La scène, sans équivoque, se déroule rue du Parlement Sainte-Catherine. Il est environ 0h45 samedi 4 mars. Un premier groupe, constitué de deux garçons et d’une fille de type maghrébin, se présente aux videurs à l’entrée d’un bar. On leur demande s’ils ont réservé avant de leur refuser l’entrée. Quelques minutes plus tard, arrive un second groupe, composé de deux garçons et d’une fille de type européen. Cette fois, les videurs les laissent entrer sans difficulté.
Dans la nuit du 3 au 4 mars, des opérations de testing ont été menées par SOS Racisme dans 10 villes en France, dont Bordeaux. La méthode, utilisée depuis les années 90, est un moyen de lutte politique face à des actes discriminatoires banalisés à l’instar des entrées de discothèques ou l’accès au logement.
En septembre 2022, SOS Racisme a porté plainte contre deux plages privées de la Côte d’Azur suite à une opération de testing filmée en caméra cachée. Légalisés par la loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006, ces « tests de discrimination » ont abouti à la condamnation d’une quinzaine d’établissements de nuit en France depuis les années 2000.
Dépôt de plainte
À Bordeaux, ce samedi soir, 6 testeurs ont été mobilisés, divisés en deux groupes. Ils étaient tous âgés d’une trentaine d’années et portaient des tenues vestimentaires similaires. La seule différence portait sur le faciès qui laissait supposer l’origine de chacun.
Neuf établissements ont été testés dans différents quartiers de la ville : des bars du quartier Saint-Pierre aux discothèques de Bordeaux Maritime. À chaque fois, les testeurs ont filmé discrètement.
Deux témoins de moralité, dont Olivier Escots, adjoint au maire en charge de lutte contre toutes les discriminations, étaient présents pour attester de la situation. Pour l’élu, il est nécessaire « d’occuper le terrain et de donner des signes forts » alors que les actes racistes et xénophobes se multiplient à Bordeaux depuis plusieurs mois. La semaine passée, le local de SOS Racisme a de nouveau été tagué par un groupuscule d’extrême-droite.
Sollicité par l’association, le témoignage de l’élu viendra appuyer la plainte qui doit être déposée prochainement contre le bar de la rue du Parlement Sainte-Catherine (dans l’attente, nous avons choisi de ne pas dévoiler son nom).
Vigilance
Dans la nuit du 3 au 4 mars, des discriminations ont été constatées dans 6 villes : Bordeaux, Lille, Marseille, Montpellier, Nice et Paris. Ainsi, sur le plan national, 17,3% des établissements testés ont pratiqué la discrimination raciale.
Pour Erwan Nzimenya, président de SOS Racisme Gironde, ces opérations de testing participent à « la mise en lumière des discriminations raciales et à leurs condamnations ». Ces dernières ont permis une évolution et une baisse des discriminations raciales à l’entrée des établissements festifs :
« Il n’existe plus de boîtes de nuit ou de bars qui interdisent totalement l’entrée aux personnes de type maghrébin ou africain comme c’était le cas au début des années 2000. »
L’association indique, cependant, recevoir encore « des signalements de discriminations à l’entrée des boites de nuits lors des permanences juridiques » et se dit toujours vigilante.
Dans un communiqué publié à la suite de l’opération, SOS Racisme tient à interpeller les pouvoirs publics. Six revendications ont été formulées, dont le recours aux fermetures administratives pour les établissements discriminants et une mobilisation plus massive de l’État et des parquets dans la lutte contre le racisme et les discriminations avec la mise en place de brigades dédiées.
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