moins par unité et les nouvelles équipes iront vers de nouveaux projets. Il va y avoir deux victimes : les salariés et les usagers. Au lieu de passer 35 minutes avec un patient, les agents en passeront 15 ou ils verront un patient de moins… »

La santé financière du centre serait bonne et les comptes à l’équilibre, mais selon lui « pour maintenir cela, il faudrait faire des marges ». Un militant décrit un « système complètement fou » contre lequel l’intersyndicale souhaite opposer des actions plus radicales à la rentrée.


#Centre Hospitalier Charles Perrens

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