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Plus d’un millier de manifestants à Bordeaux contre les forages pétroliers en Gironde

A l’appel du collectif Stop Pétrole Bassin d’Arcachon, entre 1200 et 3000 personnes (selon les organisateurs), dont l’activiste suédoise Greta Thunberg, ont défilé dimanche 11 février à Bordeaux. Elles dénoncent le projet de construction de nouveaux puits de pétrole dans la forêt de la Teste-de-Buch, classée Natura 2000.

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Plus d’un millier de manifestants à Bordeaux contre les forages pétroliers en Gironde

« On touche le fond mais ils veulent encore creuser. » « Dame no mas gasolina »… Ce dimanche à Bordeaux, les slogans rivalisaient d’invention dans foule, dense et très jeune. On retrouvait de nombreuses associations (Extinction Rebellion, Attac, Greenpeace…) et figures de la lutte écologiste tel le climatologue Christophe Cassou, la militante Camille Etienne, ou Thomas Brail, fondateur du Groupe National de Surveillance des Arbres…

Mais aussi une que beaucoup attendaient : Greta Thunberg. La jeune militante suédoise, keffieh autour du cou, s’est jointe au cortège au plus grand bonheur des manifestants et des photographes. Au total, près de 3000 personnes selon les organisateurs – 1200 selon la préfecture – ont marché entre la place de la Victoire et le miroir d’eau.

La militante suédoise Greta Thunberg, au milieu, a rejoint le cortège Photo : ML/Rue89 Bordeaux

Cette première manifestation organisée par SPBA entendait maintenir la pression sur la Préfecture de Gironde. L’Etat doit se prononcer dans les prochains semaines sur la demande de Vermilion de réaliser de nouveaux forages pétroliers à La Teste-de-Buch. L’entreprise canadienne, qui exploite 27 concessions en France dont plusieurs dans le bassin aquitain, veut construire 8 nouveaux puits dans la forêt usagère de Cazaux, sur un site qui compte 50 puits actifs.

« Notre manifestation envoie un message très fort. Personne ne veut de projets d’exploitation d’énergies fossiles. Ni ici, ni ailleurs, c’est notre mot d’ordre ! », défend Natalie, cofondatrice du jeune collectif.

Au moment de la prise de parole commune, l’écologiste Camille Etienne harangue la foule :

« Quand on a une entreprise canadienne qui décide de s’attaquer à nos forêts en France et d’y extraire du pétrole, nous serons-là ! Et nous sommes là, place de la Victoire. Ce qu’on vit aujourd’hui ce n’est qu’un début. On ne laissera pas faire, nous avons derrière nous le consensus scientifique qui est clair : on a déjà atteint notre budget carbone. Aucun puits de pétrole nous vivants sera ouvert sur le territoire français ! Le Préfet peut encore dire non et écouter l’avis de sa population. »

La goutte de pétrole de trop

L’exploitation commerciale de Cazaux est permise jusqu’au 1er janvier 2035. Vermilion invoque le besoin de remplacer des puits dont le rendement faiblit, avait expliqué à Rue89 Bordeaux sa directrice générale qui estimait respecter la loi car les nouveaux forages se feront sur des plateformes déjà existantes. Ces forages pourraient « assurer à Vermilion la production de 2,5 à 4,9 millions de barils supplémentaires d’ici 2040 », avait alors affirmé la société.

Face à l’urgence climatique, cette opération est donc loin d’être anodine pour les militants écologistes. Tous rappellent que ce projet de forage va tout simplement à l’encontre des objectifs fixés par les Accords de Paris et la COP25 :  

« Nous sommes dans une décennie cruciale car les choix et actions d’aujourd’hui déterminent les niveaux de risques de demain. Les émissions cumulées de CO2 prévues pour la durée des infrastructures existantes nous font déjà dépasser les émissions cumulées qui sont dans les seuils de l’Accord de Paris. S’il faut fermer les infrastructures existantes il faut bien sûr ne pas en ouvrir de nouvelles », argumente le scientifique Christophe Cassou.

