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Comment les végans font bonne chère à Bordeaux

Nicolas est végan depuis 5 ans. Il nous raconte pourquoi il a fait ce choix et comment celui-ci se vit au quotidien à Bordeaux, où il paraît que l’on est de plus en plus « végan friendly ». Un portrait et quelques bons plans.

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Comment les végans font bonne chère à Bordeaux

Nicolas a 27 ans. Il est musicologue et compositeur, et végan depuis 5 ans. « Végan militant », précise-t-il. Membre d’Acta (une association bordelaise qui milite pour l’abolition de toute forme d’exploitation animale) et bénévole à L214, (association de défense des animaux connue, notamment, pour ses vidéos tournées dans des abattoirs), il refuse radicalement toute forme d’exploitation animale.

Il a par exemple participé à la Nuit debout des abattoirs en septembre dernier, une initiative lancée par l’association antispéciste 269 Life Libération Animale. Avec plusieurs dizaines d’autres militants végans, Nicolas s’est rendu devant l’abattoir de volailles de Bazas pour une veillée nocturne silencieuse bougies à la main. Face à eux, des éleveurs du Lot-et-Garonne, qui avait répondu à l’appel de la Coordination rurale 47, organisaient une contre-manif avec grillade de ventrèches et saucisses et un slogan « Pour sauver un paysan, mangez un végan ». « Ils nous ont même lancé quelques ventrèches dessus », raconte Nicolas.

Le 26 septembre, durant la Nuit debout des Abattoirs, à Bazas (DR).

Si ce genre d’hostilités l’attriste, elles ne font paradoxalement que renforcer ces convictions. Celles-ci remontent à sa période de cohabitation avec sa sœur aînée, végane depuis ses 18 ans et végétarienne depuis ses 4 ans, à Paris, en 2011.

« Notre père était éleveur et quand ma sœur a compris que ce qu’elle avait dans son assiette était en fait le veau qu’elle caressait la veille, elle a tout simplement refuser de continuer à manger de la viande », se rappelle Nicolas.

Tout petit à cette époque, Nicolas croit se souvenir que la décision de sa sœur a été relativement bien prise et acceptée par ses parents. Mais quoi qu’il en soit, l’enfance et l’adolescence de Nicolas se place, pour lui, sous le signe d’un régime omnivore qu’il ne conteste pas.

Le début des doutes à Paris

A Paris, alors qu’il a tout juste 20 ans, sa sœur tente de l’initier et l’entraîne dans une grande tournée des restos végans. A l’époque, il s’en ouvrait plein. Nicolas la suit, par curiosité.

« A cette époque, je n’étais absolument pas dans une optique végan, ni même végétarienne : je buvais du lait tous les matins, j’étais à fond viande, du genre à en manger midi et soir, et à rajouter un œuf cru sur mes pâtes à la carbonara. »

Face à sa sœur, il passe en revue tous les arguments anti-végan, qu’il connaît bien aujourd’hui pour les entendre souvent  :

« Je lui disais, mais si les vaches ont trop de lait, elles ont mal alors il vaut mieux les traire… Mais ma sœur avait toujours une réponse. Elle m’expliquait que si les vaches avaient du lait c’est parce qu’elles venaient d’avoir un veau, veau qu’on leur avait enlevé pour l’amener à l’abattoir. Pourtant je n’en démordais pas, je trouvais qu’elle exagérait. »

Sa sœur lui fait également découvrir les vidéos – aujourd’hui célèbres – de l’association L 214. Là, l’impact est plus fort, se souvient Nicolas. Il commence même à se poser pas mal de questions. Jusqu’à se mettre à réduire sa consommation de viande.

« Mais je continuais à m’acheter sur un coup de tête des cailles farcies au fois gras ! »

Nicolas et sa compagne Roxane, à un stand d’ACTA au Cinéma Le Festival à Bègles (AC/Rue89 Bordeaux)

La fin de la chair animale à Bordeaux

En 2012, il s’installe à Bordeaux avec Roxane, sa compagne, qui devient alors végétarienne. Et en juin 2013, Nicolas franchit lui aussi le pas. Finie la chair animale.

« J’avais pris ma décision, je ne voulais plus cautionner un système qui tue et fait souffrir des animaux. »

Trois semaines de végétarisme plus tard, Nicolas et sa compagne décident de passer à une alimentation végétalienne, c’est-à-dire excluant tout produit d’origine animal : lait, fromage, œufs, etc.

« En fait, après avoir arrêté la viande, nous avons très vite compris que boire du lait ou manger des œufs posaient aussi des questions éthiques. Il suffit de regarder les vidéos de L214 pour comprendre que la production d’œufs est une horreur. »

Et du végétalisme, le jeune couple arrive très vite à la case véganisme :

« Être végan ça signifie refuser toute consommation de produits d’origine d’animal, donc pas de viande, de lait mais pas non plus de cuir, ni de laine, ni de miel. Le véganisme c’est politique, c’est un mode de vie. »

Seule exception : les médicaments qui peuvent être testés sur des animaux :

« Dans ce domaine, c’est dur de trouver d’autres options efficaces, alors quand il le faut, je prends les médocs que me prescrit mon médecin. C’est la seule dérogation à ma règle de vie végan. »

Les alternatives

Un mode de vie auquel Nicolas s’est très vite habitué.

