Les comptes sont toujours dans le rouge pour SBA (stade Bordeaux Atlantique), l’exploitant du Matmut. Pour la troisième année de suite, le consortium, filiale de Vinci et Fayat, affiche un déficit d’un peu plus de 3,3 millions d’euros.
Celui-ci se creuse légèrement par rapport à 2016, et il est surtout « bien au-delà des prévisions » – SBA espérait pour son troisième exercice un déficit de 1,2 million d’euros -, relève le rapport annuel débattu (sans vote) ce vendredi en conseil de Bordeaux Métropole.
Cela n’a pour l’instant pas d’incidence pour la collectivité. Le partenariat public-privé conclu en 2011 avec le consortium pour la construction et l’exploitation du nouveau stade, verrouille en effet les redevances versées par la métropole à SBA – 9,3 millions d’euros, essentiellement consacrées à l’entretien -, mais aussi les recettes garanties par la société – 4,5 millions.
Stade à moitié plein
Elles ne sont pas indexées sur les résultats des Girondins, qui paye à la métropole un loyer de 3,8 millions d’euros par an pour jouer au Matmut. Cette somme était au cœur des négociations entre Bordeaux Métropole et le nouveau propriétaire, l’américain GACP, qui s’est engagé, comme l’avait fait M6, à assumer ce loyer, même en cas de relégation du club.
En revanche, les performances sportives actuelles de l’équipe influent sur le remplissage médiocre du nouveau stade, et donc sur son chiffre d’affaires. Comme le souligne Pierre Hurmic, l’affluence moyenne a été de 22650 spectateurs, soit un taux de fréquentation de 54%, « alors que tous les grands stades construits comme celui de Bordeaux pour l’Euro 2016 sont au delà de 60% ».
Avec seulement deux concerts en 2017 (si celui de Céline Dion était complet, l’affluence des Vieilles Canailles a provoqué une perte), et plus qu’un seul match de rugby de l’UBB par saison, SBA ne parvient pas à rattraper son erreur initiale, pointée par Alain Juppé :
« Notre partenaire du PPP s’est trompé. Il tablait sur 4 millions d’euros de recette de naming (la vente du nom du stade, NDLR), il n’en a eu que deux. Il s’attendait à un déficit de 1,2 millions, celui-ci est de 2 millions de plus. C’est de la responsabilité de SBA, il n’est pas question pour Bordeaux de s’engager dans je ne sais quelle négociation. »
De la bombe, baby
C’est pourtant le souhait de SBA, auquel le maire a déjà adressé une fin de non recevoir. Une clause de revoyure prévoit toutefois des négociations tous les 5 ans, donc en 2020,
« A t-on l’assurance que Vinci et Fayat vont continuer à combler un puits sans fond pendant les 25 années restantes ? Et si non, que se passerait-il si SBA déposait le bilan ? », interroge l’élue socialiste Emmanuelle Ajon, qui voit là une « bombe à retardement » et demande un audit.
« Chacun chez soi, ce n’est pas notre rôle d’aller expliquer aux gestionnaires de SBA comment faire leur travail », répond Nicolas Florian, adjoint au maire e Bordeaux en charge des finances.
« Si SBA dépose le bilan, nous irons au tribunal pour exiger que la société respecte ses engagements », affirme Alain Juppé.
Mais personne ne croit vraiment à cette hypothèse.
« Je n’envisage pas un seul instant que deux des principaux acteurs français du bâtiment viennent nous dire qu’ils ne savent pas faire », résume Nicolas Florian.
Service compris
D’autant que même déficitaire, Vinci et Fayat auraient beaucoup à perdre, comme Pierre Hurmic le fait remarquer :
« J’ai été sidéré de voir que la plupart des dépenses de SBA vont à des prestataires qui sont des filiales de Vinci et Fayat : 338000 euros de maintenance sous-traitée à Vinci énergie, 245000 euros de frais d’assistance à Vinci Stadium et Fayat, contrat d’assurance responsabilité e 101000 euros conclu avec Vinci, pourtant pas spécialement connu pour son activité dans ce secteur… Au total on arrive à près de 3 millions d’euros versées à ces filiales appelées à combler le déficit de SBA, et donc grandes bénéficiaires de son activité d’exploitation.
« On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ! », conclut l’élu écologiste.
Remarque juste, quoiqu’un peu « naïve », répond Alain Juppé.
« C’est classique, tout le monde fait ça, renchérit Patrick Bobet, vice-président de la métropole en charge des finances. C’est plus efficace car les services connaissent le dossier. Ils ont gagné de l’argent en construisant le stade et en alimentant leurs filiales, je vois mal comment ils pourraient partir. »
Pour remplir les caisses de SBA et des Girondins, Alain Juppé soumet alors une idée de génie :
« Le futur président du club, Frédéric Longuépée, évoque une difficulté très claire : les gens ne vont pas au stade car ils mettent 1h30 pour rentrer chez eux, cela bloque quand tout le monde part en même temps. Une des solutions serait d’inciter le public à rester dans le stade, il faudrait qu’il y ait des activités sympas. Or il paraît qu’il n’y a plus un verre de bière à partir de la mi-temps ! »
La pression a vraiment changé de camp.
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