Il est un peu plus de 15 heures lorsque l’Hermione franchit le pont Chaban-Delmas et entre dans le port de la Lune. Le contraste entre le pont-levant moderne et l’historique frégate à la coque jaune et bleue est saisissant. Attroupés le long des quais, les curieux sont venus en nombre pour accueillir l’équipage. Au son des coups de canons, la foule applaudit et salue les matelots hissés tout en haut du mât principal.
Après le succès de son édition 2015, tournée vers les Amériques, l’association Hermione-La Fayette, à l’origine du projet, a proposé à l’Organisation internationale pour la Francophonie (OIF) de se joindre au voyage.
Pour son périple 2018, qui mène la frégate de l’Atlantique à la Méditerranée, l’Hermione a accueilli parmi ces rangs de volontaires – des gabiers – 100 jeunes issus de la Francophonie, ambassadeurs du mouvement citoyen Libres Ensemble. Ils viennent s’ajouter au 15 marins professionnels et 350 gabiers de l’équipage, qui se relaient à chaque étape du voyage.
Raphaella, 32 ans, journaliste et chroniqueuse bordelaise, en fait partie.
« Je navigue depuis toute petite sur la rade de Brest, où une partie de ma famille vit. J’allais aux Tonnerres de Brest, une fête maritime qui réunit tous les vieux voiliers du monde. C’était un rêve de naviguer sur ce genre de bateau. »
En 2015, l’Hermione clôture son périple outre-Atlantique à Brest. La jeune femme contacte l’association, dépose sa candidature, et attend pendant « longtemps » un retour. Un jour, ils la rappellent. Raphaella embarque alors pour 10 jours à bord du majestueux voilier, du nord de la Corse à la pointe sud du Portugal.
La vie à bord d’un voilier du XVIIIe siècle
Avant le grand départ en mer, préparation oblige pour les nouveaux gabiers. Durant une semaine, les volontaires sont mis en situation réel, sur le bateau, en communauté.
« Il faut savoir écouter les ordres et les retenir pour ne pas faire de bêtise ensuite. On évalue notre état d’esprit, notre capacité à cohabiter, notre motivation, et puis la grimpe aussi : il ne faut pas avoir le vertige. »
Le grand mât principal de 54 mètres au-dessus de la quille peut en effet en dissuader plus d’un.
L’équipage est divisé en trois groupes appelés « tiers » – tribord, milieu et bâbord –, qui assurent des services en quart : 4 heures de travail, 8 heures de repos. Les gabiers participent à toutes les activités à bord : la manœuvre des voiles, la barre, la veille extérieure, les rondes incendies, l’aide à la cuisine… À quai, ils aident à l’accueil du public. Lorsque que le premier tiers est en service, le second vient en renfort si nécessaire, pendant que le dernier dispose d’un temps libre.
Toujours répartis en tiers, les volontaires logent dans des dortoirs mixtes, en couchette ou hamac. La promiscuité et le manque d’intimité ne semblent pas poser problème :
« On vit très bien ensemble. On est tellement préoccupés et fiers du bateau, c’est quelque chose en commun qui nous dépasse. Il y a une relation très bonne enfant entre les gabiers, c’est une grande famille. »
Raphaella, qui accueille aujourd’hui l’Hermione depuis le quai, se réjouit de « revoir ses amis », des têtes qu’elle connaît bien, y compris de ceux qui ne faisaient pas partie de son tiers. « Ce sont des gens qu’on a côtoyé pendant 10 jours, 24 heures sur 24 », forcément, ça crée des liens.
L’apprentissage du gréement, de la manœuvre, du matelotage et de la sécurité, se fait en mer. Les marins professionnels encadrent les volontaires. « Ils ont beaucoup, beaucoup de patience » déclare Raphaella, en insistant bien sur le second adverbe. « Ils m’ont énormément appris », précise la Bordelaise, qui n’est pourtant pas novice en la matière. Toutefois, la connaissance du nautisme ne constitue pas un critère de sélection pour rejoindre l’équipage, certains gabiers étant de parfaits débutants.
Retour sur la terre ferme
L’Hermione a quitté son port d’attache de Rochefort, le 30 janvier 2018. Durant six mois, elle a sillonné l’Atlantique et la Méditerranée, faisant escale dans douze villes, en France, en Espagne, au Maroc et au Portugal. De passage à Bordeaux pour une semaine, le navire rentrera ensuite à Rochefort, le 17 juin.
« On pense qu’après le voyage c’est fini, mais ce n’est pas vrai. Un bateau comme ça demande de l’entretien constamment. C’est un travail énorme : goudronner les cordages, réparer les pièces de bois, entretenir les voiles… Un travail de titan. »
Quand à Raphaella, elle se projette déjà dans l’avenir. Elle souhaite rejoindre bénévolement le chantier de Rochefort, et surtout repartir au plus vite pour un nouveau périple à bord de la frégate.
L’arrivée de l’Hermione est un avant-goût de ce qui attend les Bordelais le 14 juin : à l’occasion de l’ouverture de la Fête du Vin, le port de la lune accueillera l’arrivée d’une course de grands voiliers en provenance de Liverpool, la Tall Ships Regatta.
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