Bordeaux fait le plein d’expositions pour les vacances de printemps. Au Capc, au musée des Beaux-Arts, en passant par l’espace Saint-Rémi et la salle Mably, le Frac et la Fabrique Pola, il y en a pour tous les goûts.
Auto : Les combinaisons culturelles de Nina Beier au Capc
Le premier contact avec l’exposition Auto de Nina Beier au Capc est sensoriel. Il passe par les pieds, le sol de la nef étant couvert d’une moquette blanche. Il ne s’agit pas d’une installation à proprement parler, mais plutôt d’un « accrochage ». Les guillemets s’imposent puisqu’aucune des 24 œuvres de cette rétrospective n’est au mur, elles sont toutes disposées sur le sol, la moquette étant l’élément qui fait le lien entre elles, sauf une présentée à l’écart et sous vitrine.
Il faut prévoir donc de se déchausser (à défaut mettre des surchaussures jetables fournies à l’accueil). C’est à « une échelle domestique » – selon les termes de Sandra Patron, la directrice du musée – que le public est invité à aborder le travail de deux décennies de l’artiste. Ceux qui connaissent la nef découvriront certainement un autre rapport au lieu, sous un éclairage blanc puissant et cru qui demande tant bien que mal à cette architecture imposante de se faire discrète.
Une rétrospective décloisonnée
L’artiste danoise, qui vit et travaille entre Copenhague et Berlin, a étudié le cinéma et la photographie avant de se tourner vers l’art et la sculpture contemporaine.
« La question de documenter et de regarder le réel se trouve dans son œuvre, commente Sandra Patron, co-commissaire de l’exposition avec Cédric Fauq. Son travail est une autobiographie des objets. Auto, le titre de l’exposition est celui d’une œuvre, mais aussi une référence à l’autoportrait. »
Si cette rétrospective décloisonnée sur 1000 m2 crée des interactions entre les pièces, chacune d’elles offre naturellement sa propre lecture. Que ce soit des exercices d’abstraction (le socle d’une sculpture équestre…), ou des combinaisons thématiques (rocking chair et coco-fesses, voiture bolide et perruque…), Nina Beier assemble des objets glanés sur des plateformes de vente en ligne. La coïncidence est heureuse : extraits de gigantesques entrepôts de logistique (on l’imagine à l’instar des Alibaba ou Amazon), ses objets se trouvent ici dans l’entrepôt lainé par une subtile démarche artistique, comme sauvés des flux mercantiles et commerciaux.
- Nina Beier, Auto, jusqu’au 8 septembre 2024. Plus d’infos sur le site du Capc
Saison impressionniste : Rendez-vous avec deux chefs-d’œuvre au musée des Beaux-Arts
Le 15 avril 1874, 31 artistes – Monet, Renoir, Degas, Morisot, Sisley et Pissarro… pour ne citer qu’eux – organisent leur propre exposition en marge du Salon officiel dans l’atelier du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. Cette exposition a marqué le lancement de l’impressionnisme, un art qui voulait s’affranchir des contraintes académiques, et sept autres éditions ont confirmé l’émergence de ce mouvement.
Pour le 150e anniversaire de la première exposition impressionniste, le musée des Beaux-Arts de Bordeaux, comme plusieurs musées en France, s’associe aux célébrations nationales en accueillant un chef-d’œuvre prêté par le musée d’Orsay, Le Balcon d’Edouard Manet, et La Cabane des douaniers de Claude Monet, confiée au MusBA par le musée national des Douanes de Bordeaux le temps de ses travaux.
Instantané photographique
Le Balcon, huile sur toile peinte entre 1868 et 1869, saute aux yeux du spectateur dès son entrée dans l’aile nord du musée. Elle trône au fond, dans la salle Rosa-Bonheur, et attire le regard d’emblée par son audacieuse composition photographique. La scène, inspirée des Majas au balcon de Francisco Goya, se présente de face au spectateur. Les couleurs surprennent par leur modernité, notamment le vert des volets et de la rambarde. Le balcon découpe la partie basse du tableau donnant aux personnages un incroyable relief, renforcé par la netteté du premier plan et le flou qui s’accentue jusqu’au personnage à peine visible dans le noir.
Les trois premiers personnages sont des amis de Manet et affichent des postures et des expressions indépendantes les unes des autres. L’artiste Berthe Morisot, à gauche, est perdue dans ses pensées, la violoniste Fanny Claus, fixe sereinement le peintre, et le peintre Antoine Guillemet prend une pose, cigarette à la main, le regard dans une autre diagonale que celui de Morisot. Ce qui s’apparente à un travail de portrait révolutionne le genre par l’instantané qu’il propose.
D’autres tableaux entourent l’œuvre de Manet. En plus de La Cabane des douaniers de Claude Monet, on peut découvrir une sélection des collections du musée : Jean-Baptiste Corot, Eugène Boudin, Georges Seurat, Henri de Toulouse-Lautrec, Alfred Smith, Auguste Renoir, Berthe Morisot… sans oublier Henri Gervex et son magnifique Rolla.
- Saison impressionniste, jusqu’au 10 juin 2024. Plus d’infos sur le site du musée
Txatarra : Le monde selon Charlie Aubry
Inaugurée vendredi 12 avril, Txatarra est l’œuvre d’un « artiste-hacker » : Charlie Aubry. Portée par l’association Zébra3 et exposée pour la première fois à la Fabrique Pola, cette grande installation immersive, évolutive, participative et mobile a été réalisée avec des jeunes en insertion de l’AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville) et des étudiants de l’école des Beaux-Arts, avec des partenaires locaux du réemploi (Atelier Déco Solidaire, Amos et La Chemise Club).
