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Yara, l’usine d’Ambès qui fait planer l’ombre de l’explosion de Beyrouth

Près de Bordeaux, à Ambès, Yara France stocke des tonnes de nitrate d’ammonium pour produire de l’engrais. Ce produit, le même qui est à l’origine de l’explosion meurtrière au port de Beyrouth début août, inquiète les riverains et les associations. Réunis sous la bannière « Notre maison brûle », ils ont manifesté ce samedi 26 septembre devant l’usine, date anniversaire de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.

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Yara, l’usine d’Ambès qui fait planer l’ombre de l’explosion de Beyrouth

L’explosion de Beyrouth a marqué les esprits. Stockées dans le port de la capitale libanaise, 2700 tonnes de nitrates d’ammonium ont provoqué une explosion qui a soufflé la moitié de la ville. Ces images, qui s’ajoutent à celles de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen il y a tout juste un an, viennent renforcer les craintes concernant les sites classés Seveso autour de Bordeaux, et en particulier l’usine Yara à Ambès.

Ce samedi 26 septembre à 14h, à l’appel du collectif « Notre maison brûle mais nous ne regarderons pas ailleurs », des rassemblements ont eu lieu un peu partout en France. Le collectif, qui se veut « d’autodéfense populaire face aux dangers industriels » réunit plusieurs associations. En Gironde, il réunit Alerte pesticides, Il est Encore Temps Bordeaux, Le jour d’après, ANV-Cop 21, et Extinction Rébellion.

« Notre maison brûle » sous la pluie de septembre (WS/Rue89 Bordeaux)

Par un samedi pluvieux, une trentaine de militants ont répondu à l’appel à se rassembler devant l’usine à Ambès afin d’alerter sur les dangers que représente non seulement Yara France, mais aussi toute la zone industrielle. 

« Sur les 29 km2 de la commune d’Ambès, on trouve de nombreux ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement, NDLR) mais surtout des ICPE Seveso seuil haut, explique Sylvie Nony, porte-parole. Il y en a d’autres à Bassens et Ambarès-Lagrave. Peut-on être rassuré par leur gestion des risques ? Non, cent fois non. Les associations qui siègent dans les comités de suivi de sites comme ici à Yara peuvent en témoigner. Lorsqu’un manquement aux règles de sécurité est constaté, il faut parfois attendre des années pour que les responsables des entreprises exécutent les réparations ou les modifications demandées ».

« Ecart règlementaire »

Ce discours alarmiste est conforté par de nombreux courriers adressés par la Préfecture de Gironde à la direction de l’usine Yara (répertoriée par le portail gouvernemental Géorisque). Dans une mise en demeure datant du 2 janvier 2020, il lui est ainsi demandé « la mise en œuvre d’actions correctives » pour supprimer certains facteurs de risques, ainsi que « la formation du personnel en matière de gestion de risque ».

Cette mise en demeure sera suivie le 1er avril 2020 d’une amende administrative pour un autre « écart règlementaire » : l’utilisation de matériel après une fuite et une réparation donnant lieu à un contrôle non-satisfaisant. Enfin une série de défaillances est également notifiée le 27 juillet 2020, notamment l’absence d’un dispositif empêchant « une dispersion d’ammoniac dans l’atmosphère ».

A noter que les appels de la Préfecture au respect des règles de sécurité et à la mise en conformité des tuyaux d’ammoniac qui traversent le site et le réservoir cryogénique, datent de mai 2013. Des délais d’exécution ont enfin été fixés pour 2019 :

« Six ans pour une mise en conformité essentielle à la sécurité du site, donc des travailleurs et des riverains ! Et encore, merci Lubrizol, car l’administration s’agite très nettement plus en 2019 », ironise Sylvie Nony.

PPI

Ces irrégularités cumulées inquiètent la porte-parole de « Notre maison brûle ».

« Jusqu’à 25000 tonnes d’ammoniac, 66000 tonnes d’engrais solides à base de nitrates et 2000 tonnes de nitrate d’ammonium en solutions chaudes » sont selon elle stockées à Ambès. Beaucoup plus qu’à Beyrouth, certes, mais moins dangereux que le stockage solide et en vrac constaté dans le port libanais, ajoute Sylvie Nony, chimiste de formation.

Enfin le Plan particulier d’intervention (PPI) de Yara France à Ambès a été vivement critiqué par six associations girondines dans une lettre adressée à la Préfète le 29 juillet dernier. Elles ont tenu à lui « faire part d’un certain nombre d’observations sur le contenu de ce document afin qu’il soit révisé avant sa mise en vigueur par arrêté préfectoral ».

Parmi ces remarques, un manque d’informations concernant la population en dehors de la commune d’Ambès et qui pourrait être directement concernée par divers scénarios catastrophe dans un périmètre de 15 km.

Les associations ajoutent que, au regard de ces manquements, « la publication en l’état du PPI serait sans doute susceptible de faire l’objet d’une annulation en cas de recours devant la juridiction administrative ». Pas de réponse à leur courrier pour l’instant.

Loi ASAP

Sylvie Nony veut également attirer l’attention sur le projet de loi ASAP (accélération et simplification de l’action publique) qui arrive devant l’assemblée nationale. Celui-ci vise à simplifier les procédures concernant les ICPE de plusieurs manières notamment en supprimant l’obligation d’enquêtes publiques pour une partie d’entre elles.

« Les préfets pourraient choisir à la place d’ouvrir une simple concertation en ligne, pendant un mois. La différence est que les premières sont confiées aux soins de commissaires enquêteurs [qui] obligent l’industriel ou l’aménageur à livrer des informations précises sur le futur fonctionnement de son site. »

En France, près de 180 ICPE stockent le nitrate d’ammonium en grande quantité, dont 108 sont soumises à la directive européenne Seveso, c’est-à-dire présentant des risques d’accidents majeurs nécessitant un haut niveau de prévention. Parmi elles, 16 sont classés Seveso « seuil haut » du fait de la quantité stockée, Yara en fait partie. Pointée du doigt après l’explosion de Beyrouth, l’usine a fait savoir qu’il n’y avait aucun dépôt de nitrate d’ammonium pur sur le site mais une version transformée.

Sur la commune d’Ambès, cinq autres usines sont également classées Seveso « seuil haut » (Vermillon, EPG, Cobogal, SPBA et Akzonobel) et un « seuil bas » (Lucien Bernard). Le département de la Gironde compte le plus de sites sensibles (35 seuil haut et seuil bas) de la Nouvelle-Aquitaine (157).


#Ambès

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