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A Bordeaux, l’arbre qui cache le Palais Rohan

Ce jeudi, un dispositif d’ilot de fraîcheur provisoire est inauguré place Pey Berland. C’est le premier acte d’une politique lancée par Nicolas Florian visant à verdir « le patrimoine minéral » de la ville de Bordeaux. Ce que l’opposition qualifie de « manœuvre électorale » souligne la place de l’arbre au cœur des prochaines élections municipales.

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A Bordeaux, l’arbre qui cache le Palais Rohan

C’est bien connu, pour gagner une élection, les candidats font feu de tout bois. Pour les municipales à Bordeaux, c’est la question de la place de l’arbre en ville qui se retrouve au centre des débats. Les temps étant à l’urgence climatique, les candidats la jouent nature et ne supportent pas que l’herbe soit plus verte ailleurs.

En avant-poste, l’actuel maire de Bordeaux est le premier à semer les graines d’une politique qu’il voudrait écolo. Non seulement Nicolas Florian abat une première carte avec son « plan Canopée » visant à planter plus d’arbres d’ici 2025, mais il annonce dans la foulée la création d’un « comité de l’arbre » et invite les associations, les chercheurs et les élus à le rejoindre.

En attendant, comme preuve de bonne foi, il inaugure ce jeudi « l’ombrière » place Pey Berland ; un îlot de fraîcheur provisoire qui s’étend sur 800 m2.

Ces initiatives votées lors du dernier conseil municipal avant l’été le 8 juillet, n’ont pas manqué de faire réagir l’opposition et les prétendants au Palais Rohan.

« Pragmatique et moins idéaliste »

Quelques minutes avant le conseil déjà, la couleur était annoncée par une trentaine de manifestants devant l’Hôtel de ville venus dénoncer les abattages des arbres. Tous des fidèles des 17 marronniers de Gambetta finalement abattus, ils sont également remontés contre l’abattage d’arbres au Jardin public pour des raisons sécuritaires et de platanes à la cité administrative pour mieux conduire un chantier de désamiantage.

« Vous nous faites scier » scandaient les manifestants avant que Pierre Hurmic, conseiller municipal EELV, prenne la parole :

« Cessons de considérer les arbres comme du mobilier urbain. Nous demandons à la majorité municipale de prendre la bonne route qui est de faire de la végétalisation en ville un des atouts fondamentaux. »

Le candidat pressenti des Verts à l’élection municipale est sur le point de présenter avec son groupe un vœu qui concerne la place de l’arbre en ville. Il sait déjà que la majorité va présenter un contre-vœu. A la conférence de presse avant le conseil, Nicolas Florian avait reconnu que dans le texte des Verts « beaucoup d’éléments correspondent à [ses] attentes » mais que sa « vision des choses était pragmatique et moins idéaliste ».  

Rassemblement devant la mairie le lundi 8 juillet (WS/Rue89 Bordeaux)

« Nous ne sommes pas une boite à outils »

La réaction de Pierre Hurmic tombe en entrant au conseil. Interrogé par Rue89 Bordeaux, il rétorque que « la ficelle est un peu grosse » et rappelle qu’ « en septembre, Nicolas Florian va rentrer en campagne électorale ». « Qu’il ne compte pas sur nous pour écrire son programme », martèle l’élu :

« Ils n’ont manifestement aucune idée, ils auront pris 90% de nos idées pour nous proposer une autre motion dans laquelle ils ont retiré tout ce qui est prescriptif. Je vais leur demander des signes de sincérité : la fin du projet Michelin pour la Jallère et l’abandon du grand contournement de Bordeaux annoncé à Limoges. […] Ça ne me dérange pas qu’ils soient convertis récents, je leur demande d’être convertis sincères. »

« Nous ne sommes pas des convertis, nous sommes des convaincus » lui répond plus tard Nicolas Florian dans les débats enflammés du conseil municipal.

