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Régionales en Nouvelle-Aquitaine : la sécurité, un débat hors sujet à la traîne du RN ?

Jeudi 10 juin, lors de sa première réunion publique à Bordeaux, Nicolas Florian, tête de liste Les Républicains, a voulu mobiliser ses troupes. Quitte à pencher vers l’extrême-droite, les candidats de droite mettent ainsi le paquet sur la lutte contre l’insécurité, une compétence (normalement) régalienne, au risque de dérapages à l’instar de la sortie d’Yves Foulon (LR) sur les « populations indésirables ». A une semaine des élections régionales, premier volet de notre série sur les questions qui animent la campagne en Nouvelle-Aquitaine.

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Régionales en Nouvelle-Aquitaine : la sécurité, un débat hors sujet à la traîne du RN ?

« Protéger, accompagner, rassembler », c’est le mantra de Nicolas Florian. Jeudi 10 juin, la tête de liste (Les Républicains) aux élections régionales, a présenté devant une centaine de sympathisants réunis dans l’Athénée municipale un programme fondé sur ces trois piliers. Le thème de la sécurité s’érige ainsi en tête de gondole de sa campagne, comme d’autres candidats en Nouvelle-Aquitaine.

L’Île-de-France, l’exemple à suivre

Dans les vidéos de soutiens à Nicolas Florian, Frédéric Péchenard, vice-président au conseil régional d’Île-de-France en charge de la sécurité et ancien directeur de la police nationale, fait le SAV du « bouclier de sécurité » mis en place par sa présidente Valérie Pécresse dans sa région – une proche de l’ancien maire de Bordeaux (même si contrairement à ce dernier, elle a fait le choix de quitter Les Républicains).

Cet investissement de la Région francilienne à 18 millions d’euros s’est traduit, notamment, par la mise en place de vidéosurveillance dans les transports en commun régionaux (dont la gestion fait partie des compétences régionales), la création de « brigades régionales de sécurité » pour intervenir dans les lycées (sous responsabilité des Régions), ou encore des subventions aux maires qui demandent un effectif plus important de policiers municipaux.

Ainsi en tête du programme de Nicolas Florian figure ainsi un « pacte régional de sécurité » calqué sur le dispositif francilien, proposant l’installation de systèmes de vidéo-protection dans les lycées, les gares et rames de TER, ainsi que le renforcement des effectifs de la police ferroviaire. Des subventions seraient allouées pour aider les maires à former et équiper les policiers municipaux en armement, la lutte contre le cyberharcèlement et la lutte contre les violences familiales.

Nicolas Florian, entouré de Muriel Boulmier et d’Yves Foulon, jeudi 10 juin Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Une obsession sécuritaire ?

Face aux « dérives sécuritaires », Nicolas Florian et son équipe promeuvent une politique volontariste. Car oui, pour la liste de l’union de la droite et du centre, l’insécurité augmente, et ce, sur tout le territoire.

« Je suis allé à Ambès, à Ambarès, à Castillon-la-Bataille, lance jeudi à l’Athénée Yves Foulon, maire d’Arcachon et tête de liste en Gironde. Ces communes ne sont plus les mêmes compte tenu des populations indésirables qui s’y trouvent. Pareil sur le Bassin, les week-end ou l’été. Le sentiment d’insécurité n’est plus un sentiment, mais une réalité. »

L’actualité de ces derniers jours est venue appuyer ses propos :

« Aujourd’hui, un président de la République dans l’exercice de ses fonctions se fait gifler. Il dit que ce n’est pas grave. Ce n’est plus possible. Nous sommes à fond sur la sécurité parce que les Girondins et les Néo-aquitains l’exigent. »

Selon le récent sondage publié par Sud Ouest, la lutte contre la délinquance se classe à la deuxième place des priorités (71%), après la santé, des électeurs en Nouvelle-Aquitaine. Une problématique particulièrement plébiscitée par les sympathisants LR (82%) et RN (86%).

Jouer sur les compétences

La sécurité ne figure pourtant pas en tant que telle dans le champ de compétences attribuées aux régions. L’Etat (par la voie des préfectures) est l’acteur qui a la gestion première de cette compétence. Il est suivi par les maires, avec la police municipale, et les Départements, en charge de la police de circulation et des moyens des services départementaux d’incendie et de secours. Les Régions, quant à elles, agissent dans divers domaines : transports, lycées, formations, aménagement du territoire…

Mais selon Yves Foulon, la sécurité dépasse l’attribut de compétences :

« Lors de la crise sanitaire, qui a fourni les masques ? Les tests ? Qui a organisé la gestion des vaccins ? Ce sont les maires. Est-ce que la santé figure dans leurs compétences ? Non. Face à l’incapacité de l’Etat, nous avons dû agir. C’est pareil pour la sécurité. »

Pour agir hors des clous officiels, la stratégie employée est le contournement. Les listes de droite et d’extrême-droit en Nouvelle-Aquitaine s’appuient sur des domaines liées à la Région (comme les lycées et les transports) pour proposer, financer, des dispositifs de sécurité.

