La Fédération française des cinémas français (FFCF) a interpellé ce jeudi 14 mai le Centre national du cinéma (CNC) sur les séances de drive-in programmées dans plusieurs villes de France, à commencer par Bordeaux, mais aussi plus généralement sur les séances en plein air.
Comme le rapporte Le Film Français, la fédération regrette « les dégâts médiatiques et économiques que provoqueront ces manifestations qui détournent les spectateurs, les médias, l’administration locale et nationale du seul combat à mener : la réouverture des salles ».
Une « expérimentation »
Cette union de syndicats professionnels de propriétaires et exploitants de salles de cinéma, souligne surtout le fait que « les conditions sanitaires imposées à notre pays doivent amener le CNC à n’autoriser aucune de ces manifestations ». Elle relève l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes et l’impossibilité de garantir les règles de distanciation physique pour un public libre de ses déplacements sans que l’organisateur ne puisse jamais le contrôler.
Interrogée par Rue89 Bordeaux ce vendredi, la préfecture de Gironde, précise que l’autorisation a été donné à un dossier déposé « à l’initiative de la mairie de Bordeaux » :
« Tel que le dossier a été présenté, les mesures d’hygiène, les mesures barrières et de distanciation physique seront respectées. Nous partons sur une expérimentation, et vérifierons le premier soir si ces mesures sont respectées, avec prolongation si c’est le cas. »
Joint par Rue89 Bordeaux, le CNC n’a pas donné suite à l’heure où nous publions cet article.
Voiture toujours
Le Drive-in prévu du 16 au 25 mai à Bordeaux soulève auprès des acteurs culturels locaux du secteur quelques critiques. Si Stephen Bonato de L’Utopia n’y voit pas une concurrence déloyale, il s’interroge sur le modèle ainsi défendu :
« Il y a déjà une trentaine de séances en plein air dans la région bordelaise chaque été. Cette opération ne nous fera en principe pas plus de mal. Mais ce qu’on déplore, c’est le message. Un drive-in, c’est d’un autre temps. L’idée d’utiliser la voiture en centre-ville pour aller au cinéma est une aberration. Ce que L’Utopia défend, c’est d’éviter d’utiliser la voiture. »
D’un autre temps, « d’un autre âge », ou plutôt « à l’ancienne », c’est aussi ce que déplore Vélo-cités dans une publication ce vendredi :
« A l’heure donc où le monde de la culture se transforme avec son époque, à l’heure où on aménage l’espace public face à la crise, à l’heure ou l’on apprend à faire disparaître les voitures des centres-villes au profit des habitants et de la qualité de l’air, cette proposition culturelle apparaît d’un autre âge : un déni de réalité, un bond en arrière, une triste anachronie. »
L’association qui, comme son nom l’indique, prône l’utilisation du vélo en ville et milite pour la création d’aménagements adéquats, s’interroge de la finalité de cette opération qui veut « faire porter la responsabilité indirecte de cette mesure polluante et inconséquente aux cinémas indépendants ».
En effet, l’association « Drive In Festival », fondée par le producteur de films Mathieu Robinet en réaction à la crise sanitaire, avance que l’intégralité des bénéfices seront reversés aux salles et distributeurs « en difficulté », via la plateforme Hello Asso.
Acteurs ou figurants
« Si l’intention était si louable, il aurait été plus judicieux que les acteurs soient concernés » résume Pauline Reiffers, cofondatrice du Festival international du cinéma indépendant de Bordeaux.
« On nous a demandé d’annuler nos projets de cinéma en plein air, comme les Ciné-pétanques initialement prévus cet été à Cenon, Lormont et Ambarès, et on nous sort ça du chapeau. »
Le manque de concertation avec les acteurs locaux est également relevé par Camille Choplin, numéro deux de la liste Bordeaux Respire ! menée par l’écologiste Pierre Hurmic. Dans un post Facebook, elle constate le « peu de contacts » pris dans le milieu culturel et regrette « une occasion ratée de soutenir des structures en difficultés et pourtant plein d’idées ».
Drive In Festival ne semble pas avoir convaincu tout le monde, bien que l’association souligne dans son communiqué de presse que son initiative « s’arrêtera dès la réouverture des salles ». Elle reconnait par ailleurs que « promouvoir l’usage de la voiture n’est pas la meilleure façon d’aborder le “monde d’après”, allant jusqu’à s’engager à « calculer l’empreinte carbone [des] événements, et à la compenser par un reversement à une association de défense de l’environnement ».
Il va en tous cas falloir s’habituer à voir des voitures places des Quinconces, qui servira également de parking géant tous les week-ends pour soutenir les commerces du centre-ville.
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