« A part les premières semaines, où il faut trouver ses marques, être végan ça ne prend pas de temps, il faut juste trouver un nouveau mode de fonctionnement, après c’est mécanique. »

Parfois, une odeur de barbecue venait encore lui chatouiller les narines et lui rappeler « sa vie d’omnivore » :

« Mais au final, si l’odeur réveillait en moi le goût de la viande, ça me rappelait aussi et surtout toutes les vidéos sur les abattoirs. »

Et très vite, il trouve plein d’alternatives pour ses menus quotidiens, où les pâtes, les légumes et quelques protéines de soja occupent la première place.

Adepte du bol de céréales avec du lait le matin, il remplace d’abord le lait de vache par du lait de soja. « Mais vraiment, le lait de soja, c’est pas ça. » Il teste alors le lait d’avoine et de riz et y trouve son compte : « Le lait de riz c’est vraiment mon préféré. » Et la question du prix n’est pas un problème puisque les laits végétaux ne sont pas – beaucoup – plus chers que le lait de vache.

A la place du beurre, la margarine sans lait, qu’il trouve dans les magasins bio ou en grande surface lui convient parfaitement. Et il trouve aussi dans les grandes surfaces et même chez certains discount des produits tout prêts, très bon. Côté santé, il prend un peu de vitamine B12 ( la seule vitamine présente uniquement dans des produits d’origine animale). Il a aussi, au début de sa vie végane, voulu se confier à son médecin :

« Oui, je flippais en fait un peu, avec tout ce qu’on peut lire sur internet, sur le mode « attention en devenant végan, nos os vont se dessécher ». »

Dans la cuisine de Nicolas (AC/Rue89 Bordeaux)

Il en rit aujourd’hui, d’autant que son médecin à l’annonce de son véganisme lui a demandé : « Ah et vous vous sentez mal ? » « Je lui ai répondu non, et là il m’a dit alors pas de problème ! »

Incompris

Nicolas s’amuse aussi de tous les témoignages de personnes devenues véganes qui prétendent mieux dormir, être moins malade ou avoir moins d’allergie.

« Physiquement, je n’ai vraiment senti aucune effet, c’est psychologiquement que ça se joue. Je me sentais enfin en phase avec moi-même. »

Bref, sa vie de végan se passe bien. Seul bémol, le sentiment encore de passer encore trop souvent pour « un terroriste, un taliban, quelqu’un de sectaire et d’autres trucs de cette veine ». Et de manière général d’être souvent incompris.

« A Paris, récemment, on m’a rit au nez dans une boulangerie quand j’ai demandé s’ils avaient des choses sans lait, sans œufs et sans miel : « Haha, mais alors il reste quoi ? », m’a demandé la boulangère…».

Pour ce qui est des relations sociales, Nicolas le concède, il a eu une période difficile où il sortait de moins en moins :

« J’avais du mal, d’un côté parce que participer à des soirées barbecues ou en tout cas non véganes me mettait personnellement mal à l’aise, et de l’autre parce que mes amis pouvaient parfois me blesser en me répétant sans cesse « ça te gêne si je mange ma brochette ou autre truc carné devant toi », d’une manière un peu lourde ».

Aujourd’hui, il gère mieux, même s’il appréhende les fêtes de fin d’année et leur cortège de repas en famille qui se profilent.

Bordeaux, une ville végan friendly

La vie est-elle plus facile pour un végan à Bordeaux ? Selon le site de comparateurs de voyages Holidu, Bordeaux se place en 2e position des villes « végan friendly », juste derrière Paris, avec 49 restaurants proposant au moins une alternative végétalienne. Ce classement amuse pas mal de végans bordelais.

« Bordeaux, vegan-friendly, c’est un grand mot, soupire Nicolas. On trouve de quoi se nourrir facilement, mais l’offre végane reste quand même limité. »

En mars 2017, il accueille avec bonheur l’ouverture de Végan Eco, la première boutique de produits 100% végans bordelaise. Elle propose notamment des fromages végétaux qu’il ne trouve nulle part ailleurs à Bordeaux. Mais la boutique ferme en mai 2017, pour raisons personnelles.

« C’est vraiment dommage, parce que c’était quand même pratique, mais je crois savoir qu’une autre boutique 100% végane doit bientôt ouvrir à Bordeaux. »

En effet : en janvier 2018, le magasin Un jour vert, 100% végan ouvrira dans l’hyper-centre (à proximité de la place Pey Berland). Son fondateur, Wilhelm, a réussi à obtenir les financements. Et se lance confiant :

« A partir du moment où les grands groupes industriels développent des marques véganes, c’est qu’il y a une demande. »

Le Veggie World à Bordeaux

Autre signe que le véganisme est à la mode, en mai 2018, le salon Veggie World se tiendra aussi pour la première fois à Bordeaux, au Hangar 14.

« C’est vrai, depuis 2/3 ans, on voit bien que le phénomène végan prend de l’ampleur, note Emilie Ferreria, ambassadrice du site Vegoresto et référente L214 à Bordeaux. Avec Vegoresto, on référence de plus en plus de restaurants qui proposent chaque jour une alternative complète végane (aujourd’hui, le site recense 22 resto sur les 1657 que comptent la capitale girondine, NDLR). Mais sortir pour manger végan est encore compliqué le soir et le weekend à Bordeaux. »

Et surtout, la trentenaire devenue végane il y a 5 ans constate que si la communauté végane grandit, « c’est surtout le nombre de gens qui choisissent de manger moins de viande sans pour autant y renoncer complètement qui augmente ». Preuve, selon elle, que l’opinion publique est de plus en plus sensible à cette question. « C’est une bonne chose ! » Elle espère d’ailleurs que la conférence organisée samedi 2 décembre, par le comité bordelais de l’association L214 sur le thème « Véganisme : toutes les réponses à vos questions » sera un succès.


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