C’est une banale annonce de recrutement publiée sur la page de l’ordre des architectes de la Nouvelle-Aquitaine. Une « jeune agence d’architectes, recrute, en CDD ou en CDI selon compétences, un dessinateur projeteur Autocad / collaborateur d’architecte de formation, et passionné par son métier » avec « possibilité de faire carrière dans l’entreprise ».
L’agence se situe à Bordeaux, rue des Queyries. Omar Helwani repère l’annonce le 28 février sur architectes.org. Contacté par Rue89 Bordeaux, il raconte :
« J’ai envoyé ma candidature le jour même et j’ai reçu la réponse ce matin. » C’est-à-dire le 1er mars 2019.
La réponse est cinglante :
« Bonjour. Vous n’avez pas d’expérience, et nous recherchons des personnes productives et expérimentées (au moins 5 ans) sur Autocad Architecture 2015. Quant au fait que vous ayez quitté votre pays parce qu’il était en guerre, il eut mieux valu ne pas être lâche et rester pour le défendre. Bonne continuation »
Hacker chinois
En effet, le jeune architecte syrien de 28 ans, à Bordeaux depuis 2018, explique dans sa lettre, et dans un français peu maitrisé :
« Monsieur, Madam [sic]. Je suis architecte, je porte à votre connaissance monsieur que J’ai commencé mes études en architecture en Syrie en 2009, et à cause de la guerre, j’ai du continuer mes études en Jordanie où j’ai été finalement diplômé en 2016 (Licence d’architecture bac+5). »
Sur sa page Facebook, le journaliste Taha Bouhafs (à qui on doit les images d’Alexandre Benalla place de la Contrescarpe, le 1er mai), dit avoir contacté le gérant de la société après avoir pris connaissance de la réponse de l’agence :
« Il me répond tout paniqué que des hackers chinois ont piraté la boîte mail de la société pour répondre à la candidature de ce jeune homme. »
« Honte à vous »
Le jeune syrien est arrivé à Lyon, en provenance de la Turquie, avec un visa étudiant en 2016. Il est venu à Bordeaux en septembre 2018, date à laquelle son frère l’a rejoint. Il a demandé l’asile politique et a obtenu un titre de séjour d’une durée de dix ans.
Par ailleurs, il dit être né sur le territoire français en 1990. Via son compte twitter, il a répondu à l’agence :
« Honte à vous. J’ai demandé un emploi, juste ça. Vous ne savez pas ce qui m’est arrivé jusqu’à ce que je sors [sic] de mon pays. Mon père est un prisonnier politique. Ma mère est morte là-bas sans pouvoir la voir pour la dernière fois. »
Omar Helwani assure à Rue89 Bordeaux utiliser le logiciel requis depuis 2010 et être parfaitement à la hauteur de cette proposition. Mais celle-ci, et pour d’autres raisons obscures, ne semble pas lui être promise. Un cas qui a tout d’une discrimination à l’embauche.
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