Parallèlement à la réutilisation des matériaux, l’œuvre explore les rouages du numérique et en particulier les algorithmes. Cette approche se veut critique sur les relations entretenues au quotidien avec les technologies à travers notre rapport au smartphone, objet quasi (si ce n’est entièrement) aliénant de notre temps. Txatarra a été conçue grâce à une série d’ateliers d’initiation aux logiciels open source et à l’Intelligence artificielle, dans le but d’imaginer et de s’émanciper par la connaissance.
Seconde main
Txatarra, terme basque, en espagnol Chatarra, signifie : bricole, objet de peu de valeur. Mais comme tous les rebuts, les déchets, il s’agit d’un objet qui a eu une certaine valeur et qui l’a perdue, soit après un certain usage ou passé de mode. Dans tous les cas, il renvoie aux diktats de la consommation.
L’installation emprunte les codes de cet univers pour en faire un totem, un tas sur un plateau tournant autour de son axe, métaphore du temps qui passe. Aux dimensions imposantes, 5 mètres par 5 et 6 mètres de haut, elle renvoie à notre capacité de générer des rebuts. Au fil de ces rotations, des images et des sons viennent rappeler l’évanescence des choses et retenir les sensations qu’elle suscite.
Démontable, stockable, réutilisable, et adaptable à de nouveaux contextes, Txatarra a vocation à voyager à la rencontre d’autres citoyens et citoyennes, Clermont-Ferrand, Paris, Toulouse, Rome… chaque fois enrichie et réactivée par des jeunes et des artistes. Une sorte de seconde main inépuisable, une ode à la solidarité et au lien social.
- Txatarra, jusqu’au 19 mais 2024. Plus d’infos sur le site de Zébra3
Détenues : 10 ans après à Bordeaux
L’exposition Détenues, à la salle Mably, arrive à Bordeaux 10 ans après sa création. Elle était déjà passée par le château de Cadillac en 2018. Elle est de retour en Gironde car son auteure, Bettina Rheims, tient à rendre hommage à une Bordelaise, Isabelle Gorce, présidente de la cour d’appel de Bordeaux. A la genèse du projet en 2014, la magistrate était directrice de l’administration pénitentiaire et « a soutenu l’idée devant la réticence des hommes ».
Au départ, c’est Robert Badinter qui a encouragé la photographe à franchir la porte des prisons des femmes. Celle qui a photographié Madonna, Catherine Deneuve, Charlotte Rampling, Carole Bouquet, Marianne Faithfull, Claudia Schiffer… ou encore Jacques Chirac, dit s’être lancée sans « idée préconçue ». « J’avais peur », confie-t-elle, mais affirme cependant, à l’aboutissement de son projet, « avoir été plus utile que jamais dans son métier ».
Une fois l’appel lancé dans les prisons – de Rennes, Poitiers-Vivonne, Lyon-Corbas… –, 60 femmes ont été portraitisées. « Toutes celles qui se sont présentées » raconte Bettina Rheims qui témoigne de leur réel « plaisir qu’on s’intéresse à elles », même si certaines croyaient à « un piège ».
Comme à chaque exposition, la scénographie insiste sur les références carcérales : montants métalliques qui enferme chaque photo dans un espace éclairé à la lumière blanche et froide. Un dispositif toujours aussi encombrant.
- Exposition proposée par le Musée des arts décoratifs et du Design de Bordeaux (fermé pour travaux). Plus d’infos sur le site du Madd.
- A l’occasion de l’exposition, projection du film Au nom de la loi je vous libère suivi d’un échange avec Christian Jacquot, co-auteur du documentaire. Plus d’infos ici.
Festival Itinéraires des photographes voyageurs
Cette année, le festival s’associe au « mois de la photo » initié par la Ville de Bordeaux. Pour sa 33e édition, à découvrir jusqu’au 28 avril 2024, le festival investit différents lieux : l’espace Saint-Rémi, la bibliothèque Mériadeck, la galerie Arrêt sur l’image, les grilles du Jardin public, le Rocher de Palmer à Cenon et la Maison Bourbon.
Le travail de dix photographes est exposé parmi lesquels celui de Lisa Dua et des œuvres tirés de son ouvrage « Les loyautés », basés sur des photographies d’albums de familles ; ou encore celui de Thierry Girard à travers le projet « The Tenjin Omuta Line », nom d’une ligne de train sur une île de l’archipel japonais. Une série qui « s’intéresse particulièrement aux paysages vernaculaires du Japon, dans lesquels apparaissent de manière récurrente des artefacts et des éléments symboliques qui renvoient à la culture traditionnelle japonaise ».
- Plus d’infos sur la page facebook
La Nouvelle-Aquitaine exposée à la Méca
Du 5 avril au 6 octobre 2024, la Méca accueille l’exposition « Arpenter, photographier la Nouvelle-Aquitaine », un ensemble d’œuvres réalisées dans le cadre d’une commande photographique initiée par le Frac. Soutenue par la Région Nouvelle-Aquitaine, elle a eu pour objet « de confier aux neuf artistes invités (internationaux, nationaux et régionaux) la tâche de renouveler un certain regard vers le territoire, celui d’une vaste région, plurielle et en perpétuel mouvement ».
- Plus d’infos sur le site du Frac
Sérénité à la galerie Mapaï
Ouverte en septembre 2023, la galerie Mapaï présente sa deuxième exposition. Le fondateur du lieu, Jean Bercy, a voulu un espace hybride qui conjugue l’art et le bien-être. Jusqu’au 15 octobre 2024, il expose 9 artistes dans le cadre de la biennale Artivism, sous le commissariat de l’artiste Alexandra Mas.
- Plus d’infos sur le site de la galerie
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