« En tant que femme avocate, j’ai honte […] Je vois des détenus qui pleurent, obligés de dormir avec des boules Quies et du linge dans la bouche pour éviter d’avaler des cafards. »
Maître Maud Sécheresse, qui intervient pour l’Ordre des avocats de Bordeaux, a décrit devant la cour du Tribunal administratif le quotidien « déshumanisant » des détenus de la maison d’arrêt de Gradignan. Aux côtés de l’Association pour la défense des droits des détenus (A3D) et de l’Observatoire international des prisons (OIP), l’Ordre demande au juge des référés d’ordonner des « mesures d’urgences » afin « de mettre un terme aux multiples atteintes graves et manifestement illégales portées aux droits fondamentaux des personnes détenues ».
Conditions indignes
Les requérants se sont appuyés sur les recommandations émises par Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLP), qui s’est rendue dans les locaux de la prison du 30 mai au 10 juin 2022. La CGLP indiquait que « eu égard à l’état du bâti dans la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, l’hébergement d’êtres humains devrait y être proscrit ».
L’instance de contrôle indépendante a notamment fait état de « douches collectives insalubres », de murs « lépreux, parfois noircis », de « matelas de mousse, dépourvus de housse de protection, extrêmement sales et maculés de tâches » et de produits de cantine « fréquemment avariés ou présentant un dépassement de la date limite de consommation ».
Maître Delphine Meaude, qui représentait le Syndicat des avocats de France, a relevé des « conditions indignes » dans un centre pénitentiaire où le taux d’occupation était de 203,5% au 1er août 2022, soit 712 détenus pour 350 places.
Cette surpopulation carcérale, dont Rue89 Bordeaux avait en mars dernier analysé les ressorts, entraîne des « dysfonctionnements » tels qu’une quantité de nourriture inégalement répartie entre les détenus, de « graves carences » dans l’accès aux soins et une seule promenade par jour. Selon l’avocate, un détenu passe « 22 heures par jour en cellule ». Depuis le début de l’année, trois suicides ont eu lieu dans la prison.
61 mesures d’urgence
Le ministère de la Justice était représenté par Julien Pascal, secrétaire général à la direction interrégionale des services pénitentiaires Sud-Ouest, qui a assuré « de rencontres régulières avec les autorités judiciaires pour les alerter ». Il a été rejoint par Dominique Bruneau, directeur du centre pénitentiaire :
« Je ne suis pas directeur d’un hôtel, je ne peux pas afficher complet à la porte. Mais ce n’est pas parce que nous sommes en surpopulation que nous devons baisser les bras. »
Au premier trimestre 2024, un premier transfert de détenus, dont des femmes et des mineurs, doit avoir lieu vers un nouveau bâtiment. Il faudra encore attendre 5 ans, en 2027, pour que l’intégralité des détenus rejoignent une nouvelle structure de 600 places.
Les requérants, eux, ont formulé une soixantaine de mesures d’urgence, au premier rang desquelles la fermeture « dans les meilleurs délais » des quartiers maison d’arrêt. Parmi les autres injonctions, figurent la réparation des fenêtres, la mise aux normes du chauffage, la création d’unités de vie familiale ou encore le rétablissement de deux promenades par jour. La décision du Tribunal administratif de Bordeaux est attendue mardi 11 octobre.
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