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La nuit, la métropole bordelaise s’éteint peu à peu

Afin de réduire la facture énergétique et la pollution lumineuse, plusieurs communes s’essaient depuis 2015 à l’extinction de l’éclairage public la nuit, sans nuire à la sécurité de ses habitants. Par Louise Saubade et Sébastien Rouet.

Carte interactive

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La nuit, la métropole bordelaise s’éteint peu à peu


Le Taillan-Médoc a ouvert la voie en septembre 2015. La commune de la métropole bordelaise a été la première à éteindre l’éclairage public la nuit. Elle a ainsi économisé 30 000 euros par an sur sa facture d’électricité, mais surtout réduit les nuisances lumineuses qui impactent la faune et la flore.

« On revoit de plus en plus d’espèces qui avaient jusque-là disparues », assure Mathieu Bigné, responsable voirie et domaine public de la commune du Taillan-Médoc.

Pour Bègles, seule mairie écolo de la métropole, la motivation environnementale a bien sûr pesé dans sa décision récente de limiter son éclairage public. Au lendemain de la fête de la Morue, la commune a progressivement éteint ses candélabres, quartier par quartier. Jusqu’à l’extinction totale à partir du 7 juin, entre 1h30 et 5h du matin. La Ville souhaite ainsi participer au bon développement des espèces végétales, et ne plus perturber le cycle des animaux en milieu urbain.

La ville de Mérignac, plongée dans le noir depuis le 15 septembre 2017, partage cette position :

« Les halos de lumière ont des effets sur la flore et la faune : des oiseaux sont désorientés, des insectes nocturnes s’agrègent autour des réverbères, attirant des chauves souris qui finissent par consacrer trop de temps à se nourrir et moins à se reproduire. Quand l’alternance jour-nuit n’est pas respectée, c’est un équilibre écologique subtil qui est menacé » précise la Mission Agenda 21 de la commune.

Or, selon l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturne (Anpcen), la quantité de lumière émise la nuit en France a bondi de 94 % en seulement 20 ans. Il est donc urgent de réduire la pollution lumineuse des villes afin de préserver l’environnement.

Une facture énergétique allégée

Si cette expérimentation tente les élus bordelais, c’est aussi et surtout parce qu’elle réduit considérablement la facture énergétique de leur commune.

Ainsi, le couvre-feu à Mérignac permet une économie d’environ 170 000 euros par an, soit 19 % de la facture d’électricité pour l’éclairage public de la ville en 2016. À Blanquefort, où les rues ne sont plus éclairées la nuit depuis le 15 septembre 2017, la mairie espère une économie de 45 000 euros par an.

Un communiqué de la municipalité béglaise détaille le rendement de cette mesure :

« À Bègles, l’éclairage public fonctionne 4 100 heures par an et représente un coût annuel de 290 000 euros à la collectivité. Avec la coupe de l’éclairage public la nuit, ce sont 1 277 heures par an de fonctionnement en moins et une économie annuelle attendue de 80 000 euros, soit 27,5 % de la facture globale d’électricité. »

En outre, Eysines rappelle qu’avec « cette économie d’énergie de 45 %, la durée de vie du matériel croît et les besoins en maintenance déclinent ». Soit 21 000 euros d’économisés chaque année.

Peur du noir

Cependant, plonger une commune dans le noir n’est pas du goût de tous, de part le sentiment d’insécurité accrue des habitants. Le Haillan a coupé l’éclairage public nocturne depuis septembre dernier :

« Nos habitants étaient au départ assez anxieux, surtout par rapport à l’insécurité que pouvait entraîner ce dispositif », reconnaît la mairie par la voix de son responsable du domaine public Arnaud Chevillot.

Pourtant, il semblerait que ce phénomène anxiogène ne soit pas vérifié, à en croire les propos d’Agnès Versepuy, maire du Taillan-Médoc, lors d’un conseil de métropole en 2017 :

« Il y a eu au départ des craintes liées à une augmentation du nombre d’accidents et de cambriolages. Les chiffres que nous avons démontrent après un an qu’il n’y a eu aucun impact (les cambriolages ont en général lieu de jour quand les gens ne sont pas chez eux). Ce sont surtout quelques parents qui se sont montrés inquiets pour leurs enfants amenés à prendre le bus très tard. Mais en fait, l’extinction porte sur le créneau qui va de 1h à 5h du matin. »

En effet, le couvre-feu est adapté à l’arrêt de circulation des transports en commun. L’éclairage nocturne est par ailleurs maintenu toute la nuit sur les places bénéficiant d’un système de vidéosurveillance – la place Charles de Gaulle à Mérignac – et les soirs de festivités (Fête de la musique, 14 Juillet).

La sécurité routière n’est pas non plus en reste. Une limitation de l’éclairage pousse en réalité les automobilistes à plus de vigilance, et donc à réduire leur vitesse. Mérignac s’est toutefois engagée à renforcer la signalisation routière aux abords d’éventuels obstacles. Et Bègles de mettre à disposition des piétons et cyclistes des équipements adaptés à leur sécurité afin d’être bien visibles la nuit.

La Belle endormie, la lumière allumée

En revanche, l’extinction de l’éclairage public durant la nuit à Bordeaux semble pour le moment compliqué à instaurer. Les différences entre les quartiers ne permettent pas pour le moment une homogénéisation du dispositif. Il est par exemple difficile d’éteindre la lumière dans les zones touristiques.

La Mairie de Bordeaux défend toutefois une politique commune menée dans la métropole. Selon ses dires, la capitale girondine a été précurseur en la matière en testant des lampadaires à capteur qui s’éteignent lorsqu’il n’y a personne la nuit. Dans certains quartiers des expérimentations sont en cours, notamment autour des stades Chaban-Delmas et Matmut Atlantique. Mais dans le centre-ville, la police et la préfecture déconseillent fortement l’extinction de l’éclairage public la nuit par mesure de sécurité.

Vous trouverez ci-dessous notre carte interactive faisant un état des lieux de l’éclairage public sur Bordeaux et son agglomération. Cliquez sur les communes concernées pour obtenir plus d’informations.


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