Dès le lendemain du discours de politique générale de Gabriel Attal devant l’Assemblée nationale, les maires et présidents de 16 villes et métropoles de France, dont l’édile bordelais Pierre Hurmic, à l’origine de cette initiative, et Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole, ont pris la plume.
Dans un courrier adressé ce mercredi 31 janvier au Premier ministre, les maires (de gauche et écologistes) de plusieurs villes françaises (Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Nantes, Montpellier…), expriment leur « très forte inquiétude » devant ce qui leur « semble être un renoncement majeur à la politique de production du logement social : la modification du calcul du taux dit “SRU”, pour y inclure les logements intermédiaires ».
« La classe moyenne est éligible au logement social »
Cette règle de la loi solidarité et renouvellement urbain impose aux communes des agglomérations les plus peuplées de respecter un taux de 25% de logements sociaux, ce qu’une minorité d’entre elles parviennent dans les faits à atteindre – 10 sur 50 en Gironde, par exemple.
« La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) de 2000 n’a pas encore pleinement produit les fruits attendus », reconnaissent les élus locaux dans leur missive. Mais ce taux de 25% est, selon eux, « l’indicateur de la mixité sociale de l’habitat », « le thermomètre de la ségrégation socio-spatiale contre laquelle nous luttons ensemble, collectivités et Etat, par des rénovations urbaines ambitieuses » dans les quartiers.
Aussi, « “casser le thermomètre” n’est pas la bonne solution » martèlent les maires, rappelant que « la classe moyenne est éligible au logement social ». Ainsi, à Bordeaux, un couple avec deux enfants peut y avoir droit lorsque ses revenus sont inférieurs ou égaux à 4 755 €/mois en moyenne, ce qui place ce ménage parmi les 10 % des Français les plus aisés…
« Pour autant, elle n’y a pas accès car notre difficulté principale réside dans l’obtention au prix soutenable des fonciers nécessaires à la production de ces nouveaux logements. Le logement intermédiaire, quant à lui, trouve déjà sa place dans nos communes : plus facile à développer pour nos opérateurs, il répond aux besoins d’une autre partie de la population, dont les revenus peuvent s’établir à plus de 80 000 € annuels pour un couple avec deux enfants. »
Le logement intermédiaire réservé aux plus aisés
A Bordeaux, toujours, le loyer d’un 80 m² en logement locatif intermédiaire « s’établit à 1047,20 € maximum, inaccessible pour la classe moyenne ». Ainsi, le logement intermédiaire « n’est pas du logement social » car « il ne s’adresse pas à la classe moyenne au sens de l’observatoire des inégalités » :
« Une toute petite part des demandeurs de logement social peuvent prétendre au logement intermédiaire. En outre, les logements intermédiaires ne garantissent pas une offre abordable sur le long terme puisque revendus sans contrainte. »
L’inclure dans le décompte SRU serait « une erreur politique majeure », écrivent les maires :
« Cette réforme aurait, à notre sens, un premier effet néfaste : celui de faire passer mécaniquement la barre des 25% à de nombreuses villes actuellement en-deçà. Ce faisant, l’incitation à la production de logement social en serait amoindrie dans tout le pays, lorsqu’on compte 2,6 millions de demandeurs enregistrés » – plus de 40000 dans la métropole bordelaise.
Les maires demandent à être reçus
Les élus locaux réclament au contraire des mesures en faveur de la production de logements sociaux et très sociaux, « à l’heure où la crise sociale s’aggrave, où les difficultés de paiement de loyers se multiplient et où le nombre de personnes sans domicile dans nos rues augmente« .
Ils demandent notamment « le retour de l’Etat dans le financement du fonds national des aides à la pierre », « un dispositif d’encadrement des prix du foncier à l’instar de celui expérimenté pour l’encadrement des loyers », la mobilisation des terrains de l’Etat pour y produire des logements sociaux.
Appelant à la nomination d’un « ministre au logement de plein exercice », les maires et présidents de métropole proposent à Gabriel Attal une réunion de travail pour « exposer leurs difficultés de terrain » et « en dégager collectivement des solutions préservant une réelle ambition de mixité sociale ».
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