« Vous me manquez déjà, le quartier va me manquer », lisait-on sur un papier derrière la vitrine de la librairie Au Petit Chaperon Rouge. Installée depuis son ouverture le 1er août 2007 au 356 avenue Thiers à La Bastide, elle a été placée en liquidation judiciaire le 27 août dernier. Cette fermeture a été de toute évidence une expérience douloureuse pour Dominique Séguin – que nous avons tenté de joindre, sans succès. Elle a écrit sur son compte Instagram :
« J’ai tellement passionnément à la folie aimé être là, à cet endroit précisément, avec vous les enfants, avec vous les adolescents et vous, les adultes, vous tous si exigeants… j’espère de tout mon cœur avoir répondu à vos attentes. »
Dominique Séguin concède : « J’ai essayé, je n’ai pas réussi ». Avant de se lancer, elle affichait pourtant une solide expérience d’une quinzaine d’années dans la librairie jeunesse. Cependant, les difficultés de trésorerie se sont accumulées, puisque, un an auparavant, elle avait lancé un appel à soutien ayant réuni plus de 10 000 €.

Trésors en stock
Selon les chiffres de l’association Lina (librairies indépendantes en Nouvelle-Aquitaine), deux établissements indépendants ont fermé l’an dernier à Bordeaux, Au petit chaperon rouge et la Librairie du Basilic (ouverte en 2023). La ville en compte à ce jour 12 (Mollat inclus).
Mais pour combien de temps encore ? La situation de trésorerie des librairies indépendantes est en effet décrite comme de plus en plus fragile. Dès qu’un creux de ventes survient, celle-ci « s’amenuise », jusqu’à rendre impossible le passage d’un cap décrit Romane Camus Cherruau, coordinatrice de Lina :
« Au niveau du Syndicat de la librairie française, certaines analyses font état d’un modèle économique qui n’est plus viable pour la librairie. Les charges et coûts généraux sont de plus en plus élevées, et le prix du livre a augmenté, mais pas au niveau de l’inflation de ces dernières années, alors que les marges sont les mêmes. »
À cela s’ajoute une contrainte structurelle : les libraires doivent acheter les livres qu’ils mettent en rayon. Ils paient donc le stock, même s’ils disposent d’un délai de facturation. Le mécanisme repose sur un équilibre très fin : commander, recevoir les ouvrages, les vendre assez vite et utiliser le produit des ventes pour régler ensuite la facture au distributeur dans un délai généralement autour de 30 jours.
Ce décalage offre une respiration, mais il reste un besoin de trésorerie immédiat, avant que les retours, ou les ventes, ne compensent l’achat. Le retour des livres invendus, possible en moyenne dans les trois mois, implique aussi du travail, du temps et de la gestion. « Le fait d’avoir environ 70 000 nouveautés par an oblige les libraires à acheter en continu » et accentue cette pression selon Romane Camus Cherruau :
« Il y a quand même un impératif économique qui fait que si on n’a pas les derniers livres de la rentrée littéraire quand on est dans le centre de Bordeaux, forcément, ça pénalise la librairie sur ses ventes, puisque c’est attendu par beaucoup. »
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