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« Les Doléances », la recherche des cahiers des Gilets jaunes passe par la Gironde

Le documentaire d’Hélène Desplanques sur les cahiers de doléances, rédigés et remis après le mouvement des Gilets jaunes, fait la part belle à la Gironde. Sa diffusion est prévue ce jeudi à 22h50 sur les régionales de France 3.

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« Les Doléances », la recherche des cahiers des Gilets jaunes passe par la Gironde
Image du film avec deux crieurs de rue à Bordeaux

Où sont passés les cahiers de doléances ? Cinq ans après leur mobilisation, beaucoup de Gilets jaunes se posent cette question. Après leurs nombreux « actes », ils avaient été invités à exprimer leurs revendications dans des « cahiers citoyens », aussitôt vus comme des « cahiers de doléances » en référence à ceux de 1789.

Début 2019, 10 000 cahiers sont remis par les maires. Des pages manuscrites, des textes de plusieurs feuillets, d’autres de quelques mots, des reprises de slogans, des appels au secours… 250 000 contributions ont été numérisées à la Bibliothèque nationale de France, puis remises aux Archives départementales.

Depuis, leurs auteurs et bien d’autres citoyens, élus et gilets jaunes, attendent que les doléances soient rendues publics. Parmi eux, le maire d’un village de l’Oise, Fabrice Dalongeville, promet « ne pas lâcher l’affaire ». La réalisatrice Hélène Desplanques l’a suivi à travers la France, du nord au sud, en passant par l’Assemblée nationale à Paris. Elle signe un documentaire, Les Doléances, qui sera diffusé ce jeudi à 22h50 sur les chaînes régionales de France 3.

Le chercheur bordelais, Samuel Noguera, recruté par le Département de la Gironde pour étudier les doléances girondines Photo : du film – 13 Prods

Fil rouge

Le road-movie d’Hélène Desplanques, documentaire sans voix off, fait une étape en Gironde, au rond-point de Sainte-Eulalie comme aux Archives départementales. Ce qui a permis d’offrir une avant-première à l’amphithéâtre Badinter de l’Hôtel du Département de la Gironde ce mercredi, en présence des personnes rencontrées lors du tournage, Gilets jaunes et chercheurs (Magali Della Sudda, Nicolas Patin, Samuel Noguera).

« Le personnage du film ce sont les doléances, insiste la réalisatrice. Il fallait un fil rouge pour mon scénario et ma rencontre avec Fabrice Dalongeville m’a permis de le trouver. »

Le maire isarien apparaît dès la première image sur l’écran, pour pratiquement plus jamais le quitter, look mi-surfeur avec chemise hawaïenne, mi-startuppeur avec jean coupe slim et baskets blanches. Assis à son bureau sous le portrait d’un jeune Emmanuel Macron de 2017, il écrit au président de la République :

« Voilà bientôt cinq ans qu’une forme singulière de contestation sociale a émergé dans notre pays à travers l’expression des Gilets jaunes. Dans son sillage, des centaines de milliers de doléances ont été réunies. Je considère en effet que vous n’avez pas tenu votre engagement dans la promesse de rendre public et accessible l’ensemble des doléances pensées puis rédigées par nos concitoyens. » 

Et top départ pour un tour de France avec « la prétention de se dire qu’on peut essayer de changer quelque chose ».

Le choc de Jonquille

Les questions du maire sont nombreuses et il entend trouver les réponses : « Elles sont où en fait les doléances ? Et ceux qui les ont écrites, ils sont où ? Qu’est-ce qu’ils font cinq ans plus tard ? Est-ce qu’ils sont chauds pour nous donner un coup de main et les faire sortir de la poussière ? ».

En Gironde, Fabrice Dalongeville rencontre Jonquille, une Gilet jaune d’une soixantaine d’années, qui se souvient du rond-point de Sainte-Eulalie à peine la journée du 17 novembre 2019 entamée :

« Il y avait trois, quatre personnes qui étaient là en gilet jaune. A 9 h du matin, on était une dizaine. Et puis, c’est arrivé. Toute la journée, ça arrivait, ça arrivait. Enfin, je ne sais pas, on était 200 à 10 h, 500, 1000, je ne sais pas combien on était. […] Et il y avait absolument toutes les générations, toutes les confessions. Il y avait des chômeurs, des étudiants, des retraités. Il y avait des gens avec leurs enfants.  Enfin, c’est la première fois dans ma vie que j’ai eu la sensation qu’on faisait société. Ça a été un choc émotionnel. J’avais l’impression d’avoir attendu ça toute ma vie. »

Fabrice Dalongeville ne ménage pas ses efforts, au volant de sa voiture comme au téléphone. Il franchit enfin la porte de l’Assemblée nationale pour rencontrer des députés de tout bord. À ses questions, de la compassion mais peu de réponses.

« Le soir où [Emmanuel Macron] doit restituer le grand débat, dire ce qu’il a compris, ce qu’il retient… Souvenez-vous, Notre-Dame-de-Paris a brûlé. Une actualité chasse l’autre. Il annule son intervention au journal télévisé ce soir-là. Les médias passent à autre chose. Ce qu’on appelle dans le milieu politique le momentum est passé », commente Gilles Proriol, expert de l’analyse de la parole citoyenne qui avait la mission de travailler sur ces cahiers. 

Le maire Fabrice Dalongeville (au centre) avec l’expert en expression citoyenne Gilles Proriol à sa gauche Photo : du film – 13 Prods

700 propositions

« C’est terminé. La machine est passée à autre chose », conclut le spécialiste reconnaissant « une frustration énorme », amplifiée par le fait que le gouvernement refuse de « mettre en open source les données ». 

« La réalité est que la mission du Grand Débat National, qui était cette entité juridique temporaire créée pour porter tout ce projet, a été purement et simplement supprimée. Et donc tout s’est arrêté. Et il n’y a plus aucune administration qui était capable de porter le projet. C’est fini, il n’y a plus d’interlocuteur. »

La chute est brutale et le gâchis est énorme laisse entendre Gilles Proriol qui, « pour l’anecdote », avait calculé « que si on mettait bout à bout toutes les pages des doléances, ça faisait la distance de la Terre à la Lune ». Une telle distance qui aurait pu mener à quoi ?

« La plupart des gens, des élus, des médias, des experts, pensaient, au fond, que la population n’a pas grand-chose à dire. C’est juste scientifiquement faux. »

Des 250 000 contributions, Gilles Proriol « a fait ressortir plus de 700 propositions différentes que ce soit l’accès aux services publics, la santé, l’éducation, la fiscalité, la démocratie ». Il précise par ailleurs « que les sujets de l’immigration, de sécurité, de violence, de terrorisme, n’apparaissent pas spontanément ». En haut du tableau viennent « des questions de pouvoir d’achat et de comment finir le mois ». Des témoignages d’une situation sociale qui, cinq ans plus tard, « s’est fortement dégradée » regrette Fabrice Dalongeville.

Les Doléances, documentaire d’Hélène Desplanques, 52 minutes, disponible sur France.tv jusqu’au 5 mars


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