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Les cantines solidaires mijotent la recette du lien humain dans la métropole de Bordeaux

L’association Les Petites Cantines, fraîchement installée à Bordeaux, propose une autre manière de déjeuner. Du mardi au vendredi, elle organise des ateliers de cuisine participatifs, suivi d’un repas partagé. D’autres adresses ouvertes récemment dans la métropole, dont Les saveurs des Jalles à Saint-Médard, proposent aussi des menus à des prix solidaires.

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Les cantines solidaires mijotent la recette du lien humain dans la métropole de Bordeaux
Un atelier de cuisine aux Petites Cantines

Au cœur du quartier Bastide, sur la rive droite de Bordeaux, une grande cuisine ouverte attire les regards des passants. Il est 9h30 quand 10 personnes arrivent aux Petites Cantines rue Henri-Dunant. 5 participantes à l’atelier cuisine ce jeudi, accompagnée de 5 membres de l’association. Parmi eux, Bertrand, chef cuisinier, est le seul salarié, flanqué de deux jeunes en service civique et de deux bénévoles, qui interviennent une à deux fois par semaine.

Tous aux fourneaux

Autour d’un café, chacun fait connaissance. Les restes de dessert de la veille circulent. Ce matin-là, certains avaient même apporté des gâteaux maison, comme Leïla, qui découvrait la cantine pour la première fois. L’ambiance est déjà conviviale : tout le monde se tutoie rapidement. Bertrand, chef cuisinier, arrive les bras chargés de légumes et de fruits fraîchement achetés au marché. 

Après les présentations, chacun est réparti dans un rôle, enfile un tablier et rejoint son équipe : entrée, plat ou dessert. Pendant 2 heures, tout le monde va mettre la main à la patte, épaulée par Bertrand et Viane, cuisinière bénévole. Tous les produits sont locaux, de saison, achetés le matin même, ou un peu plus tôt dans la semaine. Ici, pas de hiérarchie, Bertrand « ne supporte pas qu’on l’appelle chef ».

Prix libres

Aux alentours de 12 h 30, les plats sortent des fourneaux et les personnes qui viennent pour déjeuner prennent le rythme. Ici, le prix est libre : chacun peut s’acquitter d’une adhésion libre, puis donner ce qu’il peut pour le repas, en fonction de ses moyens.

Les contributions varient fortement, de 0 € pour les personnes les plus précaires à 40 € pour les plus généreuses. Après un mois et demi de fonctionnement à Bordeaux, Bertrand explique que cela suffit jusqu’ici à faire vivre l’association. Selon lui, les autres Petites Cantines fonctionnent grâce à ce modèle-là, ce qui le rend optimiste pour la suite. Le soutien des bénévoles et la présence des jeunes en service civique apportent un renfort précieux, permettent aussi de faire tourner la cantine.

Chaque midi, le resto accueille en moyenne une vingtaine de convives, un nombre qui peut monter jusqu’à 40, la capacité maximale de la salle. La petite dizaine de personnes qui rejoint le groupe va installer la table, mettre le couvert et aider pour les derniers préparatifs. Tout le monde s’installe autour de 2 grandes tablées pour partager le repas. Certains sont des habitués, d’autres découvrent.

« Je travaille aussi dans une cantine près de la gare, raconte une participante. Un collègue m’en a parlé, alors je suis venue tester. C’est important de se soutenir entre cantines : ce n’est pas de la concurrence », explique une nouvelle cliente.

Bertrand, du Costa Rica aux fourneaux bordelais

Ancien chef d’entreprise dans la finance, Bertrand a passé quinze ans au Costa Rica avant de tout plaquer au moment du Covid. De retour en France, il suit une formation de cuisine, sa véritable passion. Quand il rejoint l’aventure des Petites Cantines, sa femme et son père le prennent pour un fou. Mais lui s’y retrouve enfin, il adore le contact humain. Et ça se sent : il circule de groupe en groupe, conseille, rigole, goûte, encourage. « On cherche avant tout à passer un bon moment », sourit-il. Aujourd’hui, il est le seul salarié de l’association et fait vivre la cantine avec sa bonne humeur et sa passion de transmettre.

À ses côtés, Julie et Romane, en service civique, épaulent l’équipe, toujours souriantes. Ce matin-là, Edwige, bénévole, est présente aussi, ainsi que Viane, qui pour la première fois officie comme “maître de service”. Dans ce rôle, elle a du préparer en amont le menu : ce midi, salade de courgettes, gratin dauphinois au butternut et gâteau au vin rouge. Tous les 5 forment une équipe qui travaille avec le sourire pour réunir et favoriser le lien entre les participants.

