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Une première École de la deuxième chance labellisée à Bordeaux

Deux ans après son ouverture, l’École de la deuxième chance Bordeaux Métropole Aquitaine a été officiellement labellisée. Inaugurée vendredi, elle offre la possibilité de se remettre dans le bain aux jeunes « décrocheurs » de 18 à 25 ans, sans emploi, ni diplôme.

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Une première École de la deuxième chance labellisée à Bordeaux

C’est une inauguration en grande pompe. Face à la cohorte de journalistes venus pour certains de Paris afin de tenter, en vain, de soutirer quelques confidences au candidat Alain Juppé, les jeunes stagiaires (on ne dit pas élèves, NDLR) de l’École de la seconde chance de Bordeaux Métropole Aquitaine (E2C BMA), tous sur leur trente-et-un, oscillent entre intimidation et fascination.

Mais aujourd’hui le maire de Bordeaux et président de Bordeaux Métropole n’est pas – vraiment – en campagne. Avec le président de la région Nouvelle Aquitaine, Alain Rousset, le préfet de la Gironde, Pierre Dartout et la présidente de la fondation des Écoles de la deuxième chance et ancienne Première ministre, Édith Cresson, il est venu inaugurer la toute première École de la seconde chance bordelaise.

Deux ans après sa création en 2014, grâce à l’impulsion de Josy Reiffers, qui avait porté le projet en tant qu’adjoint au maire de Bordeaux, cette école a, en effet, réussi le parcours de labellisation imposé par les Ministères de l’Emploi et de l’Éducation Nationale et rejoint donc le réseau national des Écoles de la seconde chance. Ce dernier compte aujourd’hui une cinquantaine d’écoles, accueillant quelque 15 000 jeunes.

Après des années difficiles

Pilotée par l’Association pour la formation et l’éducation permanente à Tivoli (AFEPT) et les Apprentis d’Auteuil, l’EC2 BMA est ouverte aux jeunes de 18 à 25 ans, sans emploi et sans diplôme, sortis depuis au moins un an du système scolaire. Elle est financée par la Région, Bordeaux Métropole, l’État et le Fonds Social Européen.

Des élèves de l'Ecole de la deuxième chance, lors de l'inauguration, le 4 novembre (AC/Rue89 Bordeaux)
Des élèves de l’Ecole de la deuxième chance, lors de l’inauguration, le 4 novembre (AC/Rue89 Bordeaux)

Zineb, 18 ans, a quitté l’école à 15 ans, avec juste le brevet en poche. Après des « années difficiles », elle a finalement atterri à l’E2C BMA en juin dernier et a choisi de commencer une formation d’ajusteuse monteuse dans l’aéronautique. Elle, qui, il y a encore quelques mois, ne voyait pas comment sortir de la galère, a repris espoir.

Jauze, 22 ans, a, quant à lui, fait sa rentrée en septembre : un peu perdu, il explique avoir arrêté l’école à 18 ans, sans diplôme. Il n’a pas encore établi de projet professionnel mais espère trouver sa voie.

Gamareldin, venu seul du Soudan, il y a presque deux ans, a lui aussi très récemment intégré la structure. Déterminé, il a choisi son domaine : il sera plombier.

40 000 décrocheurs en Nouvelle Aquitaine

La plupart de ces jeunes ont été envoyés vers l’E2C BMA par leurs missions locales pour l’emploi. Ces « décrocheurs », comme on les appelle, c’est-à-dire des jeunes sortis du système scolaire, sans diplôme ni formation, ont tous de grandes difficultés à intégrer un marché du travail qui demande toujours davantage de qualifications, quand ce n’est pas de l’expérience, aux plus jeunes. En Aquitaine, ils seraient ainsi près de 40 000 âgés de 18 à 25 ans dans cette situation.

« Nos stagiaires ont tous eu un rapport difficile à l’école, où ils ont souvent souffert d’orientation mal ou pas choisies », explique Audrey-Anne Goyard, la formatrice référente.

