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Squats : opération portes ouvertes à Bègles

Quatre tentatives d’ouverture de squat, deux succès pour un collectif de militants contre le mal-logement. Depuis quelques jours, ils tentaient d’installer des familles ainsi que des étudiants sans domicile dans des maisons à l’abandon, dans le quartier de Terres-Neuves, à Bègles. Ce mercredi matin, la police est intervenue pour expulser immédiatement deux d’entre eux.

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Squats : opération portes ouvertes à Bègles

Ouvrir quatre squats simultanément, dans des maisons inoccupées : c’est du « jamais vu », selon Alex, l’un des militants et « ouvreurs de squat » à l’origine de cette action. Elle devait permettre à quelques familles, mais aussi à des étudiants, de vivre les prochaines semaines un peu plus sereinement.

« Cela fait deux mois que nous dormons dans une voiture, avec mon mari et mes enfants de 3, 6 et 10 ans. C’est très difficile », témoigne cette mère de famille albanaise.

Arrivés ici il y a 13 mois, ils vivaient auparavant dans un foyer à Villenave d’Ornon (où sont scolarisés leurs enfants). Leur demande d’asile ayant été refusée, ils ont déposé une nouvelle demande pour « étranger malade » : le père souffre d’une hépatite B, qui l’oblige à suivre un traitement qu’il lui serait impossible de se procurer en Albanie, selon eux.

Pavillon noir

Depuis quelques jours, ils se sont installés dans une maison abandonnée de la rue Alexis Capelle. Le propriétaire, Vilogia, a assuré à Rue89 Bordeaux avoir saisi « les pouvoirs publics afin de faire cesser cette occupation sans droit ni titre ».

« En l’état, ce pavillon n’est pas à même d’accueillir des occupants : les conditions sanitaires et de sécurité sont impropres à l’habitation » justifie son service de communication.

Ce logement serait destiné à être rasé, afin de construire un « petit immeuble ».

Une vingtaine de personnes sont venues soutenir l’ouverture de ces squats, ici rue Alexis Capelle (BG/Rue89 Bordeaux)

En parallèle, deux familles arméniennes devaient s’installer au n°23 de la rue Charles Domercq, toujours à Bègles, dans un des 8 logements inoccupés d’une résidence qui en compte 36. Jusqu’ici, elles logeaient au centre d’accueil des demandeurs d’asile d’Artigues, mais doivent en être expulsées d’ici 10 jours… soit à peu près la date du terme de la grossesse d’une des mères.

« L’Arménie n’est pas un pays en guerre, mais il s’y passe des choses terribles avec des militaires au pouvoir » explique une dame présente sur place hier matin, et qui se définit comme « citoyenne lambda ». « L’un des papas, ingénieur, était président d’un mouvement de jeunes qui se rebellaient contre la corruption et les atteintes aux droits humains. Il a été tabassé, était dans la ligne de mire du gouvernement. Mais quand l’Arménie sera en meilleure disposition, il rentrera avec sa femme, qui est avocate, et leurs 3 enfants. »

Art pompier

Sur place, la police se montre moins conciliante. Les représentants du propriétaire, ICF Habitat Atlantique, devaient aussi être présents pour une « réunion de chantier préalable au lancement de travaux ». Ce logement, en bon état, serait « destiné au relogement d’une famille ayant subi un sinistre sur une autre résidence », d’après ICF.

Avertis de cette situation, les occupants (les deux pères de famille ainsi qu’un membre du collectif) quittent d’eux-mêmes la maison. La quinzaine de policiers présents se dirige alors vers un troisième logement, déjà muré, dans laquelle se trouve un autre militant.

Les forces de l’ordre lui demandent de sortir, ce qu’il refuse avant de se positionner au bord d’une fenêtre du premier étage, prêt à sauter. Obligeant le recours aux pompiers pour aller le chercher, l’arrêter, et le placer finalement au garde à vue.

La police a dû appeler les pompiers pour expulser l’un des squats. (BG/Rue89 Bordeaux)

La vingtaine de personnes venues en soutien aux familles dénoncent la procédure d’expulsion immédiate :

« Vous ne pouvez pas faire d’enquête de flagrance puisque nous sommes là depuis plusieurs jours, donc cela doit faire l’objet d’une plainte, passer par un juge », lance l’un d’eux, assurant disposer des preuves de l’occupation depuis plus de 48h.

Deux familles toujours sans solution

La préfecture, de son côté, confirme que la police est intervenue « dans le cadre d’une flagrance de délit, pour violation de domicile, pour des squats ouverts ce [mercredi] matin ». Alex, lui, est ressorti du commissariat avec une convocation devant le juge pour « violation de domicile ».

Dans le même temps, un quatrième squat ouvert de la même manière est lui ignoré par la police. Situé dans le même quartier, rue Marcel Sembat, il accueillerait un petit groupe d’étudiants, selon Alex.

En fin de compte, le bilan s’avère « très douloureux », selon les militants à l’origine de ces actions, avec 2 familles qui demeurent sans solution. Pourquoi cette rapidité des forces de police à évacuer les logements de la résidence ICF ?

« Bègles est la ville la plus squattée de France par rapport au nombre d’habitants. Avant on n’était pas vigilants, mais maintenant le préfet nous suit, alors on n’accepte plus de nouveau squat ici. Vous n’avez qu’à trouver une autre commune où le souci du squat est moins prégnant », laisse échapper un des policiers lors de l’opération.

Une stratégie fermement démentie par la préfecture :

« On ne cautionne jamais la mise en place de squats, que ce soit à Bègles ou ailleurs. À partir du moment où c’est illégal, l’État ne laisse pas faire. »

22000 logements vides

En raison des projets liés à Euratlantique, la zone comporte de nombreux logements vides en attente de démolition. Et les expulsions se multiplient ces derniers temps, à Bègles comme à Bordeaux, tandis que la Métropole abrite plus de 22000 logements vides, selon l’INSEE.

L’une des maison occupée devrait être rénovée pour accueillir une famille sinistrée (BG/Rue89 Bordeaux)

La résidence Charles Domercq, elle, serait destinée à être entièrement détruite pour laisser place à un « projet urbain […] à l’horizon 10 ans », selon ICF Habitat Atlantique. Mais la société affirme être en train de travailler à un projet intermédiaire, comme nous en informe son service communication :

« Compte-tenu des délais de ce projet d’une part et de l’urgence des besoins d’hébergement générée par la crise migratoire d’autre part, ICF Habitat Atlantique a proposé de mobiliser le patrimoine des 7 logements vacants pour apporter une solution d’hébergement à des réfugiés démunis. Une convention tripartite entre ICF Habitat Atlantique,  la Direction Départementale de la Cohésion sociale de la Gironde et une association qui sera désignée par l’Etat pour le logement de familles de réfugiés est en cours. »

Réaction des militants : « C’est super. On aimerait bien être impliqué là-dedans, éventuellement avec des associations comme Médecins du Monde ou la Fondation Abbé Pierre », signale Alex. Bailleurs et squatteurs travaillant mains dans la main ? À suivre…


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