Des rencontres qui donnent envie de revenir

Pour Leïla, c’était une première. Membre d’une association de soutien aux familles à Bordeaux‑Bastide, elle propose notamment une épicerie sociale et solidaire et de nombreuses actions de proximité en faveur du lien social. Elle a rencontré Bertrand lors d’un événement du quartier, lui donnant envie de découvrir les ateliers de cuisine des Petites Cantines. Très impliquée dans la séance, elle confie :

« Ce qui me donne envie de revenir, c’est l’accueil. »

Ces cantines ne se limitent pas à nourrir le corps : elles alimentent aussi le lien social. Pour beaucoup, c’est un moment de rencontre avec d’autres, où l’on peut partager son quotidien, raconter sa vie ou simplement échanger un sourire. La Petite Cantine est installée dans un quartier récent – le Belvédère, construit dans le cadre de l’opération Euratlantique ; les habitants ne se connaissent pas forcément et les lieux de convivialité sont encore rares.

Ces ateliers et repas collectifs créent ainsi un espace de convivialité et de proximité, rappelant que se retrouver autour d’un repas est avant tout un moyen d’échanger et de se sentir moins seul. Parmi les convives, beaucoup découvrent la cantine par le bouche-à-oreille ou en passant devant. Les grandes baies vitrées qui entourent la cuisine attirent les curieux, qui seront peut-être les clients de demain. 

Une cantine, et bien plus encore

Le projet repose sur une seule association‑cadre, Les Petites Cantines Réseau, qui accompagne la création de cantines locales autonomes : chaque site est une association locale affiliée au réseau national. Depuis 2016, le concept s’est étendu à Lille, Strasbourg, Annecy, Mâcon, Metz et d’autres villes. 

Les Petites Cantines Bordeaux sont la 15ᵉ du réseau national, et la seule à ce jour dans la région Nouvelle-Aquitaine. D’ici la fin de l’année, 20 nouvelles enseignes devraient avoir ouvert leurs portes dans le pays, signe d’un vrai engouement pour ces lieux où l’on partage bien plus qu’un repas.

Dans Bordeaux et sa métropole, d’autres adresses de cantines solidaires se sont créées ces dernières années, afin de proposer des repas accessibles à tous, dans une logique de justice alimentaire et de lutte contre l’isolement.

La Cuisine de Camille, ouverte depuis 2021 près des Capucins, fonctionne de la même manière que Les Petites Cantines. Elle propose depuis 3 ans des ateliers de cuisine an amont des repas solidaires à prix libres, proposés les jeudis de chaque semaine. En dehors des repas solidaires du jeudi, La Cuisine de Camille reste active : elle accueille des ateliers de cuisine pour les familles et les groupes, propose des sessions pour les entreprises et peut aussi intervenir à l’extérieur avec des chefs ou animateurs culinaires.

Des repas suspendus

Toujours à Bordeaux, le Petit Parc, ouvert depuis plus de 3 ans en face de la piscine de Grand Parc, est un café-cantine qui a récemment lancé l’expérimentation des « prix libres » sur sa carte de boissons.

De son côté, la Marmite Traiteur, 21 Rue des Menuts, propose des paniers repas variant entre 19,90€ et 26,06€, du lundi au vendredi. L’entreprise exploité ces ateliers comme un moyen d’insertion. Porté par ENVOL 33, elle forme et accompagne des personnes éloignées de l’emploi en les intégrant à un atelier de restauration, où les repas sont préparés avec des produits locaux et dans une démarche anti-gaspillage.

À Saint-Médard-en-Jalles, Les Saveurs des Jalles ont démarré leur activité le 23 septembre dernier en plein centre-ville. Le restaurant accueille jusqu’à trente personnes, trois jours par semaine, autour d’un menu fraîchement cuisiné chaque matin, à partir de produits locaux provenant notamment d’un boucher du quartier et de maraîchers du Haillan.

Proposé à 10 euros (6 euros pour les enfants), le repas peut aussi être « suspendu » grâce aux dons déposés par les clients dans un cochonnet sur le comptoir : ces contributions permettent au CCAS (centre communal d’action social) d’offrir des déjeuners gratuits ou à tarif social aux habitants les plus isolés ou fragilisés.


#restaurants

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