« Le virus est partout à Bordeaux, plus ou moins présent et concentré, a justifié ce vendredi le professeur Patrick Dehail, conseiller médical de l’ARS (agence régionale de santé). Des mesures s’imposent pour essayer de limiter cette progression et contenir cette augmentation ».
La préfecture et la Ville ont donc choisi de rendre obligatoire le port du masque pour les plus de 11 ans dans un périmètre entre la Garonne, la gare et la ligne des cours (Marne et Aristide Briand au sud, Albret, Clemenceau, Verdun et Portal à l’ouest, Martinique au nord). L’obligation n’était jusqu’à présent en vigueur que dans deux rues commerçantes.
« Le contexte est très préoccupant, estime le maire, Pierre Hurmic. Le taux d’incidence (nombre de tests positifs pour 100000 habitants) a été multiplié par 10 en quatre semaines pour atteindre 111,6, c’est une courbe exponentielle qui nous appellent tous à la plus grande vigilance, et ce n’est pas pour rien que la Gironde a été placée en vulnérabilité élevée. »
Classé désormais en zone rouge, le département a en effet franchi le seuil d’alerte. Des arrêtés préfectoraux doivent être pris pour imposer notamment le port du masque dans tous les marchés de la métropole. A Bordeaux, le masque devra être mis dans tous les marchés ouverts, ainsi que dans un périmètre de 50m autour des écoles, collèges, lycées, lors des rentrées et sorties d’élèves.
« Pas très liberticides »
Ces dispositifs ne sont « pas très liberticides », relève le maire, soulignant que l’obligation de porter le masque en permanence dans la rue et les commerces permettra « d’éviter les manipulations permanentes du masque qui sont sujettes à propagation du virus ». Pourquoi alors ne pas étendre d’emblée l’obligation à toute la commune de Bordeaux ? Pierre Hurmic a devancé la question :
« C’est dans le centre qu’il y a le plus d’intensité, de concentration de personnes, principale source de propagation du Covid-19. Nous avançons par paliers, en fonction de la propagation de la pandémie et on ne s’interdit pas d’étendre le périmètre dans les semaines qui viennent si besoin s’en fait sentir. Mais pour que cette mesure soit efficace il faut qu’elle soit contrôlée. Il faut du temps et de l’organisation pour mettre des barrières explicatives à tous les accès de la ville. On préfère avoir d’abord avoir un périmètre défini avec des moyens nous permettant de contrôler les piétons qui déambulent. »
Joggeurs, cyclistes et autres usagers de modes actifs (trottinettes, rollers…) ne seront pas concernés par cette obligation. La police municipale sera habilitée à verbaliser les contrevenants, passibles d’une amende de 135.
« Ce qui paraît dangereux, ce ne sont pas les personnes en mouvement, comme les promeneurs sur les quais, mais les pique-nique et autres regroupements de gens qui ne respectent pas les distanciations physiques. »
Les jeunes les plus touchés
La Ville appelle donc « ses habitants et visiteurs au civisme face à toutes les situations à risque, comme le regroupement de personnes sur la voie publique, les pique-niques sur les quais, les rassemblements, les spectacles de rue improvisés, les rassemblements festifs, les événements privés (réunions familiales, fêtes, mariages…), etc. »
Avec ce constat : le virus circule surtout auprès des populations jeunes. A Bordeaux, le taux d’incidence dépasse ainsi les 200 chez les 20-30 ans.
« Comme ce n’est pas la tranche d’âge la plus exposée aux formes graves de la maladie, cela explique qu’on n’a pas encore de retentissement en termes d’hospitalisations, même si le taux a recommencé à augmenté », reprend Patrick Dehail, de l’ARS.
Certes, affirme-t-il, le dépistage massif « participe à l’accélération de cette courbe ». Mais il n’est pas la seule cause de la présence grandissante du virus, comme en atteste le taux de positivité aux tests : dans la capitale girondine, une personne sur 100 testées était positive en juin, contre 5 sur 100 désormais. Boostés par l’effet « vacances », ces chiffres ne concernent que les résidents bordelais, précise le conseiller de l’ARS.
« On va désormais revivre en cellule familiale et professionnelle, avec un nouveau risque de contaminer des personnes qu’on n’a pas vu de l’été. Tout cela doit être maitrisé et les mesures prises vont permettre de limiter ce risque, et protéger nos personnes vulnérables susceptibles de développer des formes graves de la maladie – plus de 70 ans, personnes ayant des comorbidités, jeunes avec des maladies chroniques… »
Bordeaux n’est pas (encore) Marseille
Au moins 8000 personnes sont considérées comme vulnérables à Bordeaux. Afin de prendre un maximum de précautions à leur endroit, l’ARS et le maire rappellent que le masque n’est « pas la panacée » et qu’il faut veiller à respecter les autres gestes barrières (un mètre de distanciation physique, se laver les mains).
« Ce sont des mesures de la vie courante qu’on va avoir à appliquer pendant des mois, sûrement jusqu’à l’apparition d’un vaccin efficace », poursuit Patrick Dehail.
Pour l’heure, Bordeaux n’envisage pas d’aller plus loin, par exemple en fermant plus tôt bars et restaurants comme à Marseille. « Nous n’avons pas le même taux d’incidence, qui est de 177 pour 100000 » dans la cité phocéenne, indique Pierre Hurmic. Mais il prévient que la préfecture devrait prochainement veiller plus sévèrement à l’application des protocoles sanitaires dans les commerces de la Gironde.
Les dispositifs déployés dans le département seront détaillés ce lundi. La préfecture a d’ores et déjà pris un arrêté (à consulter ici) indiquant les lieux où, dans les 28 communes de la métropole bordelaise, le port du masque est obligatoire. Cela concerne notamment la place Cevalaure à Bouliac, un espace commercial au Haillan et plusieurs rues de Pessac.
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