
Fermeture de Fip Bordeaux : « Une radio que nous n’oublierons pas, car nous savons ce que nous perdons »
Ancienne « fipette » bordelaise, Anne Chaput publie une tribune le soir même de la fermeture des antennes de Bordeaux, Nantes et Strasbourg. « Ce n’est pas seulement une radio locale que l’on perd, mais un service public essentiel et de qualité. »
Après des années de menaces de fermeture, ce vendredi 18 décembre était le jour J, le tout dernier, pour l’antenne locale de Fip à Bordeaux (mais aussi celles de Nantes et Strasbourg). La musique continuera de résonner dans le poste sur la même fréquence, mais les infos nous concerneront beaucoup moins, désormais distillées depuis Paris et passant d’une échelle girondine à celle de toute la France.
Quoi de plus triste qu’un enterrement en temps de pandémie, quand les gens ne peuvent se rassembler pour partager leur chagrin, leurs souvenirs, leur colère éventuelle, leur dépit ?
Quoi de plus triste pour la culture locale que la fermeture de Fip Bordeaux en décembre 2020, sans doute le pire moment pour la communauté de ses auditeur·rices et le meilleur pour ses dirigeants parisiens : entre confinement et pseudo-fêtes de fin d’année ?
La tête ailleurs et le courage en berne, on regarde impuissant·e l’épée de Damoclès qui finit par tomber après toutes ces menaces sans cesse reconduites, tous ces délais de grâce accordés chaque fois in extremis et qui laissaient penser que Fip Bordeaux résisterait toujours, que nul·le ne parviendrait à nous en priver.
Virus partout, culture nulle part
La nécrologie, ressortie trop souvent, raturée, rallongée, n’a plus guère de sens aujourd’hui, et c’est ainsi qu’on nous la fait digérer, de guerre lasse, chacun·e enfermé·e chez soi.
On sait pourtant ce que l’on perd, malgré le déni opposé par les fossoyeurs des locales de Fip (Nantes et Strasbourg subissent le même sort que Bordeaux) : des informations égrenées tout au long de la journée sur la vie culturelle autour de soi, de la plus petite expo au plus convivial des festivals électro, en passant par toutes les expressions artistiques possibles et imaginables.
Ces précieuses infos – une cinquantaine par jour – données avec le sourire par des animatrices qui connaissent le terrain culturel local comme leur poche, c’est fini, nous ne les aurons plus.
Comme en écho aux salles de spectacles trop souvent fermées cette année, la disparition des locales de Fip nous donne le coup de grâce, à quelques jours de la fin d’une année épouvantable pour la culture et, au-delà, pour la démocratie. Un bien grand mot pour une petite radio ? Pas si sûr, quand il a été maintes fois prouvé que la richesse des médias locaux contribue à la vitalité démocratique et à la construction identitaire des régions.
Stratégie d’usure et diversion finale
Ce n’est pas seulement une radio locale que l’on perd, mais un service public essentiel et de qualité, encore un, sacrifié sur l’autel d’on-ne-sait-plus-trop-quoi, pas même le fric, puisqu’une antenne de Fip coûtait trois fois rien. Ce n’est pas seulement une radio locale que l’on ferme, mais aussi le clapet d’une demi-douzaine de femmes qui y travaillaient avec une très large autonomie et une belle liberté d’expression, dans le souvenir d’un management, jadis, plus humain.
La stratégie d’usure aura donc, une fois encore, admirablement fonctionné, puisque Fip Bordeaux s’arrête alors que nous n’avons plus la force de protester. Ce qui donnait un peu de sens à notre redevance audiovisuelle disparaît, cette rumeur qui nous donnait envie de sortir de chez nous se tait, dans l’indifférence d’une ministre d’opérette et d’une nation désolidarisée.
Ce trou dans la toile locale ne se voit guère depuis Paris mais il fera tache, l’an prochain, lorsque Fip fêtera ses cinquante ans, mine de rien. Un anniversaire détaillé en conférence de presse pas plus tard qu’hier, comme pour faire diversion. Fip Bordeaux n’aura donc pas d’enterrement digne de ce nom, mais nous ne l’oublierons pas, car nous savons ce que nous perdons.
Je comprends la volonté de Radio France de faire des économies, en cette époque troublée de partout, où les dépenses se multiplient sans cesse quand les recettes suivent exactement la trajectoire inverse (les bienfaits du tout gratosse, la primauté faite au consommateur de mes 2).
Je pense que probablement un accord intermédiaire eut pu être trouvé: conserver 2, 3 fipettes, les mutualiser avec France bleu.
Double avantage:
- conserver quelques postes,
- améliorer le niveau alarmant de France bleu qui se rapproche dangereusement des radios de type PQ ? (je me rappelle plus bien le sigle), Wit FM, Gold FM, ....
De la part de " hauts dirigeants" des gouvernements successifs ou de grands établissements publics dont le premier acte à leur entrée en fonctions est de refaire de fond en comble le mobilier, le look, les dimensions et le patrimoine de leur bureau, un tel souci de préserver les finances publiques ferait presque sourire....
Quoi dire de plus devant autant de mépris du public,
la soi disante économie budgetaire n'est évidemment qu'un prétexte
Supprimer le lien se retrouve dans la politique générale de ce gouvernement. Pourtant on ne peut pas dire que Fip est une radio trop engagée
Avec une Bachelot au ministère de la culture et les pingouins malfaisants qui nous dirigent il faut s'attendre au pire
Courage, cela peut changer