Enquêtes et actualités gavé locales

Pour les 10 ans de votre média : objectif 2000 abonné⋅es

30/04/2024 date de fin
733 abonné⋅es sur 2 000
Pour ses 10 ans, Rue89 Bordeaux propose un abonnement à 10€/an et vise les 2000 abonné.es

Bordeaux et quatre villes françaises attaquent l’État pour ses carences sur l’hébergement d’urgence

Après des recours gracieux auxquels l’État n’a pas donné suite, cinq maires écologistes et socialistes ont décidé de poursuivre le combat devant les tribunaux. Ils demandent au gouvernement une réforme du système d’hébergement d’urgence.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Bordeaux et quatre villes françaises attaquent l’État pour ses carences sur l’hébergement d’urgence

Lors d’une conférence de presse commune ce jeudi 15 février, Pierre Hurmic (maire EE-LV de Bordeaux), Jeanne Barseghian (maire EELV de Strasbourg), Nathalie Appéré (maire PS de Rennes), Grégory Doucet (maire EELV de Lyon), et Éric Piolle (maire EELV de Grenoble), ont annoncé poursuivre l’État devant les tribunaux administratifs. Ils l’accusent d’une carence dans son obligation d’héberger toutes les personnes qui le demandent.

Les cinq collectivités avaient déjà initié des démarches gracieuses auprès de leurs préfectures respectives à la fin de l’année 2023. Des démarches qui sont restées lettres mortes.

« Notre recours gracieux a été déposé le 24 octobre, explique Pierre Hurmic. Il est resté sans réponse. Le 9 février, le Préfet Etienne Guyot nous a informé avoir saisi le délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. C’est tout. »

Faire réagir le gouvernement

L’État avait deux mois pour répondre aux recours gracieux déposés en octobre, c’est-à-dire en décembre. Puis les Villes avaient deux mois pour déposer un recours contentieux une fois la non-réponse acté, c’est-à-dire en février. Bordeaux le fera « au plus tard le 24 » (Grenoble l’a déjà fait le 6, Rennes et Lyon le 9, Strasbourg le 12).

Chacune des villes demande aux tribunaux administratifs de condamner l’État à rembourser une partie de leurs dépenses engagées au titre de l’hébergement d’urgence. Bordeaux a fait le choix de déposer le sien sur les nuitées hôtelières pour des familles en situation de grande vulnérabilité, ainsi que pour la mise à disposition de la salle Gouffrand.

Sans « rechercher l’exhaustivité », le recours bordelais porte sur près de 130 000€, sur la période de décembre 2020 à décembre 2023 (Strasbourg 917 807 €, Lyon 300 00 €, Grenoble 50 940 €, et Rennes 3,07 millions d’euros).

Au-delà de cette démarche comptable, il s’agit surtout pour ces maires d’obtenir une réponse du gouvernement face à l’aggravation du nombre de personnes sans-abri. Si Eric Piolle fustige la « hiérarchie de la misère » avec des critères de plus en plus restrictifs, Jeanne Barseghian demande la « refonte du système d’hébergement d’urgence actuel qui a montré ses limites avec un 115 toujours saturé » :

« Nous ne pouvons plus accepter une gestion au thermomètre, des plans grand froid décidés à la dernière minute, des mobilisations de gymnases en dernier recours, et ensuite des remises à la rue massives. […] Il faut aussi aller en amont des difficultés. Avec l’accès aux droits dématérialisé, des personnes ne sont pas en mesure de le faire et font face à une précarité croissante. »

« Main tendue »

À Rennes, Nathalie Apperé indique avoir promis en 2014 que plus un enfant ne dormirait dehors. Elle a avoué ce jeudi que, malgré la création de 900 places d’hébergement directement gérées par la Ville avec des associations d’aide sociale et 3 millions d’euros engagés chaque année dans ce dispositif, il y avait encore au moins une trentaine d’enfants sous des tentes.

Pour Jeanne Barseghian, la réaction du gouvernement est d’autant plus urgente que « toutes les associations engagées dans l’aide aux sans-abris constatent que la situation se dégrade ».

Les maires écologistes ont aussi tenu à rappeler que, malgré les apparences, leur démarche est une « main tendue » à l’État et qu’elle n’est « pas partisane », comme l’a rappelé Grégory Doucet :

« Nous agissons en tant qu’élus de la République, mais aussi en tant que citoyens et au nom de nos concitoyens, qui nous interpellent fréquemment sur les raisons pour lesquelles certains habitants de leur ville doivent dormir dehors. Cette question dépasse les clivages, elle s’inscrit dans le principe de fraternité. »

Du côté de l’État, les maires constatent que depuis le début de leur action, trois ministres du logement se sont succédés au gouvernement et que l’avant-dernier, Patrice Vergriete, avait promis 10 000 places d’hébergement avec un plan de 120 millions d’euros. C’était « insuffisant, à peine 10% des besoins » selon Pierre Hurmic. Et surtout, le remaniement est intervenu, propulsant au ministère du logement Guillaume Kasbarian, initiateur de la loi anti-squat peu apprécié des associations de défense des mal-logés.

Droit inconditionnel

Les cinq maires ont adressé un courrier commun au Président de la République ce jeudi, co-signé avec une quinzaine d’autres édiles (Paris, Nantes, Annecy, Nancy, Poitiers, Nantes…). Ils soulignent le « constat toujours plus dramatique », relevé notamment dans le 29e rapport de la Fondation Abbé Pierre, et rappellent la position du Conseil Constitutionnel du 25 janvier 2024 selon laquelle « le droit à un hébergement d’urgence [est] un droit inconditionnel ». 

1019 personnes sans domicile fixe, dont 202 mineurs, ont été recensées à Bordeaux lors de la dernière Nuit de la solidarité, conduite le 25 janvier dernier. Les services de l’État avaient participé au recensement pour la première fois.


#hébergement d'urgence

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options