De jeunes militants écologistes sont venus gonfler les rangs Photo : ML/Rue89 Bordeaux

Certes, la loi Hulot de 2017 fixe à 2040 la fin de l’exploration des sous-sols et de l’exploitation des hydrocarbures. Pour autant, Claire Méric de Greenpeace Bordeaux, dénonce la déconnexion du projet de forage de l’intérêt commun :

« Leur argument c’est qu’ils vont être sur des plateformes déjà existantes et qu’ils sont donc dans leur droit. Mais c’est contraire au bon sens. La plupart des instances disent qu’il faut sortir du pétrole. Commencer par créer de nouveaux puits pour compenser des baisses de rendement c’est hypocrite. L’ambition de cette industrie c’est d’aller puiser la dernière goutte pour générer le dernier euro de profit le plus vite possible, quoiqu’il en coûte. C’est irresponsable. »

« Duplicité de l’Etat »

Certains pointent le manque de cohérence de l’Etat français sur ces questions. Comme Pierre Hurmic :

« Il y a le droit international, c’est le respect des Accords de Paris qui dit qu’il faut diminuer les gaz à effets de serre pour arriver à 1,5% maximum d’augmentation de la température, estime le maire de Bordeaux. L’Agence internationale de l’énergie dit qu’à compter de 2021 il fallait arrêter l’extension ou la création de puits d’extraction d’hydrocarbures. Et la France veut jouer cavalier seul ? L’extraction nationale c’est 1% de la consommation, on peut très bien s’en passer donc. »

L’édile bordelais est venu témoigner de son soutien, tout comme plusieurs mouvements politiques, dont la France insoumise, et l’eurodéputée EELV Marie Toussaint. À quelques mois des élections européennes, la tête de liste écologiste tient à faire passer un message :

« Si Monsieur le Préfet donnait son accord, ce serait l’illustration de la duplicité du gouvernement et d’Emmanuel Macron sur la question climatique et environnementale. Les gouvernements de Macron ont déjà été condamnés pour inaction climatique sur la biodiversité, sur les algues vertes, la pollution de l’air… »

En novembre, les conclusions favorables de la commissaire-enquêtrice Carole Ancla avaient mis le feu aux poudres du côté des militants. Ce rapport pourrait influencer les avis de la La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) qui doivent être rendus au Préfet.

Le cortège à la Porte de Bourgogne Photo : ML/Rue89 Bordeaux

Site Seveso

Dans le cortège, beaucoup s’insurgent contre ce projet notamment du fait du classement Seveso seuil haut de la concession de Cazaux. En effet, à ses abords, un dépôt stocke de l’huile avant que celle-ci ne soit acheminée à Ambès. Ce qui inquiète fortement après les incendies de 2022, qui s’étaient déclenchés à quelques kilomètres au nord du site et avaient dévoré 5800 hectares de forêts :

« On a vécu de plein fouet les feux 2022. On a été impacté par les fumées qui rentraient dans l’hôpital, confient Laurent et Volodia, habitants de Gujan-Mestras. Vermilion c’est au milieu de là où ça a brûlé. On vient de Lyon, du couloir de la pétrochimie, ça fait des années qu’on connait ces sites Seveso. C’est sans fin, on ne comprend pas pourquoi on insiste. Il y a un moment où il faut savoir faire machine arrière. »

Les deux Gujanais se disent étonnés du faible nombre d’habitants du bassin d’Arcachon venus manifester.

« J’ai essayé d’en parler sur mon lieu de travail à Gujan-Mestras. Personne n‘est au courant », soupire Volodia.

Quelle suite donner ?

La militante de SPBA, Natalie étudie déjà les recours administratifs possibles même si le collectif veut être reçu par le Préfet de Gironde, Étienne Guyot. Il prévoit notamment une remise symbolique à la préfecture de la pétition contre les forages, qui a recueilli plus de 30 000 signatures, avant la décision atttendue fin mars, début avril.

Pour certains, la situation appelle à une radicalisation du mouvement. C’est le cas de Philippe Poutou (NPA). Pour l’élu municipal bordelais d’extrême gauche, l’équation n’est pas si compliquée, c’est même un cas d’école :

« C’est une réponse à un cynisme du pouvoir. Même avec des arguments scientifiques ça ne suffit pas, c’est donc la forme de la lutte qui va être déterminante. L’idée de l’écologie radicale n’a de sens que si elle s’en prend au système en place. On ne se sortira pas de ces problèmes si on ne remet pas en cause un pouvoir économique de notre société. »


#dérèglement climatique

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