« Nous mesurons le défi à relever pour l’avenir mais nous sommes moins apocalyptiques, ajoute le maire. Dans notre texte, nous réaffirmons que la nature est au cœur de notre politique […] Mais on ne peut pas décider de sanctuariser tous les arbres, il y a des raisons phytosanitaires qui nous imposent l’abattage de certains arbres. »

Consciente cependant de l’impact désastreux de l’abattage des arbres sur l’opinion des Bordelais, pour des raisons phytosanitaires ou pas, la majorité municipale annonce sa volonté d’ « accélérer la dynamique d’arborisation de Bordeaux ». Nicolas Florian, qui évoque un « patrimoine minéral » pour la ville de Bordeaux, entend ainsi occuper un terrain moyennement entretenu par son prédécesseur. 

12% de patrimoine arboré

Le plan Canopée vise ainsi à planter 3000 arbres par an (contre 1000 aujourd’hui) pour atteindre les 20 000 arbres plantés d’ici 2025. Il comprend par ailleurs des actions qui sanctionneront le « non-respect par les professionnels de la réglementation relative à la protection des arbres » (sanctions déjà en place et qui ont apporté 40000€ l’an dernier selon la mairie) et à développer « la pédagogie et la communication préalable autour des enjeux patrimoniaux des arbres et sur les motifs des suppressions ».

Le plan évoque par ailleurs des études « de plantations pérennes à Pey Berland, Saint-Projet, Ravezies, allées Serr ou rue Sainte-Catherine ». Pour la place Pey Berland par exemple, une étude a été demandée à l’agence d’architecture King Kong, responsable de l’aménagement initial de la place. En attendant, celle-ci devra se contenter d’une « ombrière » : une installation d’arbres en pot et de toiles tendues pour trois mois. Le coût de l’opération avoisine les 90000€.

Une solution « ridicule » pour Matthieu Rouveyre qui souligne que la ville est « moins verte que la moyenne nationale » avec pour source le bilan dressé par nosvillesvertes.fr. Le site internet révèle que le pourcentage de patrimoine arboré de Bordeaux est de 12% et que la surface par habitant est de 19 m2.

Le conseiller municipal socialiste invite par ailleurs à considérer « le réchauffement climatique comme point de départ de toutes les autres politiques ».

« La destruction des arbres se fait en catimini, sans concertation. La ville est minéralisée et quelle est la solution du maire de Bordeaux, c’est de mettre des arbres en pots ! »

Nicolas Florian devant les arbres en pot place Pey Berland, entouré de Magali Fronzes (adjointe au maire chargée de la nature en ville et des espaces verts) et Anne Walryck (adjointe au maire chargée du défi climatique, de la transition écologique) (WS/Rue89 Bordeaux)

En marche arrière ?

Tout naturellement, l’ex-socialiste Vincent Feltesse partage la position de son ancien camarade et cite le bilan de l’Observatoire des villes vertes qui affiche cependant Bordeaux cinquième dans la liste des villes investies dans le développement et l’amélioration de leur patrimoine végétal. L’ancien candidat à la mairie en 2014, et certainement futur candidat en 2020, promet des propositions « dans quelques mois ».

Dans quelques mois aussi, on connaîtra les propositions de Thomas Cazenave, le candidat déclaré LREM. En attendant, il demande à « mettre les paroles en concordance avec les actes » :

« J’entends les déclarations sur la place de l’arbre dans la ville, précise-t-il à Rue89 Bordeaux. Mais aujourd’hui quel est le constat ? La place de l’arbre est deux fois moins importante à Bordeaux que dans les 5 plus grandes ville françaises. On a un vrai déficit. La prise de conscience peut être tardive, mais regardez les opérations les plus récentes : la place Nansouty a été refaite, elle est très minérale malgré les quelques arbres ; la place André-Meunier est très désertique… »

En écho à Nicolas Florian qui concède que « la piétonisation a développé l’artificialisation », le Bordelais du parti présidentiel va jusqu’à préconiser de « désartificialiser les sols en enlevant du bitume et des pavés ». Après des années d’aménagement, une marche arrière s’impose donc selon le candidat marcheur.


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