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Cécile, luthière « non essentielle » pour 700€ par mois

Son atelier de lutherie dans le Béarn était à l’arrêt durant le confinement, le gouvernement considérant son métier comme non-essentiel. Cécile doit se battre pour boucler ses fins de mois. Elle a accepté de radiographier son porte-monnaie pour Rue89Bordeaux.

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Cécile, luthière « non essentielle » pour 700€ par mois

Le métier de luthier est un petit milieu. L’institut des métiers en recensait seulement 400 en 2017. Cécile, âgée d’une cinquantaine d’années, préfère témoigner sous un prénom d’emprunt :

« C’est surtout que je n’ai pas envie que mes clients connaissent mon chiffre d’affaire car ça n’est pas un métier qui rapporte. »

Les récentes annonces gouvernementales l’ont enfin autorisée à rouvrir son atelier créé en 2019 dans les Pyrénées-Atlantiques, département dont elle est originaire. Elle pourra aussi retourner en Allemagne, où son premier fils travaille et où elle a des clients :

« À mes 18 ans, j’étais déjà trop vieille pour faire mon apprentissage en France. C’est pourquoi je suis partie près de Dortmund. J’y vais 4 fois par an, cela me prend deux jours de voitures pour y aller. Mes clients de là-bas prennent leur rendez-vous quand je leur annonce mon retour (rires). En une semaine sur place, j’ai beaucoup de travail. »

« En Allemagne, je pourrais travailler en ce moment ! »

Cécile n’a jamais roulé sur l’or. Mais avec la crise sanitaire et les deux confinements successifs, elle est devenue pauvre comme un million d’autres français. Depuis quelques années, elle récupère ses habits chez Emmaüs. Elle gagnait un peu plus de 1800€ par mois avant la pandémie. Au mois de novembre, ses revenus sont tombés à 700€.

« Lors du premier confinement, j’ai eu des problèmes de sommeil, confie-t-elle. Je n’arrivais plus à travailler parce que c’était un véritable trou noir devant moi. Je ne savais pas quand on pourrait reprendre et on ne peut pas restaurer des instruments à l’avance car ils finissent par se dégrader avec le temps. Là, je me suis débrouillée pour m’occuper et continuer à avancer un peu. Mais c’est vrai que c’est dur à supporter. »

Très émotive, elle vivait mal le second confinement :

« Quand on est considéré comme non essentiel, un terme que je trouve dégradant, on se sent un peu punis. On se dit que les autres ont le droit de travailler, mais pas soi. Mes clients ne pouvaient plus venir à mon atelier. En Allemagne, j’aurais pu travailler en ce moment. »

Atelier de lutherie Photo : DR

Mais Cécile n’a pas voulu rester en Allemagne car son fils de 17 ans poursuit son cursus scolaire en présentiel. En France, elle ne rentre pas dans les critères d’aides de l’État au secteur culturel. Travaillant à son compte, elle ne peut bénéficier que d’un fonds de solidarité et se retrouve livrée à elle-même.

L’héritage comme seul recours financier

Derrière ses lunettes, Cécile a les yeux rougis :

« J’avais environ 4-5 clients par semaines dans mon atelier français. Pendant le confinement, il n’y avait plus personne. »

Alors dans la maison familiale dont elle a hérité suite au décès de ses deux parents, Cécile s’occupait comme elle pouvait – violoncelle qu’elle pratique depuis ses huit ans, jardinage… L’avenir l’inquiète, ce qui se ressent dans sa consommation de cigarettes :

« Au mois de février, j’en étais à cinq clopes par jour alors que maintenant j’en suis à un paquet. Outre l’argent, comme pour mes confrères, c’est surtout la reconnaissance et la gratitude des artistes que je regrette. »

Maxime Lacaze

Le porte-monnaie de Cécile

Revenus : 700€ net par mois

Cécile bénéficie en temps normal de recettes nettes moyennes équivalent à 1850€ 

Pendant le confinement, elle touchait 200€ de son activité de luthière et 500€ du fonds de solidarité. Pour boucler ses fins de mois, Cécile pioche actuellement dans sa cotisation retraite et dans l’héritage de ses parents.

Dépenses : 1705€ par mois

Dépenses fixes

  • Téléphone/Internet : 20€
  • Électricité/Chauffage : 200€
  • Impôt : 0€ car elle n’est pas imposable
  • Alimentation/Courses : 600€ environ par mois soit 150€ par semaine pour son fils et elle
  • Matériel pour réparer, ajuster ou mettre à jour un violoncelle : 350€
  • Frais pour son second fils en Allemagne, actuellement en formation pour devenir aide-soignant pour personnes handicapés : 300€

Dépenses aléatoires

  • Essences : de 75€ à 450€ de transports (pour l’aller/retour en Allemagne, compensés par la vente ou la réparation d’instrument).
  • Cigarettes : environ 222€
  • Loisirs : 20€ par mois
  • 20€ plantes pour le jardin.
  • La maison de ses parents regorge de livres.
  • Elle n’achète pas de disques et écoute la radio.
  • Vêtement : 100 euros.

#Confinement

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