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Quand le chômage touche aussi les footballeurs

3 347 700 personnes inscrites sur les listes de Pôle Emploi, dont quelques footballeurs. Loin des sommes d’argent astronomiques brassées par les grands clubs de Ligue 1, certains joueurs restent sur la touche. N’est pas Zlatan qui veut. Chômage, difficultés à trouver un club, concurrence… La vie de footballeur n’est pas qu’un jeu. Rencontre avec des joueurs aux parcours (parfois) contrariés.

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Quand le chômage touche aussi les footballeurs

Au chômage malgré lui, Hervé Bugnet n'a pas joué son "dernier" match. (Wikipedia)
Écarté de l’élite malgré lui, Hervé Bugnet n’a pas joué son « dernier » match. (Wikipedia)

Quand on est enfant, on a des rêves plein la tête et Hervé Bugnet se voyait bien footballeur professionnel. « Je joue au foot depuis que je marche », se souvient cet attaquant au parcours prometteur. Mais aujourd’hui, à 32 ans, il est un chômeur du ballon du rond. Pour Hervé, les portes se sont refermées (trop tôt) à Evian Thonon Gaillard. Un club qui l’avait pourtant fait venir pour assurer le maintien en National, avant de connaître l’ascension en Ligue 2, puis en Ligue 1.

Tout avait pourtant bien commencé pour cet enfant de la balle. A 10 ans, ce natif de Sainte-Foy-la-Grande intègre le club des Girondins de Bordeaux et gravit tous les échelons avec les Marine et Blanc, mais aussi en équipe de France, « sauf en équipe A » souligne le joueur. Un avenir tout tracé semble se dessiner pour le jeune attaquant.

Au cours de sa carrière, il joue sous la houlette d’entraîneurs de renom – Elie Baup à Bordeaux, Rudi Garcia à Dijon –, puis tente sa chance en Espagne, avant de revenir en France – Niort, puis le club de Croix de Savoie, qui deviendra Evian TG. C’est à ce moment-là que sa carrière prend l’eau…

« Je n’ai pas joué mon “dernier” match comme les autres joueurs le font »

Une première blessure des ligaments croisés brise son élan. Une fois remis sur pied, le club veut le prêter, Hervé Bugnet veut rester.

« Cela a été comme une deuxième blessure, estime-t-il. Il ne faut pas croire, tout vient du cerveau. Le mental joue sur l’état physique. Si on m’avait donné ma chance, j’aurais tout donné, à 300%. »

L’attaquant ne comprend pas pourquoi il a été écarté.

« Un jour, l’entraîneur, Pascal Dupraz, m’a dit que s’il ne m’avait pas titularisé, c’était parce que j’avais trop de joie de vivre… Je pense que sans cela ma carrière aurait été tout autre. Je leur en veux. »

Contacté par Rue89 Bordeaux, les dirigeants d’Evian TG n’ont pas voulu répondre à nos questions sur ce sujet.

Après son départ d’Evian en juin dernier, Hervé Bugnet ne trouve pas de club, et arrête sa carrière professionnelle sur un goût d’inachevé.

« Je n’ai pas joué mon “dernier” match comme les autres joueurs le font », remarque-t-il, mettant au passage en cause le rôle des agents, qui « trouvent plus facilement un club pour des Ibrahimovic ». Il porte désormais les couleurs du Stade Bordelais, en CFA. « Il faut s’adapter. Ce n’est pas forcément facile au début » mais l’envie de jouer au football est toujours là.

Aux portes du football professionnel

Si Hervé Bugnet a eu une honorable carrière de joueur professionnel, d’autres n’ont pas forcément eu cette chance. Malgré des qualités reconnues et une volonté de fer, David Perisset n’a pas réussi à pousser les portes du football professionnel, et il est aujourd’hui vendeur de voitures à Bordeaux.

« Jeune, j’étais pourtant en avance sur les autres. J’ai fait toutes mes classes à Lyon. »

Pré-sélectionné en équipe de France jeunes avec de futurs grands noms du football français, notamment Yohan Cabaye et Yoann Gourcuff, il devient « joker de luxe » à l’OL.

Peut-être trop impatient, il a envie d’autre chose. Il enchaînera les clubs : Louhans Cuiseaux, un passage de quatre mois en Italie à Crevalcore où il sera « impressionné par la qualité de la préparation », Saint-Priest, la Corse, Mont-de-Marsan…

« C’est le parcours du combattant pour trouver un club. Comme j’ai touché le chômage à mon départ de Lyon pendant deux ans, j’ai même accepté de jouer pour ces clubs gratuitement. J’étais logé, nourri, blanchi. A 18 ans, ce n’est pas si mal. »

Et surtout cela permet d’avoir du temps de jeu et ne pas perdre le rythme. Pendant ces années de chômage, il prend aussi le temps de se former. « J’ai vu que l’ANPE proposait des formations » explique David. Conducteur d’engins, grutier… il travaille pour pouvoir continuer à jouer au football. Un comble.

Mais à 24 ans, alors qu’il joue sous les couleurs de Mont-de-Marsan, il se remet en question. « Si je ne suis pas titulaire maintenant, cela ne sert à rien de continuer… » Pas facile de mettre un terme à ses aspirations footballistiques.

