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Coronavirus : la difficile prise en charge des sans-abris sur l’agglo bordelaise

Depuis l’annonce du confinement pour faire face à l’épidémie de Covid-19, les bénévoles et agents de l’Etat tentent de s’organiser pour préserver les sans-abris, une population démunie et particulièrement vulnérable. Sur la métropole bordelaise, le défi est de taille et les solutions sont difficiles à mettre en place.

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Coronavirus : la difficile prise en charge des sans-abris sur l’agglo bordelaise

Comment protéger et aider les sans-abris à faire face au virus ? Quid des migrants qui résident dans des camps de fortune, où la « distanciation sociale » ne peut être respectée ? Ce lundi soir, dans son allocution, le président Emmanuel Macron a évoqué la situation des personnes les plus précaires. « Nous ferons en sorte, avec de grandes associations, les collectivités locales et leurs services qu’ils puissent être nourris, protégés », a-t-il notamment déclaré.

Le président de la République a également appelé chaque citoyen à rester isolé à domicile et limiter ses interactions sociales au strict minimum. Dans ces conditions, comment continuer à porter secours aux populations ne disposant pas de domicile fixe ?

Pour le moment, les structures d’aide aux sans-abris à Bordeaux s’organisent au jour le jour. Elles attendent surtout des réponses de la part du gouvernement. Ce mardi soir, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a notamment rencontré le ministre du logement, Julien Denormandie.

Le Samu social s’adapte

« On est en train de s’organiser« , indique à Rue89 Bordeaux Florence Lamarque, directrice du Samu Social de Bordeaux.

Ce lundi matin, une première décision a été prise : les personnes, accueillies la nuit, resteront désormais en journée dans le centre, situé cours de la Marne. Pour le reste, le fonctionnement reste le même.

Sans-abri devant l’église Saint-Eloi (WS/Rue89 Bordeaux)

« Les personnes passent une à deux nuits dans notre centre en fonction des profils. Ensuite, leur présence est renouvelée ou elles sont orientées vers d’autres centres où la durée d’hébergement est plus longue. Ici, on est une petite unité », informe la directrice.

La capacité d’accueil du Samu Social de Bordeaux ne subit pas d’évolution depuis la propagation de l’épidémie : huit lits en période hivernale ainsi que huit places pour des familles « très vulnérables rencontrées en maraude », confie Florence Lamarque.

Une veille sanitaire accrue

Sur le plan sanitaire :

« On essaye de mettre en place une campagne de prévention sur le lavage des mains. On réalise vraiment un travail d’éducation en matière sanitaire. Concernant les maraudes, on va mener une veille sanitaire auprès de personnes que l’on a repérées, vraiment désocialisées et qui se trouvent dans la non-demande. On va aller les voir beaucoup plus régulièrement. »

Pour rappel, à Bordeaux, le Samu Social compte quelque 25 salariés, dont trois renforts supplémentaires en période hivernale.

« On a une équipe pluridisciplinaire composée de travailleurs sociaux, d’infirmiers, d’un médecin à un quart temps », rappelle Florence Lamarque.

Le son de cloche est similaire du côté de la Halte 33, une association d’accueil des sans-abris. L’heure est à la réorganisation quasi-permanente depuis lundi.

Celle-ci dispose d’un centre d’hébergement d’une capacité de vingt-cinq places dans le quartier de Ravezies, avec un grand dortoir ainsi que six box individuels réservés aux femmes. Ici, la durée d’hébergement est limitée à quinze jours, avec un accueil de 18h à 8h. Le public, majeur, vient des quatre coins du monde. Dix places sont également réservées pour des personnes de passage, chaque jour, entre 17h30 et 21h30, avec possibilité de douche, repas et orientation sociale.

“Depuis lundi, notre planning change tous les jours. Certains employés doivent garder leurs enfants. Nous sommes en effectif minimum. C’est extrêmement compliqué. Du coup, nous avons mobilisé l’ensemble de l’équipe afin de pouvoir assurer l’hébergement avec la présence d’au minimum deux personnes », explique la chef de service, à Rue89Bordeaux.

Une prise de conscience collective

Sur le plan sanitaire, la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) a transmis un protocole à suivre. 

« Le personnel de ménage nettoie constamment les toilettes, les poignées de porte… Nous invitons les gens à se laver les mains toute la journée, d’avoir une certaine distanciation, ce qui n’est pas simple. La pédagogie est très compliquée. Honnêtement, ce n’est pas simple du tout. Nous sommes constamment dans le rappel des règles sanitaires. Des règles qui sont également affichées dans toutes les langues. Depuis lundi, une réunion se tient chaque midi. Une prise de conscience collective doit être indispensable. »

Depuis lundi, la Halte33 a dû apporter de nombreuses modifications et une importante réorganisation.