Edwige Diaz sur les traces de Marine Le Pen Photo : SB/Rue89 Bordeaux

Effet d’embrayage

Edwige Diaz surfe ainsi sur cette thématique. Se référant aussi au réalisations franciliennes, la conseillère régionale lepéniste propose une « convention de partenariat entre la Région et la SNCF pour augmenter les effectifs de sureté ferroviaire », faisant état « d’une agression ou incivilité par jour dans les TER » de Nouvelle-Aquitaine », selon des chiffres attribués à la CGT lors du débat sur France 3.

« Ces stats, c’est n’importe quoi, qu’Edwige Diaz ne nous cite pas, tonne Rémi Vinet secrétaire général de la CGT Bordeaux Gare. On a eu quelques cas graves, notamment sur la ligne Bordeaux-Agen. Mais une agression ou même une incivilité par par jour, cela ferait longtemps qu’on aurait posé la casquette ! Et c’est très compliqué d’avoir des chiffres vérifiés : pour enregistrer une agression ou une insulte, un contrôleur doit remplir une fiche, puis déposer plainte, beaucoup préfèrent donc laisser courir. »

La candidate Rassemblement national propose également d’installer des portiques et des caméras à l’entrée des lycées, et d’aider financièrement les communes dans leurs actions de lutte contre l’insécurité, notamment les cambriolages.

Si la sécurité ne figure pas au programme de l’écologiste Nicolas Thierry et de l’insoumise Clémence Guetté, les autres candidats à droite et au centre se sentent cependant tenus d’embrayer sur le sujet. Geneviève Darrieussecq, chef de file LREM/Modem, promet ainsi une « sécurité renforcée dans les transports, les lycées et sur Internet », troisième de ses 10 engagements. Sans trop rentrer dans le détail des propositions, elle préconise par exemple un »conseil local de sécurité dans chaque lycée », de la vidéo-protection dans les transports scolaires et péri-urbains, ou encore un « renforcement des moyens de la police ferroviaire ».

« La région peut et doit intervenir dans les lieux qu’elle gère et qui sont de sa responsabilité, les lycées ou les transports régionaux, a-t-elle déclaré lors d’un Facebook live. Je souhaite que l’extérieur des lycées soient sécurisés, qu’il y ait des référents dans établissements et qu’ayons avec SNCF un travail fin pour savoir comment renforcer sécurité des passagers. Il y aura si je suis élue un budget clairement fléché vers la sécurité. (…) Il faudra là où c’est nécessaire aider les collectivités sur ces sujets [de sécurité, NDLR]. »

A quel prix ?

A Rue89 Bordeaux, Alain Rousset, président sortant de la Région, se dit « très troublé de voir qu’au lieu de renforcer les moyens de la justice et de la police, on cherche à ciottiser le débat » – un néologisme renvoyant aux positions du député des Alpes Maritimes de plus en plus en phase avec l’extrême-droite.

« Ce sont des compétences régaliennes, martèle le candidat à sa réélection. Et la région n’est pas très frappée par la montée de la délinquance. Pour autant, la Région a pris ses responsabilités depuis longtemps. Nous avons questionné tous les lycées pour savoir comment sécuriser les enceintes notamment en matière de vidéo-surveillance contre les vols. Et on a suivi toutes les recommandations des conseils d’administration et des proviseurs de l’ensemble des lycées, investissant entre 25 et 26 millions d’euros sur la vidéosurveillance sur le mandat. On a fait le job et la seule chose qu’on peut nous reprocher c’est de ne pas avoir fait de com la dessus. »

Idem selon Alain Rousset sur la sécurité dans les transports, la Région Nouvelle-Aquitaine ayant signé l’année dernière une convention avec la gendarmerie pour pourvoir intervenir sur tout le réseau, « la police ferroviaire intervenant plutôt dans les gares et les trains longue distance ».

Si la sécurité figure au premier plan des financements de la Région, aucun candidat n’avance un chiffrage précis de ses propositions. D’autres volets seraient forcément mis à contribution. Lors de la réunion à l’Athénée, Muriel Boulmier, numéro de 2 la liste LR-centre en Gironde (et présidente de l’Union Régionale HLM en Nouvelle-Aquitaine) évoque des financements de « formations sur la perfection du genre ».

Quant à Edwige Diaz, elle veut supprimer les « aides régionales (sans préciser lesquelles) aux familles de délinquants » et vise les subventions « immigrationnistes » versées notamment par la Région à SOS Méditerrannée. Comme pour tenter de lier à nouveau des phénomènes indépendants.


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