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La croissance du sans-abrisme confirmée par La Nuit de la solidarité à Bordeaux

La municipalité de Bordeaux a dressé ce lundi 17 juin le bilan de la troisième édition de la Nuit de la solidarité du 25 janvier 2024. Une nouvelle augmentation est relevée cette année, bien qu’inscrite dans un phénomène national, avec 840 personnes sans-abri, dont 202 mineurs.

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La croissance du sans-abrisme confirmée par La Nuit de la solidarité à Bordeaux
Inès Bellakhal et Johanna Dagorn, de l’ARESVI, présentent les résultats de l’édition 2024.

Pour sa troisième édition, la Nuit de la solidarité revêt la marque d’un outil devenu « incontournable », concède le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, lors de la restitution des résultats, présentés ce lundi à l’Hôtel de Ville.

Depuis 2022, la ville de Bordeaux organise un recensement ponctuel des personnes sans-abri. Cette année, 215 agents de la ville, de la Métropole et du CCAS ont encadré plus de 400 bénévoles dans la soirée du 25 janvier.

840 sans-abri

Lors de cette édition 2024 de la Nuit de la solidarité, 840 personnes sans-abri ont été recensées : 466 d’entre elles vivent dans la rue et dans des campements, 374 dans des bidonvilles, dont 202 mineurs.

« Cette Nuit de la solidarité, c’est un temps de recensement essentiel pour améliorer cette connaissance des besoins des personnes à la rue, pour comprendre les parcours de vie mais aussi pour lutter contre les préjugés », détaille Catherine Darlon, directrice générale des solidarités et de la citoyenneté.

Outre le décompte, l’objectif est aussi d’aller vers ces personnes pour comprendre leurs besoins. L’Association de recherche et d’étude sur la santé, la ville et les inégalités (ARESVI) a cette encore assisté la Ville pour traiter de manière rigoureuse les résultats des questionnaires élaborés en amont et proposés aux sans-abri rencontrés.

« Il y a une croissance globale du phénomène de sans-abrisme en France. Dans cette situation, reviennent des parcours de plus en plus longs pour des personnes qui restent de plus en plus longtemps sans-abri », expose Inès Bellakhal, chargée de mission à l’ARESVI.

Parcours longs d’un an à plus de cinq ans

En 2023, 554 personnes sans-abri étaient recensées à Bordeaux : dans le détail, 486 personnes étaient sans-abri et 68 se trouvaient dans des lieux non visités lors de la Nuit de la solidarité. Ajouté au nombre d’individus recensées dans les squats, on atteignait un total de 736 personnes. L’augmentation constatée cette année, bien qu’inscrite dans un phénomène national, s’explique aussi par un changement de méthodologie avec « des secteurs mieux couverts », complète Inès Bellakhal.

Des constats fait l’année précédente viennent se confirmer : 60% des personnes interrogées s’inscrivent dans un parcours à la rue long, d’un an à plus de cinq ans. Un tiers des répondants déclare exercer une activité professionnelle :

« On voit bien que le travail ne prémunit pas de la rue, contrairement à des idées que l’on pouvait avoir jusqu’à il y a encore une dizaine d’années sur ces questions », assure la sociologue Johanna Dagorn.

Pour ce qui est des dispositifs d’urgence, comme le 115, ils sont de mieux en mieux connus, mais ne sont pas plus utilisés pour autant. La saturation des hébergements d’urgence et l’absence de solutions proposées en décourage beaucoup qui ne tentent alors même plus de passer un appel.

Pour faire face, la mairie affirme dans un communiqué avoir « hébergé 142 personnes au 1er trimestre 2024, dont 69 enfants (ils étaient 18 en 2020), 351 nuitées hôtelières financées en 2023 (156 en 2022) ». Suite à ces efforts, Bordeaux avait, avec quatre autre villes, déposé en février une requête auprès du Tribunal Administratif afin d’obtenir une compensation financière et « pour appeler à refonder le système de l’hébergement d’urgence ». Aucune avancée sur ce dossier là n’est mentionnée par l’édile.

Population plus familiale dans les bidonvilles

Un choix est fait cette année de distinguer le questionnaire réservé aux personnes rencontrées dans la rue de celui distribué dans les bidonvilles. La population y est plus familiale : 80% des interrogés ont des enfants, qui vivent avec eux ou non. Les parcours longs se confirment là aussi, avec 47% des personnes qui vivent depuis plus de cinq ans dans un bidonville de la Métropole.

« 82% d’entre-eux ont déjà vécu des expulsions et leur vie se fait au grès de ces expulsions », relève Johanna Dagorn dans ses observations.

Ces expulsions sont alors complètement intégrées dans le mode de vie, d’où l’usage important de la caravane, privilégiée pour sa mobilité.

Dans ces lieux en particulier, moins de 20% des répondants attestent bénéficier de prestations sociales. Ces non-demandes ne sont pas nécessairement volontaires mais souvent induites par un manque d’information. La faiblesse des actions « d’aller-vers » est pointée du doigt, en particulier dans les bidonvilles. Des enseignements qui doivent permettre à l’équipe municipale d’être « force de proposition », comme le souligne Catherine Darlon.


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