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VGE, costards, LBD… ce qu’on a retenu d’un conseil municipal de Bordeaux XXL

La sanctuarisation de la Jallère, un dispositif d’interpellation citoyenne introduit dans le règlement du conseil municipal (contrairement à la tenue correcte que voulait exiger certains élus), des cours d’école dégenrées ou encore une question d’Antoine Boudinet sur l’interdiction des armes sublétales deux ans après avoir perdu sa main devant la mairie : voici ce qu’on pourrait relever de façon subjective de cette dernière séance marathon (7h30) du conseil municipal.

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VGE, costards, LBD… ce qu’on a retenu d’un conseil municipal de Bordeaux XXL

A l’entrée de l’hôtel de métropole, les élus bordelais sont accueillis ce mardi avec des bouteilles de Château du Lac – de l’eau en bouteilles remplies près de la rocade -, distribuées par le collectif Bienvenue. Ses militants alertent ainsi le conseil municipal sur la situation d’une centaine de sans-abris campant au bord du lac, obligés d’y puiser de l’eau pour boire, cuisiner et se laver.

Adjointe au maire chargée de l’accès aux droits et des solidarités, Harmonie Lecerf leur répondra en séance attendre les résultats d’une expertise pour un raccordement à l’eau potable, « très compliqué techniquement », et promis d’ici là de faire acheminer l’eau nécessaire.  

Conjuguer de telles urgences – comme la rectification de 16,5 millions d’euros du budget pour faire face à la crise sanitaire – en tentant d’imprimer sa marque à ce début de mandat, cela résume la dialectique de Pierre Hurmic lors de ce sixième conseil municipal.

Il s’est ouvert par une minute de silence à l’honneur tout à la fois de Daniel Cordier, Jean Tavernier et Valéry Giscard d’Estaing – pour lequel l’ex premier adjoint Fabien Robert (Modem) a demandé, et obtenu, que la mairie étudie un lieu à rebaptiser en son honneur. Philippe Poutou aurait souhaité réparer un oubli, et inclure Anne Sylvestre à l’hommage de l’assemblée, une remarque applaudie pas ses congénères.

Le règlement, c’est le règlement

La séance a démarré avec l’examen technique mais in fine très politique du nouveau règlement intérieur, fort de plusieurs « avancées » soulignées par Pierre Hurmic.

D’abord, deux outils visent à développer « la participation des habitants à la vie locale » : la possibilité pour le conseil municipal de créer des « comités consultatifs sur tout sujet d’intérêt communal » et celle pour les Bordelaises et Bordelais d’interpeller la mairie « par le biais de pétitions électroniques ou manuscrites sur les sujets relevant de sa compétence ». Une question pourrait être inscrite à l’ordre du jour du conseil à partir de 4000 signatures.

Vote lors du conseil municipal de Bordeaux le 8 décembre 2020 (SB/Rue89 Bordeaux)

Ensuite, la nouvelle majorité verte-rose a voulu renforcer les droit de l’opposition, en créant des « espaces d’expression supplémentaires pour les élus n’appartenant pas à la majorité municipale », notamment des liens vers leurs pages depuis les réseaux sociaux et site officiel de la Ville. Mais aussi en inscrivant dans le règlement intérieur la proposition de confier la présidence de la première commission (finances, défi climatique, administration générale) à un élu d’un des groupes minoritaires.

Ces derniers ont salué cette offre, et indiqué qu’ils présenteraient un des leurs à la présidence de cette commission – Marik Fetouh pour Bordeaux Ensemble, Thomas Cazenave pour Renouveau Bordeaux et Antoine Boudinet pour Bordeaux en luttes.

10%

Mais ils ont aussi distillé quelques tacles. Fabien Robert a par exemple déploré que l’indemnité mensuelle des élus municipaux ne soit réduite que de 10% en cas d’absence sans justificatif valable à une séance du conseil municipal, « quand elle est de 30 à 40% au conseil régional ».

Thomas Cazenave a proposé trois amendements, rejetés par l’assemblée. L’un d’eux a néanmoins été repris par Pierre Hurmic, qui s’est engagé à faire traduire en langue des signes le conseil municipal, ainsi que les principaux discours du maire et conseils de quartiers. Il a en revanche dit niet à inscrire dans le règlement l’interdiction de cumuler un poste d’adjoint avec une fonction exécutive dans une autre collectivité :

« C’est surtout une affaire de partis politiques et d’autodiscipline des élus, et les nôtres ont tous pris des engagements en ce sens. Ce ne peut être l’objet d’un règlement intérieur, valable que pendant la durée d’une mandature. Je ne suis pas persuadé que ce serait conforme à la loi. »

Pierre Hurmic n’a pas non plus voulu donner la possibilité à l’opposition de convoquer un conseil municipal extraordinaire si 10% des élus le demandent – « Ce serait dépouiller la majorité d’une prérogative fondamentale, celle de fixer l’ordre du jour ».

