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À Bordeaux, le dilemme des électeurs de gauche avant le second tour Macron-Le Pen

En réaction au résultat du premier tour de la présidentielle, six collectifs ont appelé à manifester ce samedi, renvoyant Emmanuel Macron et Marine Le Pen dos à dos. Parmi eux, beaucoup hésitent sur leur choix du deuxième tour, d’autres voteront néanmoins pour le président sortant afin d’éviter une victoire de l’extrême droite. Reportage.

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À Bordeaux, le dilemme des électeurs de gauche avant le second tour Macron-Le Pen

« C’est blasant, je le savais. » Kevin, carrure de déménageur, n’a pas franchement le moral. Ce second tour Macron-Le Pen, on l’aura compris, ne l’emballe guère. « Cette campagne a été pitoyable. On va en apprendre de belles, ce mercredi, lors du débat. » Au premier tour, ce supporter des Girondins a voté Jean Lassalle, appréciant « ses idées pour le monde rural. J’ai beaucoup de famille qui habite en campagne ».

Ce samedi après-midi, il s’est déplacé « pour voir l’état d’esprit » de cette marche non déclarée en préfecture. « Je ne déclare plus mes impôts, alors déclarer une manif’ », ironise une dame, clope électronique à la main.

Sous un soleil chauffant le bitume, environ 300 personnes ont ainsi répondu à l’appel de six collectifs (CLAP 33, Jaunes Etc, Bassens, Occupation Bordeaux 2021, Solidaires 33, Réseau d’entraide Vérité et justice et l’Orchestre poétique d’avant guerre).

« Abstention consciente »

14h15, place de la Bourse, Myriam Eckert, conseillère municipal de Bordeaux en Luttes et animatrice de plusieurs des collectifs précités, arbore son fidèle gilet jaune. La native du Médoc, plus de 30 ans de combat au compteur, dit avoir toujours « la rage ».

« Au second tour, il ne reste plus que le vote blanc, qui n’est malheureusement pas pris en compte, ou l’abstention. Personnellement, je n’irai pas voter. Il faut une abstention consciente. On s’abstient et on est dans la rue le soir pour exprimer ce que l’on a à dire (…) Le plus important dans la lutte, c’est la lutte. »

« Cette campagne fut à l’image du quinquennat Macron : une absence totale de débat avec un mépris pour l’ensemble des Français. Il n’est même pas venu défendre son bilan », poursuit celle qui a voté Mélenchon au premier tour.

En effet, accusé jusqu’ici de s’être drapé dans sa fonction présidentielle, le président sortant doit absolument élargir sa base pour espérer repartir pour cinq ans supplémentaires. « Ni de droite, ni de gauche », il est aujourd’hui contraint d’aller chercher, en même temps, des voix dans les deux camps.

Myriam Eckert, conseillère municipale de Bordeaux, place de la Bourse Photo : D.R./Rue89Bordeaux

Choix cornélien entre « la peste et le choléra »

Parti place de la Bourse, ce cortège a ensuite filé, sans incident, direction la Victoire, puis Saint Michel, avant de revenir au point de départ. Dans les rangs plutôt jeunes, impossible de voir émerger un consensus sur le second tour. Certains défendent ouvertement un « front républicain » et iront glisser un bulletin Macron dans l’urne, comme Michel. « Mais pas par gaieté de cœur », précise cet ex cheminot.

Bière à la main, Colin, militant NPA (nouveau parti anticapitaliste) de 27 ans, fait part de sa crainte.

« C’est la peste ou le choléra. Ce qui m’inquiète le plus, c’est cette normalité de voir l’extrême droite au second tour », ajoute-t-il, estimant aussi que Marine Le Pen « a mené une campagne efficace ».

Bruno, de son côté, rejette catégoriquement les termes « vote utile » et « front républicain ». « Ce sont des pièges », poursuit ce militant du NPA, âgé de 52 ans. Clairement, le front républicain n’est plus ce qu’il était, quasiment vingt ans jour pour jour après la qualification surprise de Jean-Marie Le Pen face à Jacques Chirac.

« Déçue de ces élections », Anna, 24 ans, n’a pas (encore) pris sa décision pour le second tour :

« On était à deux doigts de faire passer un gouvernement de gauche avec des mesures qui auraient vraiment eu un impact. Je suis entièrement contre la politique de Macron, car le capitalisme tue chaque jour. Il est aussi hors de question que Marine Le Pen soit élue. »

« Personnellement, je réfléchis encore, c’est terrible. D’un côté j’ai envie de voter blanc, voire de m’abstenir. Et de l’autre, si Le Pen passe, c’est expulser de leur logement [NDLR : au nom de la préférence nationale] tous les gamins issus de l’immigration, que j’accompagne’ », ajoute-t-elle, sans préciser la nature de son travail.

Les touristes ont pu suivre une partie de la manif’ Photo : D.R./Rue89Bordeaux

Union contre la police

Dans le cortège, la détestation de la police fait clairement unanimité. « Voter FN, c’est voter pour la police », abonde, au mégaphone, Antoine Boudinet, ex-conseiller municipal Bordeaux en luttes. Ce représentant du collectif « Mutilé pour l’exemple », qui a voté Mélenchon au premier tour, « ne condamne pas » celles et ceux qui soutiendront le président sortant. « Votez Le Pen, c’est voter fascisme », précise-t-il.

Aujourd’hui, l’homme a l’espoir qu’une « union de la gauche » émerge pour les élections législatives de juin prochain. « De toute façon, la providence ne viendra que de la pression sociale. » Rendez-vous samedi prochain, même heure, même endroit, pour une nouvelle « marche anticapitaliste et antifasciste ». Et avant, le jeudi 21 avril, sur le parvis des droits de l’Homme pour un rassemblement contre l’extrême droite.


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