Récemment reconverti dans la région bordelaise, il regrette un peu de ne pas avoir été plus patient. Sa consolation ? « Voir ma sœur Eve jouer au football » reconnaît David. Une sœur promise à une belle carrière puisqu’elle fait déjà les belles heures de l’équipe féminine de l’Olympique Lyonnais. Le nom Perisset brille donc encore un peu dans la planète du ballon rond.

Des solutions pour rebondir ?

Hervé Bugnet et David Perisset ne sont pas des cas isolés.

Qu’ils aient joué chez les pros ou pas, ils sont nombreux à avoir espéré vivre de leur passion. Mais une blessure, des conflits avec les dirigeants, la concurrence extrême sont autant d’embûches à surmonter pour quiconque veut percer dans le milieu professionnel.

« Quand on est jeune, on a toujours l’espoir de rebondir et d’avoir une seconde chance. Mais quand la porte se ferme, c’est difficile pour la rouvrir » reconnaît l’ancien international Jean-Pierre Papin.

Marseille, Milan, Munich, Bordeaux…, la carrière de JPP fait rêver les aspirants footballeurs. S’il a rangé les crampons, il n’en oublie pas pour autant les difficultés qui jalonnent le parcours d’un joueur professionnel. L’ancien international, désormais consultant sur la chaîne BeIn Sport, explique :

« Pour avoir du temps de jeu et espérer se faire repérer, il faut compter sur les joueurs suspendus ou blessés pour avoir sa chance. Mais il faut aussi savoir mettre son orgueil dans sa poche et accepter d’aller jouer avec l’équipe réserve ou en amateur. Ce n’est pas toujours évident et pourtant beaucoup ont oublié qu’ils sont passés par le football amateur. Dans ce football du dimanche, il y a beaucoup de talent. »

Pour mettre ce football à l’honneur, l’inventeur de la papinade a lancé un site Internet regroupant les plus beaux buts du football amateur.

Mais dans la réalité, passer du football professionnel au monde amateur est synonyme de changement de statut qui s’accompagne de revenus à la baisse. « Je vivote du football… mais c’est loin des sommes que je gagnais il y a encore six mois » avoue Hervé Bugnet, sans club professionnel depuis la fin de saison dernière. Il ajoute avec humour :

« Employé depuis l’âge de 14 ans, maintenant je suis au chômage. Si le football est un des plus beaux métiers du monde, je peux vous dire que ce n’est pas évident pour Pôle Emploi de nous trouver un boulot. »

Contrairement au rugby où les centres de formation ont l’obligation de proposer des formations professionnelles aux jeunes, les footballeurs ne sont pas préparés à l’après-carrière. « Il faut pourtant penser à la reconversion » reconnaît JPP, ancien capitaine de l’équipe de France.

Jean-Pierre Papin, ancien capitaine de l'équipe de France de foot (DR)
Jean-Pierre Papin, ancien capitaine de l’équipe de France de foot (DR)

Les stages de la dernière chance

Mais avant de tirer un trait sur leurs aspirations de football professionnel, les chômeurs du football, appelés aussi « joueurs libres », peuvent compter sur l’UNFP (Union Nationale du Football Professionnel). Chaque fin de saison, sur les 1 150 professionnels en France, un tiers d’entre eux seront en fin de contrat. Pascal Bollini, chargé de mission reconversion pour Europ Sport (une filière de l’UNFP), les aide à surmonter cette période délicate et les suit dans leurs démarches. Il explique :

« Un joueur de football professionnel se retrouve en fin de contrat le 30 juin. Le 1er juillet, il s’inscrit au Pôle Emploi avec qui nous travaillons. S’il ne retrouve pas de club dans l’immédiat, on lui propose de rejoindre les stages UNFP. »

Parmi ses adhérents, l’UNFP sélectionne un groupe de 25 à 30 joueurs qui pourront participer à ce stage.

« Nous permettons aux joueurs de ne pas rester seuls et d’être accompagnés par toute une équipe (logistique, entraîneurs et kinésithérapeutes). Ils bénéficient aussi d’installations de premier choix pour s’entraîner dans de très bonnes conditions. Et surtout ils jouent des matches contre des équipes professionnelles, idéal pour se faire voir », argumente Pascal Bollini.

 

« Plus jeune, j’ai participé à ces stages en 2006 et 2007. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai signé avec Evian » précise Hervé Bugnet.

Mais sur les 300 joueurs libres recensés par l’UNFP, ils sont peu à trouver des clubs.

« Il est toujours déplorable d’avoir des joueurs en fin de contrat et au chômage. Mais la réalité est là, constate le représentant de l’UNFP. Malgré tout, 50% des joueurs participant aux stages retrouvent un contrat professionnel en Ligue 1, Ligue 2 ou en National… car il y a des clubs professionnels en National. Ils peuvent aussi signer un contrat fédéral ou partir à l’étranger. »

Les footballeurs ont donc des solutions avant de prendre leur retraite et de plancher sur leur reconversion. Pour Jean-Pierre Papin, l’après-carrière se passe sur le petit écran (BeIn Sport) et dans le Sud-Ouest où il a posé ses valises.

« Ma vie est à Bordeaux. J’y habite depuis 17 ans. Ce serait très compliqué de me passer du Bassin maintenant. »

Le signe d’une retraite réussie ?


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