Questionner la représentativité de la classe ouvrière dans le septième art, analyser les luttes sociales et politiques au travers de films fictionnels ou documentaires : c’est l’ambition portée par l’association Espaces Marx Aquitaine Bordeaux Gironde, créée en 1999, au travers de son événement « La classe ouvrière c’est pas du cinéma », qui fête cette année ses 20 ans.
À l’occasion de cet anniversaire, Espaces Marx publie aux éditions Syllepse un livre rétrospectif sur les débats et les films qui ont animé les rencontres. Un premier tome était déjà paru lors des 10 ans de l’événement.
Réflexion
Trois enseignants engagés ont lancé ces rencontres cinématographiques en 2004 : André Rosevègue, Jean-Claude Gillet et Vincent Taconet. Avec l’éducation populaire comme objectif, l’association organise notamment des rencontres philosophiques et littéraires. « Au début, les rencontres étaient des stages syndicaux, ça a permis de gagner un premier public », raconte Claude Darmanté, membre de l’association.
L’écran bleu, écrit par l’historien Michel Cadé, a contribué à la genèse du festival. Publié en 2000, ce livre s’attelle, à travers l’étude d’un corpus d’une centaine de films, à définir la représentativité d’une catégorie sociale dans le cinéma. Jusque-là réduite à un rôle de figuration, il faudra attendre mai 68, en France, pour que la classe ouvrière ait la parole dans les films.
L’événement a pour partenaires les libraires La Machine à Lire, Comptines et Krazy Kat. « L’idée c’est de prolonger les rencontres en invitant le public à lire des ouvrages qui accompagnent les thématiques abordées lors des tables-rondes », résume Claude Darmanté.
Échos avec l’actualité
Aux rencontres cinématographiques, pas de thématique annuelle : l’événement balaye un champ large, tant pour ce qui concerne les sujets que les époques et les pays abordés. En ouverture des rencontres, mardi 13 février, se tient ainsi une journée dédiée aux mémoires des dictatures dans trois pays d’Amérique latine : le Brésil, le Chili et la Colombie. Avec au programme deux documentaires, un film de fiction et une table-ronde animée par l’écrivaine et journaliste Françoise Escarpit autour de la thématique : « Affronter le passé pour construire l’avenir. Les exemples du Brésil, du Chili et de la Colombie ».
« Nous planchons sur le programme dès le printemps, mais nos sujets rentrent souvent en écho avec l’actualité », constate Claude Darmanté :
« Récemment, la colistière de Javier Milei, président de l’Argentine, a tenu des propos négationnistes remettant en cause la dictature dans le pays. Notre débat sur la mémoire des dictatures en Amérique du Sud rebondit involontairement sur les événements actuels. »
Une seconde journée, mardi 14 février, est articulée autour des luttes ouvrières en Afrique du Sud. Une conférence de l’anthropologue Judith Hayem, autrice d’une thèse sur la figure de l’ouvrier dans le pays après l’apartheid, est programmée au Musée d’Aquitaine. S’ensuivront la projection de deux documentaires « Come back, Africa » (Lionel Rogosin, 1959) et « Miners shot down » (Rehad Desai, 2014).
Avant-première de « Bye bye Tibériade »
La journée du mercredi 14 février se conclura par la venue de Lina Soualem à l’Utopia. La réalisatrice franco-algérienne présentera en avant-première son documentaire Bye Bye Tibériade, sur la quête de ses origines palestiniennes aux côtés de sa mère, Hiam Abbas, née près du lac de Tibériade (ou mer de Galilée), en Israël, et contrainte à l’exil.
La journée du vendredi 16 février sera, elle, dédiée au réalisateur israélien Nadav Lapid, prix du jury au Festival de Cannes en 2021 pour son film Le genou d’Ahed. Une rencontre est organisée le matin avec le cinéaste au musée d’Aquitaine, suivie de quatre projections à l’Utopia.
« Nous avons fait le choix, bien avant les attaques du Hamas du 7 octobre, d’inviter un cinéaste israélien qui questionne sa société », poursuit Jean-Pierre Andrien, qui fait également partie de l’association Espaces Marx.
Enfin la dernière journée, dimanche 18 février, sera consacrée à Jean-Luc Godard. Réalisateur phare de la Nouvelle Vague, son cinéma politique s’avère moins connu du grand public. Son engagement militant a pris forme en Mai 68 aux côtés du cinéaste Jean-Pierre Gorin, avec lequel il a fondé le Groupe Dziga Vertov. En a émergé des films militants aux aspirations maoïstes, influencés par les idées du poète et dramaturge allemand Bertolt Brecht.
Programmation complète à retrouver sur le site de l’Utopia. Prix des places habituel 8 euros, sauf indication contraire. Les rencontres se font sur entrée libre, dans la limite des places disponibles.
Chargement des commentaires…