Certes, la pratique du vélo a encore augmenté de 8 % l’an dernier dans la métropole bordelaise, où elle représente 8% des déplacements (13% à Bordeaux). Oui, l’autoroute à vélo du cours Maréchal-Juin, le pont de pierre ou les pistes cyclables sécurisées de l’Aéroparc sont massivement empruntés. Et pourtant, les cyclistes de l’agglomération ne sont pas vraiment satisfaits.
C’est ce qui ressort du baromètre annuel de la Fédération des usagers de la bicyclette, dévoilé ce jeudi soir à Bordeaux où la FUB, représentant 300 associations locales de cyclistes, tient son 20e congrès. Alors que Bordeaux figurait dans le palmarès 2019 à la troisième place des villes de plus de 200 000 habitants, elle occupe seulement la cinquième place de cette édition 2020, dont Strasbourg conserve le leadership, et Nantes la 2e position.
Bordeaux est dépassée par Rennes et Paris dans ce classement fondé sur les appréciations des cyclistes. 2619 bordelais ont répondu au questionnaire de la FUB, contre 1882 l’an dernier, et leur note moyenne est moins bonne : 3,24 sur 6, contre 3,46 l’an dernier, correspondant à un climat général toujours « moyennement favorable au vélo ».
« La baisse de la note peut paraître paradoxale avec le développement de la pratique, souligne Olivier Schneider, président de la FUB, mais elle s’explique très bien par un niveau d’attente plus élevé des Bordelais. Ils ne veulent plus seulement faire du vélo tranquillement sur des pistes sécurisées, mais aussi pouvoir laisser leur fils de 12 ans aller tout seul au collège, ou que leurs parents âgés circulent sans mettre leur santé en danger. »
Attentes déçues
Les attentes des Bordelais sont aussi au cœur de la réaction de Ludovic Fouché, « un peu surpris par ce classement ». Le co-responsable de l’association Vélo-Cité explique cette dégringolade par l’absence d’une « réelle envie collective d’améliorer la qualité cyclable de la ville ». D’ailleurs, la métropole n’est qu’à 8% de part modale, alors que son objectif était d’atteindre 15% dès la fin de 2020.
S’il reconnaît une ambition politique, incarnée par le deuxième plan vélo de la métropole, il considère que « derrière, les moyens ne suivent pas ».
« Il manque à Bordeaux une culture vélo, cela reste pour beaucoup de la promenade et de la balade. On prévoit des aménagements apaisés ou partagés, quand il y a une rue ou un espace public à refaire. Mais ce n’est le besoin des cyclistes aujourd’hui. Ce qu’ils veulent, c’est un niveau qualitatif, des aménagements à haut niveau de service, efficaces, performants, et sécurisés. »
L’augmentation du trafic vélo cause ainsi des problèmes de cohabitation avec les piétons, notamment sur les quais où passent les cyclistes, faute de piste dédiée sur toute leur longueur.
Vélo, ma non troppo
Pire, certains aménagements plongent même les cyclistes en milieu hostile, selon Ludovic Fouché :
« Le tram D est typiquement l’exemple d’aménagements neufs qui font chuter la ville de Bordeaux dans ce baromètre. Les vélos n’y ont pas le droit de descendre des boulevards vers le centre-ville […]. Dans l’autre sens, ils sont en effet autorisés, mais quand on voit la manière dont ça a été fait avec des bordures dans tous les sens, et évidemment les rails du tram, c’est une aberration pour les usagers. »
Le nœud du problème, résume le responsable de Vélo-Cité, c’est qu’ « on veut bien faire du vélo mais sans trop empiéter sur la voiture », à l’image du projet de réseau express vélo « qui se fait attendre pour les boulevards ». Or ce sont les villes qui ont fait reculer l’automobile qui ont pris des points au baromètre de la FUB :
« Certaines ont intégré les zones à faible émission CO2. Strasbourg, premier du classement, améliore ses équipements. Nantes, deuxième, teste les zones à trafic limité. Grenoble, première dans sa catégorie (100 000 à 200 000 habitants), a mis en place des pistes cyclables matérialisés au sol avec des couleurs différentes et on peut traverser la ville en suivant une couleur. Les habitants cyclistes de ces villes ressentent moins la pression de la voiture. »
Une « conquête facile »
Pour Olivier Schneider, de la FUB, la mauvaise place de Bordeaux s’explique ainsi par une politique « business as usual », quand d’autres villes ont mis les bouchées doubles. Que ce baromètre tombe l’année où Bordeaux accueille le congrès de la FUB, et à un mois des municipales « va faire un choc », espère Ludovic Fouché.
C’est ce que souhaite demande Vélo-Cité, qui fait signer aux candidats aux élections municipales un « plaidoyer pour la métropole à vélo », fort de quatre mesures (dont un réseau cyclable à haut niveau de service et un parc cyclable sur les boulevards) que les futurs élus s’engagent à tenir. Sept candidats l’ont déjà signé, quatre autres s’apprêtent à le faire dans la métropole.
Olivier Schneider pense qu’après la crise des Gilets jaunes, le développement du vélo est pour les maires « une conquête facile » : en permettant la pratique d’un mode de déplacement peu onéreux, elle peut redonner du pouvoir d’achat aux habitants, et de l’espoir dans la lutte contre le réchauffement climatique.
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