Endosser le costume

Plus tard dans la séance, les deux groupes de droite s’appuient pourtant sur une possibilité offerte par ce règlement : « un débat portant sur la politique générale de la commune est organisé lors de la réunion suivante du conseil municipal », s’il est demandé par un dixième au moins des membres du conseil municipal… A l’origine de cette requête, Alexandra Siarri, ancienne adjointe d’Alain Juppé, souhaite que ce débat porte sur les questions de logement et d’urbanisme.

La droite a donc voté ce nouveau règlement intérieur, mais pas Bordeaux en luttes :

« Selon l’article 37, le public présent au conseil municipal doit se tenir assis et garder le silence. Pour les élus déconnectés, la population est un corps étranger qui doit fermer sa gueule. L’important ce serait surtout de donner envie aux gens de venir, et les mouvements d’humeur cela fait partie de la vie. Et encore on s’en sort bien, car la droite de Nicolas Florian voulait interdire à Antoine Boudinet le port du gilet jaune. On aurait pu être obligés de porter des costards ! »

Des costards, il s’en est finalement peu taillés lors de ce conseil, qui a même voté à l’unanimité la clôture de la concertation sur le site de la Jallère. Celle-ci acte la sanctuarisation, voulue par 96% des participants, des zones humides autour du stade Matmut. Pierre Hurmic a rappelé son combat contre le projet immobilier lancé par Alain Juppé, mais aussi souligné qu’il avait été stoppé, du moins son volet logement, par Nicolas Florian.

Questions qui fâchent

L’opposition a toutefois interpellé les écologistes sur quelques points qui fâchent : si les 45 hectares appartenant à Bordeaux Métropole ne seront pas artificialisés et intègreront le parc naturel des Jalles, quid de l’autre moitié des terrains du site ? Ceux-ci sont en effet détenus par des entreprises, comme l’assureur Gan ou la CDC, qui avaient quelques ambitions pour une zone devenue constructible au PLU par le truchement de l’ancienne majorité.

« On ne sait pas bien si [ces entreprises] veulent rester, partir, vendre… » a répondu Bernard Louis Blanc, l’adjoint à l’urbanisme de Pierre Hurmic, affirmant que les rencontres avec les propriétaires des sièges sociaux implantés au lac étaient en cours.

Autre « victime collatérale », selon l’expression du maire, de l’arrêt de l’aménagement du site : Ikos, un village du recyclage et du réemploi fédérant notamment le Relais Gironde, le Livre vert et les Compagnons Bâtisseurs, qui devait s’y implanter. Interrogé par Nicolas Pereira (Bordeaux Ensemble) sur le devenir de ce projet, Stéphane Pfeiffer, adjoint à l’économie, a promis qu’il « en dirait plus très prochainement », mais que « des arbitrages étaient en bonne voie pour qu’Ikos voit le jour et que ce soit à Bordeaux ».

En cette journée mondiale du climat, le vote sur la Jallère est en tous les cas un symbole pour la majorité écolo de Bordeaux, tout comme une autre délibération entérinant la « végétalisation et la dégenrisation des cours d’écoles et de crèches ». Des ilots de fraicheurs seront ainsi créés dans 142 établissements, où l’égalité fille-garçon devra également être repensée pour que le foot et autres activités monopolisées par les garçons, n’occupent pas tout l’espace.

Antoine Boudinet (WS/Rue89 Bordeaux)

Grenade

Ce 8 décembre était une date importante à un autre titre, rappelait le conseiller municipal Antoine Boudinet lors d’un point presse en début de journée :

« Ca fait 2 ans jour pour jour que j’ai eu la main arrachée par une grenade Gli-F4, lors de l’acte IV des Gilets jaunes à Bordeaux, alors qu’on essayait d’entrer dans la mairie. Et samedi dernier, une sixième personne depuis 2018 a eu 3 ou 4 doigts arrachés lors de la manifestation à Paris contre la loi Sécurité Globale. On propose donc à la mairie de Bordeaux une demande de moratoire sur l’usage par les forces de l’ordre des LBD (lanceurs de balles de défense) et autres armes sublétales sur l’ensemble du territoire de la commune. Cela aurait une valeur symbolique et politique énorme. »

Le conseiller municipal Bordeaux en luttes n’avait pas d’illusion sur la « valeur légale » d’une telle décision, « pas de la compétence du maire ». Ce que Pierre Hurmic lui a confirmé en fin de séance, tout en exprimant sa compassion envers le jeune homme et en indiquant qu’il allait étudier sa demande – il s’agissait d’une question qui n’appelait pas de vote.

L’opposition de gauche à l’équipe EELV-PS-PC a toutefois décroché une promesse de l’édile : celle de ne pas armer la police municipale ni de la doter des pouvoirs que peut lui apporter la loi Sécurité globale.


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