« Depuis le confinement, nous avons suspendu les passages. Nous maintenons les personnes 24h/24 avec petit déjeuner, déjeuner et dîner servis par notre structure, informe la chef de service. Sur la partie dortoir, les Restos du coeur, qui se trouvent à côté de la Halte 33, nous ont mis à disposition leur salle de repos. Depuis lundi soir, une partie de notre public accueilli dort là-bas. Nous avons également transformé notre salle d’animation en lieu qui sera réservé aux personnes souffrant de symptômes sans gravité. Nous essayons de faire en sorte que les gens ne sortent pas tous en même temps dans la cour. Enfin, il est désormais interdit de se mettre côte à côte dans le réfectoire. »

Pour le moment, une seule personne accueillie à la Halte 33, a été conduite à l’hôpital. « Elle est revenue avec un certificat médical. Elle a été immédiatement confinée avant d’être accueillie par nos partenaires, dans une chambre individuelle, au centre d’hébergement d’urgence Domercq de Bordeaux », révèle notre interlocutrice.

Des mesures exceptionnelles

Au sein de la mission squats et bidonvilles de Médecins du Monde à Bordeaux, une équipe mobile – une quarantaine de membres, professionnels et non professionnels de santé – sillonne le territoire de la métropole bordelaise.

« Aujourd’hui, plus de 2 000 personnes vivent dans des squats et des bidonvilles à l’échelle de la métropole bordelaise. Ce sont des gens en situation de très grande précarité, qui n’ont pas forcément accès à l’eau par exemple, explique Morgan Garcia, de la mission squats. Sur place et au quotidien, nos membres leur proposent des consultations, un accompagnement afin d’obtenir une couverture maladie par exemple. Ce travail vise surtout à améliorer leurs conditions sanitaires. »

L’entrée du bidonville de Brazza, rue de Lajaunie (SB/Rue89 Bordeaux)

Le permanent de Médecins du monde livre son point de vue sur la situation sur le terrain depuis le développement de cette épidémie :

« Nous avons eu la confirmation que les préfectures avaient reçu des instructions visant à améliorer les conditions sanitaires dans les squats et les bidonvilles. Aujourd’hui, il reste beaucoup de questions à régler. Par exemple, il n’y a absolument pas de distribution de kit d’hygiène envers ces populations. Sur place, on leur délivre simplement des messages de prévention. Il va vraiment falloir des mesures exceptionnelles avec la distribution de gel, la mise en place de points d’eau. Nous arrivons à peine à subvenir aux besoins de nos équipes en matière de gants, de masques et de gel hydroalcoolique. »

Alexandra Siarri, adjointe au maire de Bordeaux chargée de la cohésion sociale et territoriale, ajoute :

« Les masques sont réquisitionnés en faveur des personnels soignants. Pour le reste, il n’y a pas besoin de masques si on respecte bien la consigne de mise à distance et du lavage de mains. » 

Quid des « centres de desserrement » ?

En fin de semaine dernière, plusieurs cas de contamination au coronavirus ont été identifiés dans certains centres, notamment en Ile-de-France. Selon les autorités, le nombre de personnes infectées dans les structures d’accueil pour sans-abris est « très évolutif ». Au-delà des mesures de confinement immédiates qui ont été prises, le gouvernement et les autorités de santé planchent sur la mise au point de « centres de desserrement ». Le but ? Mieux isoler les personnes concernées.

A Rue89 Bordeaux, Fabienne Buccio, préfète de la région et de la Gironde, déclare :

« On travaille effectivement sur le sujet depuis plusieurs jours. En Gironde, nous avons déjà 130 places qui ont été prévues pour parer à cette situation. »

En attendant la création officielle de ces centres, des questions sont soulevées sur le plan national. Pour Romain Joubert, chargé de mission au sein de la fédération des Acteurs de la solidarité Nouvelle-Aquitaine (FASNA).

« Qui va travailler dans ces structures ? Pour le moment, nous n’avons pas de réponse précise. »

Pas d’ouverture de gymnases

Lundi soir, Alexandra Siarri a réuni les principales structures en charge de l’urgence sociale. 

« Nous avons discuté avec elles de leurs positions, de leurs besoins. Je suis également en lien quotidien avec la direction départementale de la cohésion sociale. Le sujet des sans-abris est ultra sensible. […] Pour le moment, aucun lieu d’hébergement n’a été fermé. Nous travaillons à une continuité de services au public en respectant toutes les consignes d’hygiène. Nous voulons également éviter une désorientation des publics accompagnés. »

Depuis lundi soir, la Ville de Bordeaux, en collaboration avec la startup citoyenne Hacktiv, a mis en place une plateforme numérique, jeparticipe.bordeaux.fr. Celle-ci met en relation associations et citoyens pour favoriser l’engagement bénévole ponctuel ou régulier, et l’entraide entre associations.

« 250 bénévoles sont disponibles et pourraient venir en soutien des structures bordelaises en demande », rappelle Alexandra Siarri.

En référence à la ville de Paris qui a ouvert 14 gymnases aux sans-abris, l’adjointe à la mairie de Bordeaux précise, qu’ « à ce stade, il n’y a pas de raison d’ouvrir des gymnases à Bordeaux. En revanche, si la préfecture nous demande de réquisitionner des gymnases, ce sera sans problème. »


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