Ce choix va faire hurler les riverains, les associations et les maires des communes à proximité de l’aéroport de Bordeaux Mérignac, un des seuls en France à autoriser les mouvements d’aéronefs 24 heures sur 24.
Après de nombreuses réunions avec les parties prenantes autour de 6 scénarios de restrictions d’exploitation du trafic nocturne, commandés au bureau d’étude To70, le préfet de la Gironde, Etienne Guyot, a annoncé ce mercredi 29 janvier qu’il proposerait au ministre des transports une option sans couvre-feu, c’est-à-dire sans interdiction totale les vols de nuits.
Le scénario en question, présenté dans le cadre de l’ « étude d’impact selon le concept d’approche équilibré » interdirait seulement les mouvements aux avions les plus bruyants. Ceux dont la « marge acoustique cumulée est inférieure à 13 EPNdB (effective perceived noise decibel – niveau effectif de bruit perçu) pour les arrivées et à 15 EPNdB pour les départs » entre 22h et minuit. Et entre minuit et 6h, ceux dont cette marge est « inférieure à 17 EPNdB pour les arrivées et les départs ».
La préfecture considère que ces limitations liées au bruit des avions sont plus strictes que celles imposées dans les autres aéroports autorisant les vols de nuit, où elles se situent entre 10 et 13 EPNdB (soit un niveau acoustique en fait plus élevé). A condition que les compagnies fassent les investissements pour changer d’appareils.
Une minorité d’avions interdits
Mais concrètement, la mesure ne concernera qu’une minorité d’avions : selon le dossier de presse fourni mercredi par la préfecture, ces interdictions entraineraient la suppression 1115 vols de nuit par an, sur 6928 ayant eu lieu en 2023, représentant 10% du trafic total de l’aéroport. Et parallèlement, « 741 vols opérés par des avions plus modernes » vont être programmés. De fait, cela équivaudra à supprimer seulement 374 mouvements par an, soit 5,3% des vols.
« Le scénario proposé aujourd’hui au ministre des transports est le résultat d’un processus de concertation renforcé avec les élus, les riverains et les acteurs économiques opérant à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac », affirme Etienne Guyot :
« Fruit d’une analyse technique et objective des impacts de chaque scénario, il constitue le meilleur scénario d’équilibre entre la préservation du cadre de vie des habitants et le maintien de l’activité économique indispensable à l’attractivité de ce territoire. »
Mise en œuvre en 2026
L’Etat est actionnaire majoritaire de la plateforme girondine, « 8e aéroport français en nombre de passagers, qui sert également aux forces armées et à de nombreuses entreprises stratégiques », dont Dassault, rappelle son dossier de presse.
La mise en œuvre de ces restrictions d’exploitation est envisagée à partir de 2026. Il fera l’objet d’un arrêté soumis à consultation du public, puis à avis de la commission consultative de l’environnement (CCE), de l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et enfin de la Commission européenne.
« Pour permettre une observation transparente des effets de la mise en œuvre de ce scénario, le Préfet annonce l’installation prochaine d’un “observatoire des vols de nuit” permettant de suivre l’évolution des nuisances et des retards », promet la préfecture.
Un trafic qui s’envole
Sa proposition risque donc de ne pas satisfaire les associations de riverains et les élus, dont la présidente de Bordeaux Métropole et maire d’Eysines, Christine Bost. A Sud Ouest, celle-ci a qualifié de « premier pas » cette décision de la préfecture. « On a été menés en bateau », réagit au contraire Monique Guedon, présidente de l’association Environnement et patrimoine du bourg d’Eysines (EPBE), toujours auprès du quotidien :
« Après un travail colossal pendant dix-sept mois, les associations sont très déçues de ce choix qui privilégie l’aéroport et les compagnies aériennes. La santé des riverains est totalement ignorée. Nous avons été menés en bateau. »
Elles réclament de longue date une interdiction totale des vols au moins en « cœur de nuit », entre minuit et 6h, afin de respecter les recommandations d’exposition au bruit de l’Organisation mondiale de la santé.
L’année dernière, la présentation de 4 premiers scénarios, dont trois préconisant un couvre-feu plus ou moins étendu, avait suscité l’espoir que cette mesure soit adoptée à Bordeaux, un des derniers aéroports français (avec Nice, Lyon, Toulouse et Roissy) à autoriser les mouvements de nuit. Ceux-ci ont très fortement augmenté : il y en avait 5271 décollages et atterrissages en 2019, année de pic du trafic de l’aéroport, pour 6928, donc, en 2023. Mais l’an dernier, la préfecture de la Gironde a demandé au bureau d’étude deux nouveaux scénarios, dont celui finalement qui a été finalement retenu.
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