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En finir avec les pesticides (2/6) : « C’est compliqué de dire à son père : “Je ne vais pas faire comme toi” »

Ces viticulteurs en ont marre de la came qui tourne dans les vignes du coin. Avec leurs armes, ils luttent. Certains depuis le début de leur métier, d’autres après des années plongés dans les pesticides. Il y a les réussites, les doutes, les échecs et surtout une grande dose de détermination. Au château Maison Blanche, à Montagne, Nicolas Despagne cultive 33 hectares en biodynamie. Suite de notre série de portraits signés Baptiste Giraud et Xavier Ridon.

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En finir avec les pesticides (2/6) : « C’est compliqué de dire à son père : “Je ne vais pas faire comme toi” »

« 95 % des vignerons n’ont pas d’idée du vin qu’il veulent faire, ils veulent juste le vendre. »

Nicolas Despagne peste contre ces vins qu’il juge identiques, telles les pièces figées d’un musée.

« Aujourd’hui la vinification c’est la fête du slip : on chauffe à 70°, on ajoute des levures, des copeaux de bois, des sulfites, on mélange des raisins de ci et de là… On devrait appeler le résultat ‘préparation à base de raisin fermenté’. »

Amoureux des contre-pieds, il prend à rebrousse-poil ce système industriel et ses vins monotones. Jusqu’à l’extrême avec « Vinum Simplex ». Un « vin simple » littéralement : le jus des raisins, issus d’un seul cépage (Merlot ou Cabernet franc), est vinifié sans aucun additif, puis mis à reposer un an dans une jarre en terre. Un vin simple, à l’image de la limpidité (presque théâtrale) avec laquelle il parle de son terroir, de son travail.

D’abord, il faut rappeler l’un de ses adages.

« La tradition ce n’est pas garder des cendres mais entretenir une flamme. »

C’est du Jaurès. On n’est pas surpris lorsqu’il ajoute qu’il veut mettre « l’humain devant ». Nicolas Despagne a donc depuis trois millésimes ré-instauré des vendanges faîtes à la main (par des « contrats précaires », admet-il lui-même).

Nicolas Despagne, viticulteur à Montagne (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)
Nicolas Despagne, viticulteur à Montagne (Xavier Ridon/Rue89 Bordeaux)

Reverdir les déserts

Il entretient la flamme d’une agriculture qui sait faire sans pesticides, entre permaculture et agroécologie. Il fait pousser luzerne et choux, ces légumineuses qui apportent l’azote au sol. Il ne laboure plus son sol, promet d’arracher quelques ceps pour planter des arbres fruitiers parmi les vignes, dresser à nouveau des haies, laisser les trèfles et les herbes naturelles dans les rangs (les sarcler, les enfouir sous les pieds).

« Je veux ajouter de la diversité végétale au milieu de ces océans… de ces déserts », se corrige-t-il.

Et en bordure de ces vignes, bœufs et moutons sont là. Il espère que les oiseaux nicheront dans les nouveaux arbres. Au rayon des produits pour protéger ses plantes, il utilise de la bouillie bordelaise (« un gramme de cuivre par pied par an ») et surtout l’attirail biodynamique : purin d’ortie, tisane de prêle, du talc, de l’argile.

« La différence entre les chimiques et nous [les bios] c’est que si vous attrapez un rhume, vous prenez une aspirine. Nous, on n’a pas d’aspirine, on a le ciré qu’on met sur le dos pour pas prendre la flotte. Mais s’il a flotté et que vous mettez le ciré par-dessus, ça sert à rien et vous courrez après la maladie. »

Miracles de la chimie

Même la vinification est revue. Il évite un maximum d’additifs et ironise sur la vinification conventionnelle aux copeaux de bois :

« On essaie de faire croire que le vin c’est naturel, mais ce n’est plus ça. C’est construit. Ils ont toutes les machines et tous les intrants pour faire le vin qu’ils veulent. »

Mais il avoue qu’il doit aussi beaucoup à l’industrie chimique – pas ses produits mais ses méthodes d’application. Il raconte ces agriculteurs bio qui par le passé, avant les années 1990, ont détruit leurs propres sols à force d’épandre des cuivres, pendant que l’industrie chimique promouvait des pratiques efficientes, comme épandre avant la pluie. Et puis, il ne jette pas la pierre :

« Je comprends la génération d’avant qui a adopté toutes ces méthodes. Plus besoin de labourer, tu désherbes ! C’était un miracle. La science et la technologie changeaient le monde. Plus besoin de se casser le dos. »

Son père faisait du tout chimique. Ses rendements ont cru de 45 à 60 hectolitres par hectares. Nicolas Despagne a hérité de ses terres, pas de ses pratiques :

« C’est compliqué de dire à son père : ton outil est magnifique, tu as du pognon, mais je ne vais pas faire comme ça. »

In Vinum Simplex veritas

En 2001, il le convainc de prendre 3 hectares en biodynamie. Aujourd’hui, il possède la totalité du château Maison Blanche. Le rendement descend à 42 hecto/ha. Avec le temps, son frère et sa sœur l’ont suivi sur leur château Maison Blanche-Montagne et La Rose Figeac-Pomerol. Ses trois enfants, en revanche, « pas sûr qu’ils soient passionnés ».

Si certaines fins de mois sont encore difficiles, il est fier de son taf quand il vend son vin :

« Quand je dis qu’il contient 14 degrés d’alcool et des sulfites, je parle des deux poisons qu’il y a dans mon vin. Le poison naturel des levures naturelles qui font l’alcool et celui que j’ai rajouté, les sulfites. Point barre. »

Et encore, des sulfites, tous n’en ont pas et le Vinum Simplex en est la délicate preuve.


#pesticides

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