Comment leur remettre le pied à l’étrier ? Frédéric Gameiro, le directeur de l’E2C BMA, livre quelques pistes :

« Nous devons donc d’abord leur redonner confiance pour les remettre dans une dynamique de réussite. Ensuite, nous faisons du sur-mesure en individualisant au maximum les enseignements, en partant de là où ils en sont et en utilisant des pédagogies innovantes. Notre école est là pour leur permettre de rebondir et de se réinsérer dans le monde du travail. On les aide à définir un projet professionnel réaliste et réalisable, en leur proposant une remise à niveau, et en leur offrant l’opportunité de faire des stages au sein des entreprises locales avec lesquelles nous travaillons. Nous prenons en compte leur difficultés sociales. »

En effet, selon l’INSEE, « sortir du système scolaire avant 17 ans constitue l’une des causes les plus associées au risque élevé de pauvreté, que celles ci soit transitoire, récurrente ou persistante ».

Sans domicile et sans papiers

Aussi, au sein de l’E2C BMA, les stagiaires bénéficient du soutien de Véronique Courdille, leur accompagnatrice sociale :

« Au-delà des problématiques de diplômes et de formations, nos stagiaires connaissent de nombreux autres freins dans leur recherche d’emploi. Beaucoup vivent seuls, ou sont mal accompagnés. Certains n’ont pas de logement. D’autres n’ont pas de papiers. Mon rôle est de les aider à trouver des centres d’hébergement, par exemple, ou à faire les démarches pour obtenir un permis de séjour. »

La région leur verse également une rémunération mensuelle, d’environ 300 euros, pour les aider à se remettre d’aplomb. A condition qu’ils soient assidus : pour chaque absence non excusée, une partie de cette aide (calculée au prorata du nombre de jours manqués) leur est retirée.

Depuis 2014, une centaine de jeunes est passée, chaque année, sur les bancs de cette école pas comme les autres. Pour un taux de réussite de 52 % :

« Nous avons un suivi post parcours, indique Audrey-Anne Goyard, qui nous permet de savoir ce que deviennent nos stagiaires une fois sortis de l’école. En 2015, 52% d’entre eux avaient un emploi (en CDD, en alternance, mais aussi en CDI) ou une formation quand ils sont partis. »

Un dispositif à l’efficacité reconnue

Fatima fait partie de ces 52% de sortie positive. Forte de son CDI de négociatrice dans l’immobilier dans une grande agence bordelaise, la jeune femme de 26 ans fait figure d’ancienne et de modèle. En 2014, quand elle entrait à l’E2C BMA, alors juste ouverte, elle n’imaginait même pas pouvoir travailler dans ce secteur :

« J’étais complètement paumée, je pensais vraiment que ce n’était pas pour moi, raconte la jeune femme. J’avais arrêté l’école en première pour me marier et quitter le domicile familial, ensuite j’ai eu une petite fille. Sans l’école de la deuxième chance, je ne serais pas devenue ce que je suis devenue. »

Dans un rapport d’octobre 2016 , la Cour des Comptes reconnaît d’ailleurs l’efficacité des « dispositifs de deuxième chance », et préconise de « redéployer progressivement les crédits budgétaires des contrats aidés (…) vers les dispositifs d’accompagnement les plus intensifs, comme la Garantie jeunes ou les dispositifs de deuxième chance, ainsi que vers les formations en alternance ».

D’ailleurs, comme l’annonce Alain Rousset, qui voit dans ces structures « l’idée de persévérance défendue par les Québécois », d’autres écoles de la deuxième chance devraient voir le jour dans la région, à Bergerac (24) et Lacq (64). Avec un taux de chômage des 15-24 ans presque trois fois supérieur à celui de la population globale en Aquitaine (24,7% en 2014 selon l’INSEE, contre 9,6 % pour la population globale ), la question du travail des plus jeunes est effectivement un sujet majeur.


#décrochage scolaire

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